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Univ. Paris-Saclay
08 octobre 2018
La forme des nanomatériaux : une caractéristique déterminante dans le blocage de l’autophagie, un mécanisme sous-jacent de la toxicité
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Les nanomatériaux manufacturés sont largement utilisés pour de nombreuses applications. Certains d’entre eux peuvent être considérés comme dangereux pour la santé car ils pourraient provoquer des effets inflammatoires, respiratoires, cardiovasculaires ou neurologiques. A ce jour, plusieurs études montrent que la toxicité des nanomatériaux dépend de leurs caractéristiques physico-chimiques (composition chimique, taille, forme, structure…), mais les mécanismes biologiques à l’origine de cette toxicité restent encore mal compris.

Les macrophages (globules blancs) en charge de nettoyer l'organisme, sont tout de suite sensibles à la présence de nanoparticules. Dans ces macrophages, l’autophagie cellulaire (processus de dégradation d'une partie du cytoplasme par ses propres lysosomes) permet à la cellule de nettoyer son cytoplasme. L'altération de ce processus pourrait représenter un mécanisme sous-jacent de la toxicité des nanoparticules .

Dans le cadre d’une collaboration étroite entre le NIMBE (CEA-CNRS) et l’IMRB (INSERM), une étude visant à caractériser les effets des caractéristiques physico-chimiques des nanostructures sur l'autophagie des macrophages démontre que les nanotubes de carbone (NTC), de forme allongée, conduisent au blocage du flux autophagique contrairement aux nanoparticules sphériques (NP). Des mécanismes responsables du blocage de l'autophagie induite par les NTC ont également été identifiés. Ces résultats isolent pour la première fois la forme comme un déterminant principal de l'interaction des nanomatériaux sur l'autophagie.

 

Les nanomatériaux manufacturés, incluant les nanoparticules (NP), tels que les nanotubes de carbone (NTC),  sont largement utilisés dans divers domaines industriels comme l'électronique, l'optique, les cosmétiques, les produits alimentaires, la délivrance de médicaments… Cette utilisation qui irrigue notre vie quotidienne conduit les agences sanitaires et la communauté scientifique à se préoccuper des conséquences sanitaires de l'exposition humaine à ces nanomatériaux. De nombreuses études réalisées in vitro sur cellules ou in vivo sur des animaux de laboratoire mettent en évidence des effets nocifs des nanomatériaux, avec, comme mécanismes les plus communément acceptés, la génération d’un stress oxydant suivi d’une réponse inflammatoire. Cependant, ces effets ne sont pas toujours détaillés, et, si les caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux sont souvent proposées comme étant à l'origine de leurs effets toxiques, les mécanismes de la toxicité des nanomatériaux ne sont pas encore complètement compris.

Le mécanisme d’autophagie, qui permet le renouvellement cellulaire, joue un rôle fondamental dans différents processus pathologiques comme le cancer ou les maladies cardiovasculaires et pulmonaires. L'implication de l'autophagie dans ces maladies pourrait être liée à son rôle vis-à-vis de la régulation du stress oxydant et des réponses inflammatoires. Or, les nanomatériaux pourraient se retrouver dans les lysosomes, organe terminal de l'autophagie, dont le dysfonctionnement pourrait représenter un nouveau mécanisme de toxicité des nanomatériaux. Les quelques études portant sur les effets de l’exposition cellulaire aux nanomatériaux (NP ou NTC) sur le processus d’autophagie n’avaient pas permis de montrer le rôle joué par les nanomatériaux.

 

 

 

 
La forme des nanomatériaux : une caractéristique déterminante dans le blocage de l’autophagie, un mécanisme sous-jacent de la toxicité

Clichés MET des macrophages après exposition à des doses de 50 µg/ml de nanomatériaux pendant 6h. Sur chaque image, les flèches noires pointent sur les nanoparticules (NP) ou nanotubes de carbone (NTC) internalisés par les macrophages.

La forme des nanomatériaux : une caractéristique déterminante dans le blocage de l’autophagie, un mécanisme sous-jacent de la toxicité

Quantification du flux d’autophagie, après exposition des macrophages à 10µg/ml de nanomatériaux pendant 6h.. On distingue en jaune les autophagosomes (vésicules qui emprisonnent de façon non sélective des constituants du cytoplasme), et en rouge les autolysosomes, résultant de la fusion d'un autophagosome et d'un lysosome. L'absence d'autolysosomes (en rouge) après exposition aux nanotubes de carbone (-CNT) montre que le processus d'autophagie est bloqué. Ceci résulte de la perturbation de l’expression d’une protéine, la SNAPIN, indispensable au fonctionnement des lysosomes.

Dans la présente étude, des macrophages (cellules phagocytaires, "éboueurs" de l’organisme) sont exposés aux nanomatériaux Leur effet sur le mécanisme d’autophagie au sein de ces cellules a été évalué, en portant une attention particulière au rôle des caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux. Pour cela, des nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) et des matériaux carbonés (NTC multi-parois ou noirs de carbone), ont été sélectionnés en raison de leurs caractéristiques bien contrôlées du fait de la maitrise des procédés de synthèse développés au NIMBE, telles que :

  • leur forme (sphérique : NP ou tubulaire : NTC),
  • leur longueur (NTC Longs (L) et courts (S)),
  • leur diamètre (NP),
  • leur structure cristalline,
  • et leur état chimique de surface (NTC bruts ou fonctionnalisés (F))

mesurées par différentes techniques (MET, DRX, MEB-EDX, ATG, …). L’effet toxique de ces nanomatériaux a été étudié in vitro sur des macrophages. Le premier résultat montre tout d'abord une internalisation de toutes ces nanoparticules par les macrophages, pour des concentrations en nanomatériaux non-cytotoxique allant jusqu’à 50 µg/ml.

Le mécanisme d’autophagie se déroule en plusieurs étapes au cours desquelles les autophagosomes (vésicules qui emprisonnent de façon non sélective des constituants du cytoplasme), puis les autolysosomes (résultant de la fusion d'un autophagosome et d'un lysosome) sont des entités biologiques qui jouent un rôle clé. Suite à l'exposition des macrophages aux différents nanomatériaux, une accumulation des autophagosomes est mise en évidence dans tous les cas, pouvant résulter soit d'une augmentation de leur synthèse, soit d'une diminution de leur évolution en autolysosomes. Pour trancher, un test biologique permettant de compter les deux entités, et de quantifier ainsi leur flux dans le processus d’autophagie a été réalisé. Il montre que l'exposition à l'ensemble des particules sphériques (y compris le noir de carbone) préserve la formation des deux types de vésicules, alors que l'exposition aux nanotubes de carbone (NTC) bloque la formation des autolysosomes.

 

En conclusion, toutes les NP sphériques, y compris les nanoparticules de carbone permettent au processus d’autophagie d’avoir lieu dans sa globalité dans les macrophages, alors que la présence de NTC bloque son mécanisme terminal. L’altération des lysosomes, dans l’étape terminale de l’autophagie en présence de nanotubes, a été identifiée comme étant le mécanisme responsable de l’absence de maturation des autophagosomes. Cette altération s’explique par la perturbation de l’expression d’une protéine, la SNAPIN, indispensable au fonctionnement des lysosomes .

Cette étude met en avant, pour la première fois, la forme des nanomatériaux comme une caractéristique déterminante dans le fonctionnement des lysosomes identifiés comme cibles primaires dans la toxicité des nanotubes multi-parois. Ces résultats ouvrent de nouvelles voies dans l'interprétation et la compréhension de la toxicité des nanomatériaux.


 

Références :

[1] Carbon nanotubes, but not spherical nanoparticles, block autophagy by a shape related targeting of lysosomes in murine macrophages
V. Cohignac, M. J. Landry, A. Ridoux, M. Pinault, B. Annangi, A. Gerdil, N. Herlin-Boime, M. Mayne, M. Haruta, P. Codogno, J. Boczkowski, J.-C. Pairon & S.Lanone, Autophagy 14(8)  (2018) 1323.

[2] Autophagy as a possible underlying mechanism of nanomaterial toxicity.
Cohignac V, Landry MJ, Boczkowski J, Lanone S, Nanomaterials 4 (2014) 548.


Contact CEA-IRAMIS : Mathieu Pinault, Nathalie Herlin, Martine Mayne-L'Hermite (NIMBE/LEDNA)

Collaboration :

  • Sophie Lanone, Jorge Boczkowski, Inserm U955, Institut Mondor de Recherche Biomédicale (IMRB) Equipe 04, Créteil
 
#2993 - Màj : 15/10/2018

 

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