J. Charlier, A. Ghorbal, F. Grisotto, S. Palacin
Le développement et la réalisation de dispositifs en micro- et bio-électronique nécessite souvent de déposer des couches de substances organiques sur des surfaces conductrices ou semi-conductrices. Pour ceci l’accroche chimique (ou greffage) est très efficace. La miniaturisation souhaitée des composants demande de pouvoir réaliser aujourd’hui ce greffage de façon très localisée, à l’échelle du micron, voire sub-micronique.
Pour lier de façon localisée une molécule à une surface, on expose usuellement la surface macroscopique d’un substrat à de très faibles quantités de solution. La localisation peut aussi être assistée par un faisceau lumineux ou une chimie spécialisée. La plupart de ces techniques requièrent de nombreuses étapes de transformation et leur mise en œuvre est souvent fastidieuse et onéreuse. Dans ce contexte, nous montrons qu’il est possible par une démarche originale d’effectuer un greffage local en une seule étape, ne nécessitant aucune technique de masquage et à base de technologies légères de faible coût.
Nous avons montré récemment [1-4] qu’il était déjà possible de décorer, localement et en une seule étape, par un film organique (électro-greffage de monomères vinyliques), la surface d’un échantillon composite présentant des zones de conductivité différente (Au/Si, Si/Si dopé). La sélectivité spatiale du dépôt est obtenue dans ce cas en jouant simplement sur le potentiel imposé, qui permet de promouvoir le transfert électronique (et donc le greffage du polymère) vers l’une des surfaces à l’exclusion de l’autre. Le motif prédéfini est ainsi parfaitement respecté, avec une résolution latérale uniquement limitée par l’épaisseur du film (de quelques nm à quelques centaines de nm).
Nos derniers résultats dans ce domaine concernent l’extension de ce procédé de fonctionnalisation localisée aux substrats conducteurs ou semi-conducteurs initialement homogènes, i.e. sans motifs prédéfinis. Dans ces conditions, la localisation du dépôt peut être obtenue grâce à la sélectivité offerte, soit par de la lumière (photo-localisation sur substrats photosensibles),[5] soit par le champ électrique dans l’environnement d’un microscope électrochimique.
Cette dernière peut être explorée en combinant des techniques de sonde locale, dérivées d’un microscope électrochimique (SECM), ou d’un AFM en mode électrochimique (AFM-SECM), et des procédés d’électrogreffage de monomères vinyliques. La réaction de greffage est initiée par les radicaux aryls provenant de la réduction électrochimique en milieu aqueux des sels de diazonium. La localisation du greffage peut être ici contrôlée en ajustant finement l’ensemble des paramètres : distance sonde-substrat, densité de courant et temps de réaction.
L’utilisation de ces microscopies électrochimiques a permis « d’imprimer » sur les substrats conducteurs initialement homogènes des plots, des lignes ou des figures complexes avec une résolution latérale qui est de l’ordre de une à deux fois la taille de la sonde. On peut espérer encore diminuer la taille des motifs en améliorant le rapport de forme des pointes AFM-SECM. La résolution ainsi obtenue est tout à fait comparable aux autres méthodes de nano-fabrication concurrentielles basées sur des technologies de lithographie douce (nano-impression (de type tampon encreur), nano-compression (pressage dans un moule) ou dip-pen (plume et réservoir) et compatible avec la plupart des microsystèmes développés pour la biologie notamment. C’est une technique rapide (de quelques centaines de millisecondes à quelques secondes, suivant la complexité du motif), facile à mettre en œuvre et qui permet de décorer des substrats variés avec un pas ajustable.
La microscopie électrochimique associée aux sondes locales devient ainsi un véritable outil de lithographie électrochimique qui ouvre la voie à la structuration « à façon », à l’échelle micro/nanométrique, de tout substrat conducteur ou semiconducteur. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication récente dans ChemPhysChem [6].
Références :
[1] Mask-free Localized Grafting of Organic Polymers at the Micrometer or Submicrometer Scale on Composite Conductors or Semiconductor Substrates,
J. Charlier, S. Ameur, J. P. Bourgoin, C. Bureau and S. Palacin, Adv. Funct. Mater. 14 (2004) 125.
[2] Directed Organic Grafting on Locally Doped Silicon Substrates,
J. Charlier, L. Baraton, C. Bureau and S. Palacin, ChemPhysChem 6 (2005) 70.
[3] Selectivity of organic grafting as a function of the nature of semiconducting substrates,
J. Charlier, E. Clolus, C. Bureau and S. Palacin, J. Electroanal. Chem. 625 (2009) 97.
[4] Local silicon doping as a promoter of patterned electrografting of diazonium for directed surface functionalization,
J. Charlier, S. Palacin, J. Leroy, D. Del Frari, L. Zagonel, N. Barrett, O. Renault, A. Bailly and D. Mariolle, J. Mater. Chem. 18 (2008) 3136.
[5] Localized organic grafting on photosensitive semiconductors substrates,
J. Charlier, E. Clolus, C. Bureau and S. Palacin, J. Electroanal. Chem. 622 (2008) 238.
[6] Localized Electrografting of Vinylic Monomers on a Conducting Substrate by Means of an Integrated Electrochemical AFM Probe,
A. Ghorbal, F. Grisotto, J. Charlier, S. Palacin, C. Goyer and C. Demaille, ChemPhysChem 2009, in press.