D. S. Inosov1, J. T. Park1, P. Bourges2, D. L. Sun1, Y. Sidis2, A. Schneidewind3,4, K. Hradil4,5, D.Haug1, C. T. Lin1, B. Keimer1, and V. Hinkov
1 Max-Planck-Institut für Festkörperforschung, Heisenbergstraße 1, 70569 Stuttgart, Germany
2 Laboratoire Léon Brillouin, CEA-CNRS, CEA Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette, France
3 Forschungsneutronenquelle Heinz Maier-Leibnitz (FRM-II), TU München, D-85747 Garching, Germany
A la grande surprise de la communauté scientifique, une supraconductivité à haute température critique (Tc > 50K) a été découverte en mars 2008 dans des composés à base de fer [1]. En effet, le fer magnétique était plutôt considéré comme antagoniste de la supraconductivité. De plus, c’est la première fois qu’on atteint une température critique si élevée sans cuivre. Comme les oxydes de cuivres supraconducteurs, ces nouveaux supraconducteurs présentent une structure lamellaire avec des couches de fer et de pnictures (composés à base de As, P… , éléments de la 15ème colonne de la table de Mendeleïev) entre lesquelles s’intercalent des plans « réservoirs de charges » (voir la figure). Ces matériaux présentent aussi un diagramme de phase proche de celui des cuprates, avec en fonction du dopage une phase antiferromagnétique contiguë à la phase supraconductrice [2].
La supraconductivité est liée à l’appariement des électrons de conduction en paires « de Cooper ». Pour les systèmes à fermions lourds* ainsi que dans les oxydes de cuivre supraconducteurs à haute température critique, il a été largement proposé que cet effet pouvait avoir comme origine un mécanisme d’origine magnétique. Cependant, l’existence de fortes corrélations électroniques et de phases en compétition complique de fait la situation et rendent difficile la vérification d’un modèle magnétique pour la supraconductivité. Dans les composés pnictures de Fe, la proximité de la supraconductivité et d’une phase antiferromagnétique dans le diagramme de phase relance fortement l’hypothèse de paires de Cooper stabilisées par les fluctuations magnétiques. Cette option est d’autant plus plausible que le couplage électron-phonon, responsable de la supraconductivité usuelle, est notablement faible dans ces matériaux.
Afin d’établir la validité de cette hypothèse, il faut connaitre le détail du spectre des excitations magnétiques au dessus de la transition supraconductrice Tc. En effet, la plupart des théories de la supraconductivité supposent l’existence d’une interaction attractive entre électrons déjà présente dans l’état normal (T > Tc). Il faut de plus que cette « colle » soit assez robuste pour conduire à une supraconductivité à haute température critique (Tc).
Structure atomique du composé BaFe2As2 qui présente un ordre antiferromagnétique. La substitution du Fe par le Co permet un dopage en électrons. Par dopage avec 15 % de Co, la température de la transition magnétique est abaissée et la supraconductivité apparaît en dessous de la température critique de 25 K.
Par diffusion inélastique de neutrons** dans le composé à dopage optimal BaFe1.85Co0.15As2 (Tc = 25 K) nous avons pu déterminer la susceptibilité magnétique sur une large gamme d’énergie et de température [3]. La section efficace de diffusion de neutrons est directement proportionnelle à la partie imaginaire de la susceptibilité magnétique (liée à l’atténuation due aux pertes dans le solide) qui est représentée sur la figure en unité absolue dans la phase normale et dans la phase supraconductrice. Dans l’état normal, le poids spectral de ces fluctuations magnétiques est en accord avec les prédictions de la théorie d’un métal avec des corrélations antiferromagnétiques (cf le modèle décrivant les données sur la figure). Ce magnétisme itinérant serait induit par des propriétés topologiques particulières des surfaces de Fermi. Dans la phase supraconductrice, on observe un pic de résonance autour de 9.5 meV avec l’ouverture d’un gap de spin à 3 meV. Avec la température, l’énergie de cette résonance diminue en suivant exactement l’évolution thermique de deux fois le gap supraconducteur (énergie nécessaire pour briser une paire de Cooper) comme prédit par la théorie conventionnelle du magnétisme itinérant.
L’ensemble de ces observations implique que la dynamique de spins dans les pnictures de Fe peut être simplement décrite par une théorie de magnétisme itinérant attendue pour un liquide de Fermi. Cela pose une base solide pour les modèles où la supraconductivité est induite par le magnétisme.
* Système à fermions lourd : Métaux à fortes interactions électroniques entre électrons de type f et électrons provenant de bandes de conduction; La masse effective des électrons vaut typiquement 100 à 1000 fois celle d’un électron libre !
** Travaux réalisés auprès du réacteur de neutrons à haut flux « Orphée » du laboratoire Léon Brillouin (CEA – CNRS, Saclay) ainsi qu’auprès du réacteur FRMII-Garching (Allemagne).
Références :
[1] Superconductivity at 43 K in SmFeAsO1-xFx
X. H. Chen, T. Wu, G. Wu, R. H. Liu, H. Chen & D. F. Fang, Nature 453, 761-762 (2008).
[2] Hall Effect and Resistivity Study of the Magnetic Transition, Carrier Content, and Fermi-Liquid Behavior
in Ba(Fe1-xCox)2As2
F. Rullier-Albenque, D. Colson, A. Forget, and H. Alloul, Phys. Rev. Letters 103, 057001 (2009).
[3] Normal-state spin dynamics and temperature-dependent spin resonance in an optimally electron-doped iron arsenide superconductor, D. S. Inosov, J. T. Park, P. Bourges, D. L. Sun, Y. Sidis, A. Schneidewind, K. Hradil, D.Haug, C. T. Lin, B. Keimer and V. Hinkov, Nature Phys. 6 (2010) 178. |
Communiqué de presse du Max-Planck-Institut für Festkörperforschung de Stuttgart (en allemand).