Le monoxyde de carbone (CO) est un composant essentiel de l’industrie pétrochimique, permettant de former des monomères, briques de base pour la production de polymères et plastiques. Dans le cadre d’un programme de recherche autour de l’utilisation de CO comme intermédiaire réactif issu de ressources renouvelables (dont le CO2), l’équipe du NIMBE/LCMCE a élaboré de nouveaux systèmes catalytiques permettant :
- de limiter l’usage des métaux, en les substituant en partie par des co-catalyseurs à base de fluorophosphoniums (R3PF+),
- de concevoir une nouvelle synthèse d’anhydride succinique C4H4O3, un monomère, à partir d’acide acrylique CH2=CHCOOH et de monoxyde de carbone.
Ces travaux ont fait l’objet de deux publications et de deux demandes de brevets.
La production industrielle de polymères et plastiques représente environ 90% de la production de composés pour la chimie et elle est essentiellement pétro-sourcée. Brique de base de cette industrie pétrochimique, le monoxyde de carbone (CO) est utilisé pour introduire des fonctions oxygénées dans des squelettes hydrocarbures issus de ressources pétrolières (comme la conversion d’alcènes en aldéhydes ou alcools). Ce CO est lui-même généralement issu de ressources fossiles, telles que le gaz naturel ou le charbon.
L’équipe du NIMBE/LCMCE a lancé en 2019 un programme de recherche visant à utiliser des sources de carbone renouvelables pour la production de CO (notamment à partir de CO2), et à développer de nouvelles transformations et catalyseurs pour assurer une utilisation efficace du CO, en particulier pour la production de monomères pouvant servir à la production de plusieurs gammes de plastiques, tels que les polyesters ou les polyuréthanes. Pour ce faire, de nouvelles générations de catalyseurs pour la carbonylation* de lactones et d’époxydes ont été élaborées. L’objectif est d’améliorer ces réactions, développées au début des années 2000 essentiellement en Amérique du Nord, et qui devront être industrialisées. De nouvelles réactions catalytiques, telle que la carbonylation* de l’acide acrylique (CH2=CHCOOH) en anhydride succinique C4H4O3 (un autre monomère), ont également été mises au point.
Selon l’axe de recherche visant à améliorer les catalyseurs de carbonylation* d’époxydes (comportant un oxygène ponté sur 2 carbones) et lactones (fonction ester dans un cycle), un défi est de développer des catalyseurs robustes et sélectifs, en limitant le recours à des métaux. Tandis que l’état de l’art est constitué de catalyseurs bimétalliques, associant généralement du cobalt et un autre complexe métallique comme l’aluminium ou le chrome, le travail réalisé au NIMBE/LCMCE montre pour la première fois que des cations fluorophosphoniums (R3PF+) peuvent servir de co-catalyseur pour le cobalt [1]. La propriété recherchée pour ces cations est de se comporter comme des acides de Lewis, capables d’activer les substrats sans piéger d’intermédiaires catalytiques. La chimie de synthèse des fluorophosphoniums permet de moduler à façon cette propriété, à travers l’utilisation de groupes fonctionnels variés sur l’atome de phosphore. Au-delà de cette réaction de carbonylation, cette contribution est une preuve de concept, que des fluorophosphoniums, qui jusqu’à présent n’étaient décrits que pour des transformations catalytiques simples où ils servaient d’uniques catalyseurs, peuvent servir de co-catalyseur dans des transformations catalysées par des sels métalliques.
Selon l’axe de recherche de nouvelles réactions catalytiques permettant l’insertion de CO, une synthèse d’anhydride succinique C4H4O3 par carbonylation* de l’acide acrylique (CH2=CHCOOH) a été développée, pour la première fois [2]. L’anhydride succinique est actuellement pétrosourcé et sert à la production de différents polymères, comme des polyesters. Cette nouvelle transformation catalytique est une voie d’accès rapide à ce monomère, à partir d’acide acrylique et de CO, qui peuvent être facilement biosourcés. Elle a fait l’objet d’une demande de brevet [3], et l’article correspondant a fait l’objet de la couverture de la revue ChemCatChem en 2023.
Ces travaux ont été permis par des soutiens expérimentaux forts, à la fois de la part de l’atelier de mécanique du NIMBE pour la réalisation de réacteurs sous pression, mais aussi d’un accompagnement des équipes de sécurité pour le travail avec des gaz toxiques (CO) sous pression.
Pour aller au-delà de ces résultats, l’équipe du NIMBE/LCMCE est engagée dans plusieurs voies :
- l’optimisation et la simplification des systèmes catalytiques. Deux brevets ont été déposés pour ces réactions de carbonylations sans ligands ni cocatalyseurs.
- le couplage de la production de CO par électroréduction du CO2, avec la carbonylation thermocatalytique. Cette approche sera étudiée à partir de 2024, dans le cadre du projet EURATOM PARCOVAL, avec les équipes du CEA-LITEN.
- la possibilité de remplacer l’acide acrylique par d’autres acides carboxyliques insaturés, notamment les acides gras issus des triglycérides. Ces molécules permettraient d’accéder à des monomères à longues chaines grasses pour des applications différentes.
* carbonylation : réaction chimique d’introduction de monoxyde de carbone (CO) dans un composé organique ou inorganique.
Références :
[1]. M.-H. Pietraru, L. Ponsard, N. Lentz, P. Thuéry, E. Nicolas, T. Cantat, Fluorophosphoniums as Lewis acids in organometallic catalysis: application to the carbonylation of β-lactones, Chem. Commun. 2024, 60, 1043-1046
[2]. M.-H. Pietraru, N. Lentz, L. Ponsard, E. Nicolas, T. Cantat, Catalytic carbonylation of acrylic acid to succinic anhydride, ChemCatChem 2023, e202300720.
[3] M.-H. Pietraru, L. Ponsard, N. Lentz, E. Nicolas, T. Cantat, Procédé de préparation d’anhydride cyclique à partir d’un acide carboxylique insaturé, FR2111996, 2021.
Contacts CEA-IRAMIS : Thibault Cantat et Emmanuel Nicolas (NIMBE/LCMCE).