Structuration de surface par irradiation d’ions rapides

Structuration de surface par irradiation d’ions rapides

La réalisation de composants électroniques nanométriques peut nécessiter de façonner les surfaces à l'échelle de l'atome et de nombreuses procédés sont proposés et étudiés. Parmi eux, il a été montré que l’irradiation par des ions rapides permet de structurer une surface à cette échelle ultime. En modifiant plusieurs paramètres d’irradiation, on observe la formation de structures variées, telles que l'alignement de bosses, des incisions ou encore des pliages.

Des calculs avec le modèle de la pointe thermique montrent que les modifications sont possibles à des énergies cinétiques des ions rapides relativement faibles, fournis par de petits accélérateurs. En collaboration avec l’Université de Duisburg-Essen en Allemagne, l’Université de Pennsylvanie aux États-Unis et l’Université de Vienne en Autriche une équipe du CIMAP a exploré les mécanismes et potentialités de cette méthode originale de structuration de surface à l'échelle nanométrique sur des monocouches de disulfure de molybdène.

Les ions rapides ont une interaction spécifique avec la matière : en pénétrant dans la cible ils excitent les électrons tout le long de leur trajet, tant qu'ils ne sont pas brutalement arrêtés dans le matériau cible. Les électrons excités se relaxent en chauffant localement le cristal. Ce comportement est bien différent de celui des irradiations avec des ions lents qui interagissent directement avec les tout premiers atomes de la cible. Du fait de son interaction spécifique, un ion rapide crée ainsi une trace latente dans le matériau, zone cylindrique où les électrons chauffés par l’ion incident ont interagi avec le cristal en créant une zone de désordre. Pour une irradiation à faible incidence cette trace latente reste proche de la surface, ce qui permet d'en modifier la structure.

En irradiant des monocristaux du disulfure de molybdène (MoS2), matériau d'intérêt technologique à structure lamellaire comme le graphite, la formation de lignes des bosses sont observées en surface du matériau après irradiation [1]. Ce comportement est similaire avec d’autres cibles monocristallines, comme le titanate de strontium [2, 3]. Si le disulfure de molybdène se présente sous la forme d'une monocouche sur un support de dioxyde de silicium, la couche contient alors des découpes. Contrairement au graphène [4] des pliages n'apparaissent que si la trajectoire de l’ion est alignée selon un axe cristallographique dans le plan, suite à une résistance au pliage plus élevée.

Observation par microscopie de la surface du MoS2 après irradiation par des ions Xe de 100 MeV, avec un angle d'incidence de 1°. À gauche : alignement de bosses a la surface d'un cristal massif de MoS2  ; au centre : incisions dans une couche mince de MoS2/SiO2 ; à droite : traces de découpe dans une monocouche MoS2/SiO2.
Schéma atomique des différentes modifications obtenues en surface : découpe et pliage

Il est ainsi possible de créer différents types de modifications de surface en contrôlant les paramètres d’irradiation. Dans les monocouches de MoS2, deux types distincts sont principalement observés : l’incision et le pliage. Ce dernier est fortement réduit, grâce à une résistance au pliage élevée. Les modifications présentent un seuil d’énergie relativement bas, permettant l’utilisation de petits accélérateurs pour la modification de MoS2.ce qui doit permettre d'intégrer l'irradiation aux ions rapides dans les procédés technologiques de structuration de couches minces monoatomiques.


Références :

[1] Defect engineering of single- and few-layer MoS2 by swift heavy ion irradiation
L. Madauß, O. Ochedowski, H. Lebius, B. Ban-d’Etat, C. H. Naylor, A. T. C. Johnson, J. Kotakoski, M. Schleberger, , 2D Materials 4 (2017) 015034.

[2] Creation of multiple nanodots by single ions,
E. Akcöltekin, T. Peters, R. Meyer, A. Duvenbeck, M. Klusmann, I. Monnet, H. Lebius, M. Schleberger, Nature Nanotechnology 2 (2007) 290.

[3] Swift heavy ion irradiation of SrTiO3 under grazing incidence,
E. Akcöltekin, S. Akcöltekin, O. Osmani, A. Duvenbeck, H. Lebius, M. Schleberger, New Journal of Physics 2 (2008) 053007.

[4] Nanostructuring graphene by dense electronic excitation,
O. Ochedowski, O. Lehtinen, U. Kaiser, A. Turchanin, B. Ban-d’Etat, H. Lebius, M. Karlusic, M. Jaksic, M. Schleberger, Nanotechnology 26 (2015) 465302.

Contact : Henning LebiusCIMAP

Collaboration :