Les lasers à solide émettant dans le domaine visible sont des candidats prometteurs pour les nouvelles générations d’affichage couleur RVB (Rouge Vert Bleu) du fait de leur haute brillance et de leur faible divergence comparés aux LED [1]. L’ion praséodyme trivalent à la particularité de pouvoir produire un rayonnement dans le bleu, le vert et le rouge ce qui le rend adapté à ces applications avec l’avantage de pouvoir émettre les trois couleurs à partir d’un même matériau dopé Pr3+ dans un dispositif compact et relativement simple [2]. L'équipe du CIMAP a obtenu, pour la première fois, un effet laser dans le rouge (639 nm, pour une puissance de 25 mW) et l’orange (604 nm, 12 mW) à partir d’un guide d’onde planaire de LiYF4 dopé Pr3+ fabriqué par épitaxie en phase liquide, et pompé optiquement à l’aide d’un laser OPSL (Optical Pumped Semiconductor Laser) centré à 479 nm.
Les fluorures dopés par l’ion praséodyme (Pr, Z=59) sont des matériaux adaptés à la réalisation de lasers solides émettant dans le domaine visible du fait de leur basse énergie de phonon. Celle-ci a en effet pour conséquence de limiter les relaxations multiphonons et de favoriser ainsi les transitions radiatives depuis le niveau 3P0.
Des couches cristallines de LiYF4 (YLF) dopé par l’ion Pr3+ (1.5% mol) et codopées par des ions gadolinium (5%Mol) ont été réalisées sur des substrats de YLF pur par la méthode d’épitaxie en phase liquide (LPE). La croissance s’effectue dans un four tubulaire en atmosphère contrôlée (mélange d’argon et de CF4). Les couches épitaxiées ne présentent pas de défauts de surface et ont une épaisseur moyenne de l’ordre de 80 µm. Les ions Gd3+ sont introduits dans la couche pour obtenir une variation d’indice de réfraction par rapport au substrat, suffisante pour assurer un guidage optique dans la couche. Un autre avantage de ce dopage est de compenser le désaccord entre les paramètres de maille du cristal YLF pur et de la couche dopée Pr.
Les mesures spectroscopiques sur les couches épitaxiées ont montré des caractéristiques très proches de celles obtenues sur les cristaux massifs, ce qui confirme la bonne cristallisation des couches. L’indice de réfraction, mesuré par la méthode des lignes noires* à différentes longueurs d’ondes conduit à un contraste d’indice entre le substrat et la couche de 2×10-3 ce qui permet, après avoir réduit l’épaisseur de la couche par polissage à 15 µm, d’obtenir un guide d’onde planaire supportant 3 à 4 modes respectivement, aux longueurs d’ondes laser et de pompage. Les pertes de propagation dans le guide d’onde planaire de 9 mm de longueur sont inférieures à 8 dB/cm à 632.8 nm.
*La méthode des lignes noires (M-lines en anglais) est une méthode spectroscopique classique de caractérisation optique de guides d'ondes, qui informe sur l'indice et l'épaisseur du film déposé. En fonction de l'angle d'incidence d'un faisceau laser, un minimum d'intensité réfléchie est observé lorsqu'un mode guidé est excité. (voir : R. Ulrich and R. Torge, Applied Optics, 12 (1973) 2901).
La cavité laser est constituée de deux miroirs plans plaqués contre les faces de sortie du guide à l’aide d’un gel d’indice (figure 1(a)). Un objectif de microscope permet de coupler le faisceau de pompe (Laser OPSL) dans le guide, et le signal laser est collecté à l’aide d’un autre objectif de microscope et redirigé vers un analyseur de spectre optique. La figure 1b montre la puissance de sortie du laser en guide émettant à 639.5 nm en fonction de la puissance de pompe absorbée sur la longueur du guide pour différents coupleurs de sortie. Une puissance de 25 mW a été obtenue avec une transmission de coupleur de sortie de 12%, pour un seuil laser de 381 mW de puissance de pompe absorbée et une efficacité de 6%. Un effet laser a également été obtenu dans l’orange (604.2 nm), avec un maximum de puissance de 12 mW et un seuil laser de 527 mW de puissance de pompe absorbée.
Ces résultats prometteurs, suggèrent qu'en augmentant la concentration en ions Pr3+ et en améliorant les pertes de propagation, un effet laser pourrait être aussi obtenu dans le vert et, qu’ainsi un laser RVB compact et intégré pourrait être réalisé sur LiYF4, par la technique d’épitaxie en phase liquide d'une couche mince dopée Pr3+.
Références :
[1] U. Steegmüller, M. Kühnelt, H. Unold, T. Schwarz, R. Schulz, K. Auen, C. Walter, M. Schmitt, Proc. SPIE, 7001, 70010D (2008).
[2] Visible laser operation of Pr3+-doped fluoride crystals pumped by a 469 nm blue laser,
B. Xu, P. Camy, J-L Dualan, Z. Cay, R. Moncorgé, Opt. Express. 19, 1191 (2011).
[3] Tm:LiYF4 planar waveguide laser at 1.9 μm
W. Bolaños, F. Starecki, A. Benayad, G. Brasse, V. Ménard, J.L. Doualan, A. Braud, R. Moncorgé, P. Camy, Opt. Lett. 37, 4032 (2012).
Contact : Patrice Camy, CIMAP (Caen)