Génération efficace d’harmoniques laser d’ordre élevé, assistée par effets plasmoniques

Génération efficace d’harmoniques laser d’ordre élevé, assistée par effets plasmoniques

Les effets optiques non linéaires permettent de disposer par génération d'harmoniques de faisceaux lumineux de courtes longueurs d'onde, nécessaires à de multiples applications dans de nombreux domaines, tels que la nanoélectronique ou encore la médecine de précision. Cependant, ces effets nécessitent des éclairements laser très importants, que seuls des systèmes laser amplifiés complexes, volumineux et coûteux permettent d’atteindre.

En utilisant les avancées récentes de la plasmonique et des techniques de nanostructuration, une collaboration entre des physiciens du LIDYL et des chercheurs de l’ICFO de Barcelone et de l’Université de Hanovre étudie la génération d’harmoniques d’ordre élevé dans des cristaux semi-conducteurs. Pour ceci, des micro-guides d’onde sont gravés à la surface d'un cristal, afin de condenser la lumière d'un faisceau excitateur infrarouge de forte puissance. Grâce à la nano- structuration, un gain de plus d’un ordre de grandeur sur l’efficacité de la génération d’harmoniques est obtenu, ce qui permet d’alléger les contraintes pesant sur le système laser. Les concentrations de champ obtenues permettent ainsi de rendre plus abordable la physique des champs forts, dans des conditions de laboratoire.

La physique des interactions laser-matière dans le régime du champ fort promet depuis quelques années des avancées techniques potentielles en nano-électronique (imagerie, spectroscopies électroniques…) ou permettant l’accélération efficace de particules à de très hautes énergies (GeV) sur une distance de l'ordre du centimètre. Pour ceci, des éclairements laser très importants se révèlent cependant nécessaires, et ces développements sont à l’heure actuelle limités aux laboratoires de recherche possédant des lasers femtosecondes amplifiés de pointe, systèmes complexes, encombrants et coûteux.

Une des premières méthodes qui a été établie pour la génération d’harmoniques d’ordre n élevé (n pouvant atteindre plusieurs centaines !) consiste à focaliser un faisceau intense dans un gaz. Cette possibilité est à l’origine de la science attoseconde, i.e. l’étude de dynamiques ultrarapides à l’échelle du temps caractéristique de l'évolution des orbitales électroniques. Ceci a ouvert par exemple la possibilité de détailler finement les transferts électroniques lors des réactions chimiques.

En 2008, une équipe coréenne propose une approche radicalement nouvelle pour générer cet effet hautement non linéaire [1]. Utilisant les dernières avancées de la plasmonique, ils ont couplé le champ laser d’un oscillateur (délivrant des impulsions lumineuses dont l’énergie est deux ordres de grandeur trop faible pour la génération d’harmoniques dans les gaz) avec une nanostructure métallique résonnante. Les effets d’exaltations plasmoniques du champ électromagnétique leur ont permis d’observer un rayonnement dans l’extrême ultraviolet (harmonique d’ordre 17).

Sans remettre en cause ce couplage inédit entre physique des champs forts et plasmoniques, il s’est avéré par la suite que des recombinaisons électroniques étaient responsables dans l'expérience coréenne de cette émission dans l'extrême UV (EUV).

Une collaboration de chercheurs autour d'une équipe du LIDYL a alors apporté deux améliorations substantielles à la proposition coréenne.

  1. Le principal défaut de l'expérience initiale vient du nombre très limité d’atomes de gaz présents dans la région (de taille nanométrique) dans laquelle le champ électromagnétique est exalté. La première étape consiste à ne plus utiliser un milieu gazeux mais un cristal diélectrique (comme démontré par en 2011 par une collaboration américaine [2]) ce qui permet d'augmenter le nombre d’émetteurs de plusieurs ordres de grandeur.
  2. De plus, au lieu d’utiliser des structures métalliques résonnantes, permettant d’obtenir des exaltations importantes mais très localisées, un réseau de micro cônes (voir l’image MEB ci-jointe) est gravé à la surface du cristal (ici du ZnO)

L’impulsion laser incidente par la base des cônes est guidée par les nanostructures en surface et voit son amplitude augmenter au fur et à mesure que le rayon du cône diminue. De cette façon une exaltation locale de l’intensité d’un facteur 20 est prédite par les simulations FDTD (Finite Difference Time Domain – Calculs par éléments finis dépendants du temps).

À gauche : image MEB d’un réseau de micro cônes gravé à la surface d’un cristal de ZnO. À droite : simulation de l’amplificaiton du champ autour d’un cône de profil gaussien par simulation FDTD.

L’expérience a eu lieu à l’ICFO (Barcelone), sur une source laser à λ=3,2 µm (160 kHz, 21 W) dont l’énergie par impulsion a été atténuée à moins d’un microjoule (éclairement maximum inférieur à 1 TW/cm2). Pour un éclairement laser de 0.6 TW/cm², l’émission de l’harmonique 7 (λ=457 nm) par le cristal non structuré est au seuil de détection du détecteur. Lorsque le réseau de micro-cônes est inséré dans le faisceau laser, 25 pics intenses apparaissent sur le détecteur, correspondant à l’émission harmonique de chacune des pointes. L’émission de chaque cône est différente du fait d’une maîtrise imparfaite de la nanofabrication des cônes et du profil gaussien du faisceau laser.

Le graphique ci-contre montre que l’amplification du signal de l’harmonique 7 par l’utilisation des pointes est maximale (10 à 30) pour les faibles éclairements laser (< 0.35 TW/cm2). Il est aussi remarquable que les micro-cônes ne sont que très peu détériorés par les impulsions laser, et que le signal harmonique reste stable sur plusieurs jours d'expériences, ce qui confirme le potentiel de ce type de structures pour les applications.

En conclusion, la nanostructuration de surface d'un diélectrique permet d’observer des effets de physique des champs forts avec des systèmes laser d'intensité « modeste ». Des nanostructurations 3D plus complexes ouvre des perspectives très intéressantes pour la mise en forme spatiale et temporelle de l’émission harmonique [3].

Amplification du signal de l’harmonique 7 en fonction de l’éclairement laser. Le maximum d'effet est obtenu pour les faibles éclairements (< 0.35 TW/cm2).

Références :

[1] « High-harmonic generation by resonant plasmon field enhancement »
Seungchul Kim, Jonghan Jin, Young-Jin Kim, In-Yong Park, Yunseok Kim & Seung-Woo Kim, Nature 453, 757 (2008).

[2] « Observation of high-order harmonic generation in a bulk crystal »
S. Ghimire, A.D. DiChiara, E. Sistrunk, P. Agostini, L.F. DiMauro & D.A. Reis, Nature Phys 7, 138-141 (2011)

[3] « Nano-plasmonic near field phase matching of attosecond pulses »
T. Shaaran, R. Nicolas, B. Iwan, M. Kovacev & H. Merdji, Scientific Reports 7, 6356 (2017)

[4] « Amplification of high harmonics in 3D semiconductor waveguides »
D. Franz, R. Nicolas, W. Boutu, L. Shi, Q. Ripault, M. Kholodtsova, B. Iwan, U. Etxano, M. Kovacev, J. Biegert and H. Merdji, ArXiv:1709.09153 [physics.optics].


Contacts CEA-IRAMIS : Hamed Merdji et Willem Boutu, LIDYL/Groupe Attophysique, équipe Nanophotonique Ultrarapide.

Collaboration :