Excitation UV de l’ADN  : une nouvelle voie de relaxation excitonique

Excitation UV de l’ADN  : une nouvelle voie de relaxation excitonique

L'ADN de nos cellules est naturellement soumis à divers types de rayonnements. Parmi les plus énergétiques du spectre solaire, les ultra-violets sont susceptibles de provoquer de graves endommagements, et les mécanismes associés méritent d'être détaillés. L’énergie d’un photon absorbé par une double hélice d’ADN est redistribuée, au cours du temps, entre différents états électroniquement excités. La caractérisation de cette redistribution d'énergie est importante pour comprendre les processus d’endommagement de l’ADN par le rayonnement UV, mais est aussi utile pour la conception des matériaux bio-inspirés pour l’optoélectronique.

Dans le cadre du projet ANR “DNAexciton”, une collaboration internationale associée avec l'équipe du LIDYL a mis en évidence dans ce processus de relaxation la stabilisation d’un nouveau type d'excitons (ou paires électrons-trous) dénommés HELM (High-energy Emitting Long-lived Mixed states), avec des propriétés inattendues, tels que leur longue durée de vie.

La partie la plus énergétique du spectre solaire (UVB et UVC) peut être absorbée par l'ADN. Ceci est source d'endommagements pouvant entrainer des mutations photo-induites. L'excitation initiale, de haute énergie, est une excitation électronique. Les travaux menés pendant les dix dernières années montrent que cette excitation initiale peut se trouver délocalisée sur quelques bases, sur un ou les 2 brins, du fait du couplage électronique entre ces bases (adénine, guanine, cytosine ou thymine : A,G,C,T). Deux cas limites d’états collectifs peuvent être distingués : les excitons “de Frenkel” et les états à transfert de charge (TC), pour lesquels les charges positive et négative se situent sur des bases différentes d’un même brin. Les excitons de Frenkel, peuplés directement par absorption de photons, peuvent se désexciter radiativement en quelques picosecondes, ou se relaxer via des états ΠΠ* pour former des états TC de plus basse énergie. Les processus de relaxation radiatifs (voir figure) sont ici considérés comme protecteurs pour l’ADN, puisqu'ils évitent que des réactions photochimiques dommageables se produisent. Par exemple, les états excités ΠΠ* sont précurseurs de la formation de dimères cyclobutanes, lésions majeures de l’ADN induites par le rayonnement UV.

Doubles hélices d’ADN modèles constituées de séquences de paires de bases alternées (G-C ou A-T).

Grâce à des expériences de spectroscopie de fluorescence et des calculs de chimie quantique, un autre chemin de relaxation électronique qui implique un nouveau type d’excitons, les états HELM (pour : High-energy Emitting Long-lived Mixed states), a pu être identifié. Les excitons HELM fluorescent à des énergies plus élevées que les états ΠΠ* avec une durée de vie de plusieurs nanosecondes. Ils correspondent à une combinaison d’excitons Frenkel avec des états à transfert de charge délocalisés sur au moins quatre bases situées sur les deux brins de l’hélice. Ils sont favorisés par des configurations symétriques des paires de bases et disparaissent lorsque l'hélice est fortement déformée par des mouvements conformationnels.

Bien que les excitons HELM ont été étudiés ici en détail pour des doubles hélices modèles constitués par des séquences de bases alternées (G-C ou A-T), leurs empreintes ont été également détectés dans la fluorescence de l’ADN naturel. Suite à des mouvements conformationnels, les excitons HELM peuvent se détruire, en formant des états excités ΠΠ*. Une nouvelle voie de désexcitation pouvant conduire, via les états ΠΠ*, à l'endommagement de l'ADN est ainsi identifiée.

Représentation schématique des voies de désexcitation d’une double hélice d’ADN électroniquement excitée. La désexcitation vers les états ΠΠ* peut être directe (et non radiative) ou via les excitons HELM de longue durée de vie. Ce processus est observable dans l’ADN naturel.

[1] “Stabilization of mixed Frenkel-charge transfer excitons extended across both strands of guanine-cytosine DNA duplexes” J. M. Huix-Rotllant, J. Brazard, R. Improta, I. Burghardt and D. Markovitsi, Phys. Chem. Lett. 6, 2247 (2015).

[2] “UV-induced DNA damage: the role of electronic excited states”,
Markovitsi, D., Photochem. Photobiol, 92 (2016) 45.

[3] “High energy long-lived mixed Frenkel – charge transfer excitons in double stranded DNA: from altenating adeninine-thymine duplexes to natural DNA”,
I. Vayá, J. Brazard, M. Huix-Rotllant, A. Thazhathveetil, FLewis, T. Gustavsson, I. Burghardt, R. Improta, and D. Markovitsi, accepté pour publication dans Chem. Eur. J. 2016.

Projet financé dans le cadre du projet ANR “DNAexciton” . Voir aussi la page de l'équipe.


Contact CEA-IRAMIS : Dimitra Markovitsi (LIDYL/DICO)

Collaborations :