Contact : Ludovic Tortech (NIMBE/LICSEN & UPMC)
Des capteurs extrêmement sensibles nés des recherches en spintronique et capables de détecter des champs magnétiques ultra-faibles sont déjà sur le marché. Des développements importants sont attendus dans le futur grâce, d’une part, à des avancées technologiques et, d’autre part, à la mise en œuvre de nouveaux concepts comme le transfert de spin ou l’utilisation de matériaux multiferroïques. Néanmoins, malgré ces développements et le transfert réussi entre recherche académique et utilisation « grand public », des questions fondamentales restent en suspens. Parmi ces questions, on peut citer le problème de l’adaptation des dispositifs de la spintronique aux matériaux semi-conducteurs, la compréhension et le contrôle du signe de la polarisation en spin dans les dispositifs et, pour aller au-delà de ce qui existe, la création de nouveaux systèmes basés sur des concepts nouveaux où le transport de spin peut être modulé et éventuellement contrôlé par une perturbation extérieure (champ électrique, pression ou lumière).
FIG. 1 : Représentation schématique d’un dispositif GMR composé d’une couche FM bloquée (vert), d’une couche libre magnétique (vert ou violet), et d’une couche séparatrice métallique. (a) Le dispositif est dans le mode parallèle et le courant polarisé en spin circule; (b) le dispositif est dans le mode antiparallèle et le courant ne circule pas.
La vanne de spin, qui est le dispositif de base de la spintronique, est constituée de deux électrodes ferromagnétiques (FM) séparées par un métal non magnétique d’épaisseur nanométrique. Selon l’orientation des aimantations des électrodes (parallèle ou antiparallèle), pilotée à l’aide d’un champ magnétique extérieur, la résistance électrique de la jonction varie. Cette une variation importante de la résistance électrique en fonction du champ magnétique est la “magnétorésistance géante” (GMR) découverte par A. Fert et P. Grünberg en 1988. Dans une telle jonction, il est possible de remplacer l’espaceur métallique par un isolant non magnétique d’épaisseur nanométrique définissant ainsi une jonction tunnel magnétique (JTM). On obtient dans ce cas un effet de magnétorésistance tunnel (TMR) avec une amplitude qui peut atteindre plusieurs centaines de pourcents à température ambiante. Néanmoins, en fonction de la nature chimique de la barrière tunnel, de son épaisseur et de sa morphologie, l’amplitude/signe de la TMR peut changer drastiquement. Pour comprendre les effets observés, il est nécessaire de contrôler l’interaction entre l’électrode et l’espaceur et notamment la structure de l’interface, comme cela a pu être fait dans le cas de la barrière tunnel de MgO.
FIG. 2: De haut en bas : images AFM d’un film mince de sexi-thiophène sur Fe3O4, graphe de réflectivité des neutrons (épaisseur de couches), et structure des composants étudiés.
Au laboratoire nous étudions en collaboration avec Jean-Baptiste Moussy (IRAMIS/SPEC) de nouvelles structures basées sur l’utilisation de films minces de semi-conducteurs organiques. Nous avons ainsi mis en évidence récemment qu’il est possible de modifier la nature du couplage d’échange magnétique dans les JTMs Fe3O4/6T/Co (ou 6T désigne le sexithiophène) notamment lorsque le film de sexithiophène est particulièrement mince (une mono-couche) [1].
FIG. 3: Cycle d’hystérèse de mesure du moment magnétique d’une couche mince organique entre 2 électrodes magnétiques et leur orientation magnétique individuelle.
[1] Anti-Ferromagnetic Coupling in Hybrid Magnetic Tunnel Junctions Mediated by Monomolecular Layers of Α-Sexithiophene
Blouzon, C.; Ott, F.; Tortech, L.; Fichou, D.; Moussy, J.-B. . Appl. Phys. Lett. 2013, 103, 042417.