Nouvelles membranes conductrices de protons ‘biomimétiques’ pour piles à combustible ‘PEMFC’

Nouvelles membranes conductrices de protons ‘biomimétiques’ pour piles à combustible ‘PEMFC’

Thomas Berthelot, C. Baudin et M.-C. Clochard, LSI*

A l’heure où nous nous interrogeons sur les réserves de combustibles fossiles de notre planète et sur les conséquences de l’effet de serre sur le réchauffement du globe, l’hydrogène est considéré comme le vecteur énergétique d’avenir pour les transports. Les recherches conduites par le CEA portent sur toutes les étapes de cette filière : production, stockage, transport, distribution et utilisation. Dans cette filière, l’hydrogène produit à partir d’énergie primaire, solaire, nucléaire, éolien, chimique… est embarqué dans le réservoir du véhicule et une pile à combustible, élément permettant la conversion propre (sans émission de CO2) de l’énergie chimique en énergie électrique, associée à un moteur électrique remplace alors le moteur à essence de nos voitures.

Parmi les différents types de piles adaptées aux applications de transport, les plus intéressantes sont de type PEMFC (Proton Exchange Membrane Fuel Cell). Ces piles contiennent en particulier une membrane polymère capable de jouer le rôle d’électrolyte solide. Dupont De Nemours commercialise une membrane à base de polymère perfluoré sulfoné, le Nafion®. Cette membrane présente cependant quelques inconvénients comme une autonomie médiocre (< 5000h de fonctionnement), une fragilité mécanique, l’incapacité à fonctionner en milieu anhydre… L’équipe des « Polymères Irradiés » du LSI essaie de répondre à ces problèmes en proposant un nouveau type de membrane.

Figure 1 : Analogies entre une pile à combustible « PEMFC » et la chaîne respiratoire des mitochondries.

L’approche originale consiste à mimer des protéines présentes dans certains organites cellulaires comme les mitochondries. En effet, une certaine analogie peut être faite entre une PEMFC et les mitochondries qui sont en quelque sorte « les piles » de nos cellules.

Dans une PEMFC, l’hydrogène de l’anode est dissocié en protons et en électrons suivant la réaction d’oxydation : H2 → 2 H+ + 2 e. Il en résulte donc une différence de concentration en proton très importante entre l’anode et la cathode générant alors une force électrochimique qui est accentuée par la recombinaison 2 H+ + 2 e + 1/2 O2 → H2O. Un phénomène identique est observé au niveau de la chaîne respiratoire présente dans la mitochondrie. Elle génère un gradient électrochimique de protons de part et d’autre de la membrane mitochondriale ([H+]ext > [H+]int).

Figure 2 : Structure d’une protéine trans-membranaire permettant le transfert des protons.

Cette force électrochimique est mise à contribution au niveau d’une sous unité d’une protéine transmembranaire (équivalent à un canal), l’ATP synthase, pour générer de l’énergie sous la forme d’ATP (Adénosine TriPhosphate). L’étude structurale (utilisation et agencement spatial de différentes fonctions conductrices de protons) de cette protéine permet de comprendre le très bon rendement de ce transfert protonique.

Il nous est donc apparu intéressant de mimer ce type de protéine ainsi que son environnement au sein d’une membrane perfluorée. Le support est un film polymère thermoplastique de type PVDF bombardé par les ions lourds rapides du GANIL et radiogreffé par un polyélectrolyte le long des traces générées lors du passage des ions (Figure 3).

Figure 3: Membrane PVDF irradiée aux ions 208Pb58+ (5 MeV/uma) du GANIL : partie gauche, révélation chimique des traces (KOH 10N, KMnO4 0.25wt%) ; partie droite, le radiogreffage d’un polyélectrolyte permet le remplissage des canaux avec ou sans révélation préalable.

Des nanocanaux de circulation sont ainsi créés privilégiant le transport des protons de l’anode vers la cathode. Par sa bonne résistance mécanique à basse et haute température pour une épaisseur de ~10μm seulement et par son imperméabilité aux gaz en condition de pile, ce type de membrane se révèle être un excellent candidat. La fonctionnalisation du polyélectrolyte à l’intérieur des canaux de conduction par différentes entités conductrices de protons nous a permis de valider notre approche. D’autres développements sont en cours afin de la rendre plus compétitive en terme de conductivité (Figure 4).

Références :
Brevets FR 07 57873 et FR 07 57875 (Demandes déposés en Septembre 2007)

* LSI : Laboratoire des Solides irradiés, Laboratoire commun CEA (DSM/IRAMIS), CNRS (UMR 7642) et Ecole Polytechnique.

Figure 4 : Profils d’impédances types de membranes conductrices de protons en milieu aqueux – comparaison entre membrane NAFION© et membrane en PVDF radiogreffée modifiée par des fonctionnalités conductrices de protons.