Gilles Doumy & le Groupe PHI, CEA Saclay, DSM/DRECAM/Service de Physique des Atomes et des Molécules (SPAM)
Les impulsions laser ultra-brèves, d’une durée de quelques dizaines de femtosecondes (1 fs = 10-15 s), permettent d’obtenir des puissances considérables avec une énergie par impulsion relativement modeste. En focalisant ces impulsions sur une cible, on obtient des champs électromagnétiques comparables à ceux liant les électrons aux noyaux des atomes, ce qui permet d’étudier l’interaction lasermatière dans un régime fortement non-linéaire.
Les lasers générant de telles impulsions n’ont pas un contraste temporel parfait : l’impulsion femtoseconde est “posée” sur un fond de lumière de durée nanoseconde, appelé piédestal (Fig. 1). Pour les lasers de puissance, tel que le laser UHI10 (Ultra-Haute Intensité 10 TW = 1013 W) du SPAM, ce fond continu est suffisamment intense pour modifier considérablement les cibles bien avant l’arrivée de l’impulsion femtoseconde. L’interaction à haute intensité se déroule alors dans des conditions très mal contrôlées.
Pour résoudre ce problème, un dispositif nommé “Miroir Plasma” a été développé au SPAM, en collaboration avec le LULI. Le faisceau laser, légèrement focalisé, est envoyé sur un multicouche diélectrique anti-reflet, qui réfléchit donc très peu le piédestal. L’impulsion femtoseconde intense est en revanche très bien réfléchie, car elle excite suffisamment d’électrons de conduction dans le diélectrique pour le transformer en métal. Le faisceau réfléchi doit donc se trouver “nettoyé” du piédestal situé en avant de l’impulsion. Une preuve directe est présentée sur la figure 1 : le contraste de UHI10 est augmenté d’un facteur 100 après réflexion sur le miroir plasma.
Cette amélioration du contraste temporel modifie de façon spectaculaire l’interaction avec les cibles, notamment les cibles solides. Ceci est illustré sur la Fig. 2 : en utilisant un miroir plasma, on parvient à générer des harmoniques d’ordres élevés (jusqu’à 20) du faisceau laser, en le focalisant sur une cible solide à un éclairement tel que les électrons oscillent à des vitesses proches de celle de la lumière. Sans miroir plasma, aucune harmonique n’est générée, car la cible est endommagée par le piédestal bien avant l’arrivée de l’impulsion femtoseconde.
L’utilisation systématique du miroir plasma sur le laser UHI10 ouvre donc d’importantes perspectives pour l’étude de l’interaction laser-matière à haute intensité.
Publications associées :
· High-Order Harmonics Generation by non-linear reflection of an intense high-contrast laser pulse on a plasma, P. Monot, G. Doumy, S. Dobosz, M. Perdrix, P. D’Oliveira, F. Quéré, F. Réau, Ph. Martin, P. Audebert, J.C. Gauthier, J.P. Geindre, Optics Letters 29(8) (2004) 893.
· Complete characterization of a plasma mirror for the production of high-contrast ultra-intense laser pulses, G. Doumy, F. Quéré, O. Gobert, M. Perdrix, Ph. Martin, P. Audebert, J.C. Gauthier, J.-P. Geindre, T. Wittmann, Physical Review E 69(2) (2004) 26402.
Et quand la même impulsion subi une double réflexion sur un miroir plasma ? Voir le fait marquant suivant en 2006 sur la génération d’harmonique !
Contact CEA : Fabien Quéré (SPAM/PHI)