P. Simon, B. Pignon, B. Miao, S. Coste, B. Bouchet-Fabre, P. Jegou, S. Marguet, Y. Leconte, C. Reynaud, N. Herlin-Boime
L’efficacité des crèmes solaires est principalement due aux propriétés d’absorption de la lumière de fines particules de TiO2 entrant dans leur composition. Ces particules possèdent aussi par ailleurs des propriétés photo-catalytiques utiles. Par un procédé original de synthèse laser, suivi d’un recuit, un nouveau composé TiO est obtenu qui a comme première propriété intéressante de décaler le seuil d’absorption de la lumière dans le domaine visible. Ceci pourrait permettre de renforcer la protection des crèmes solaires et ouvre la voie à de nombreuses autres applications potentielles.
Le dioxyde de titane TiO2 est un ingrédient entrant dans la composition de nombreux produits à l’usage quotidien, allant de la peinture aux pneus de voiture. Sa production est de plusieurs dizaines de tonnes par an. Sous forme de poudre nanométrique, on le trouve pour des applications en photocatalyse (ex : minéralisation de produits organiques) ou photovoltaïque et comme constituant de crèmes solaires. Toutes ces utilisations, qui reposent principalement sur sa capacité à absorber la lumière solaire, font de ce matériau un sujet d’études très actif.
Le dioxyde de titane existe sous différentes formes cristalline (rutile, anatase et brookite). La forme anatase est la plus réactive (photocatalyse) et la forme rutile est connue pour ses propriétés d’absorption (crèmes solaires). Les seuils d’absorption optique sont respectivement de 384 nm (3.2 eV) pour l’anatase (trait bleu sur la figure) et 411 nm (3.0 eV) pour le rutile (trait rouge) légèrement au-delà du maximum d’émission du spectre solaire. Afin d’optimiser l’absorption de l’énergie solaire, on cherche à modifier l’activité optique en rapprochant ces seuils de la partie visible du spectre. Dans ce but, plusieurs stratégies sont possibles : doper le TiO2 par des hétéro éléments (N, Fe, C, S,…) ou élaborer des structures sous stœchiométriques TiOx (x<2).
Au laboratoire, nous avons élaboré une méthode originale de synthèse de particules de TiO2 par pyrolyse laser : un précurseur liquide le TTIP (tétra-isopropoxide de titane) est injecté dans le faisceau d’un laser infrarouge où il est dissocié. Les produits de dissociation s’agglomèrent pour former des nanoparticules contenant les différents éléments du précurseur : Ti, C et O organisés sous la forme TiO2 + C. En se plaçant en conditions réductrices par l’ajout d’ammoniac (NH3) dans la zone de réaction, un nouveau composé Ti(O, N), jusqu’à présent inconnu, est obtenu sous forme de nanoparticules, dont la structure cristalline est de forme cubique TiO.
La couleur de la poudre initialement brune, du fait de la présence du carbone évolue jusqu’au jaune pâle au cours de différents traitements d’oxydation (simples recuits à l’air), première indication du départ du carbone et d’une oxydation progressive du matériau. Par ailleurs sa structure cristalline évolue vers celle du TiO2, avec un maintien partiel de la phase sous stœchiométrique jusqu’à la température de recuit de 400°C.
Corrélé à cette évolution de composition, la position du seuil d’absorption évolue en fonction des traitement thermiques. Le matériau recuit à 300°C montre en particulier une forte absorption dans le visible avec un seuil à 620 nm (environ 2 eV) qui rejoint après recuit à 450°C celui du TiO2 à 3.2 eV. Le décalage du seuil obtenu a le grand avantage de permettre l’absorption dans la gamme des UVA et UVB avec un composé unique.
Les premiers résultats montrent un renforcement de l’activité photochimique dans le domaine visible. Sous éclairement jusqu’à 530 nm (2.34 eV), le TiO obtenu est très actif pour la dégradation d’un composé organique standard (le bleu de méthylène). Dans les mêmes conditions, cette réaction n’est pratiquement plus efficace pour TiO2, qui n’absorbe pas dans le visible. Cette activité photochimique renforcée dans la partie du spectre visible ouvre tout un champ d’applications dans le domaine de la destruction des polluants.
Pour des applications de protection solaire, le facteur d’atténuation optique mesuré, qui permet d’évaluer l’efficacité du composé, est très supérieur à celui des matériaux utilisés dans les produits commerciaux. Pour développer une telle application, les nanoparticules (dont l’innocuité doit être largement testée) devront être recouvertes d’une couche de passivation minérale bloquant leur réactivité, déjà couramment utilisée chez les industriels du domaine.
Référence :
N-Doped Titanium Monoxide Nanoparticles with TiO Rock-Salt Structure, Low Energy Band Gap, and Visible Light Activity P. Simon, B. Pignon, B. Miao, S. Coste, B. Bouchet-Fabre, P. Jegou, S. Marguet, Y. Leconte, C. Reynaud, N. Herlin-Boime, Chem. Mater. 22(12) (2010) 3704. |