Génotoxicité de l’uranium

Génotoxicité de l’uranium

Céline Thiébault, Marie Carrière et Barbara Gouget
Laboratoire Pierre Süe, CEA/DRECAM/LPS – CNRS/UMR 9956

L’expérience humaine nous a beaucoup appris sur la toxicité des métaux lourds, surtout dans des conditions d’intoxication aiguë impliquant des doses fortes pendant une courte période. Mais qu’en est-il des très faibles expositions ? Peut-on définir un seuil en dessous duquel la toxicité serait négligeable ? L’enjeu est important du fait du développement industriel et des techniques, de l’usage de nouveaux matériaux et de leur impact possible sur l’environnement et la population.

Afin de mieux appréhender l’impact de conditions environnementales, l’accent a été mis sur des conditions d’exposition chronique : faibles concentrations d’uranium, administrées en continu ou de façon répétée sur des durées plus longues. Cette étude ne concerne pas la toxicité radiologique mais uniquement chimique et ses effets sur le noyau cellulaire et l’ADN.

L’atome d’uranium

L’effet génotoxique de l’uranium a été recherché au moyen de trois tests complémentaires :

  • -Le test des Comètes (électrophorèse) qui permet de détecter des lésions primaires de l’ADN (lésions initiales et réparables comme des cassures simple ou double-brin),
  • -Le test des micro-noyaux qui permet de mettre en évidence des mutations chromosomiques ou du génome,
  • -Le marquage des histones γH2AX, qui permet la mise en évidence des cassures double-brins de l’ADN par microscopie à fluorescence.

Les résultats obtenus après intoxication aigüe de cellules de rein de rat montrent que les dommages à l’ADN augmentent avec la concentration en uranium (Figure 1) mais ne conduisent pas à la perte de fragments chromosomiques.

Pour l’étude des faibles concentrations d’uranium, les cellules rénales sont immergées dans des solutions contenant de 0,1 à 100 µmole par litre pendant des temps longs, jusqu’à 70 jours. A titre de comparaison, on trouve en Finlande des eaux potables contenant jusqu’à 8 µmole par litre. De façon surprenante, les 3 tests de génotoxicité mis en œuvre montrent que l’uranium, à faible dose, induit des cassures de l’ADN, allant même jusqu’à la formation de micronoyaux caractéristiques de la perte de fragments chromosomiques ou de chromosomes entiers (figure 2). On observe aussi que les dommages à l’ADN provoqués par les faibles concentrations d’uranium sont d’autant plus marqués que les cellules sont exposées pendant des temps longs.

Figure 1 : Mise en évidence des cassures ADN dans les cellules rénales après exposition aiguë à l’uranium

En conclusion, on observe que les fortes doses appliquées sur des temps courts provoquent des dommages à l’ADN dont des cassures simples et double brins. Les faibles concentrations appliquées pendant des temps longs induisent des dommages moins nombreux, mais pouvant aller jusqu’à des mutations et la perte de fragments chromosomiques. Les recherches portant sur les très faibles doses sont essentielles pour établir des normes permettant une meilleure protection des travailleurs exposés et des populations. Par la suite, cette étude devrait être complétée par la caractérisation des cassures induites par l’uranium (technique HPLC-EC : High-Performance Liquid Chromatographic / ElectroChemical detection) en collaboration avec le DRFMC, CEA-Grenoble.

Référence :

Céline Thiébault, M. Carrière, S. Milgram, A. Simon, L. Avoscan, and B. Gouget
Uranium induces apoptosis and is genotoxic to normal rat kidney (NRK-52E) proximal cells
Toxicological Sciences 0(0), 1–9 (2007)

Figure 2 : Induction de micronoyaux dans les cellules rénales après exposition chronique à l’uranium.