La radiolyse est la dissociation de composés chimiques sous l'effet des rayonnements ionisants. La formation de radicaux qui en résulte entraine une suite de réactions chimiques qu'il faut connaitre, en particulier pour bien maitriser la tenue des matériaux, directement exposés au rayonnement, ou ainsi soumis aux radicaux et produits chimiques résultants de l'irradiation.
Par un dosage minutieux des produits de réactions formés au cœur d'un solide nanoporeux métallique de grande surface spécifique, il est notablement observé un renforcement des réactions de radiolyse à proximité immédiate de la surface solide. Ce résultat peut être étendu à des matériaux d’intérêt industriel, tels que les aciers utilisés dans l'industrie nucléaire.
Les phénomènes de corrosion sous radiolyse contrôlent la durée de vie de nombreux éléments des centrales nucléaires. Si ces phénomènes sont globalement maitrisés en exploitation, les mécanismes à l’œuvre aux interfaces ne sont pas complètement élucidés, et pourraient donc potentiellement être mieux contrôlés.
L’étude développée au laboratoire de radiolyse pour étudier la radiolyse aux interfaces métal-eau utilise des solides nanoporeux qui présentent donc de grandes surfaces spécifiques. Les études de radiolyse nécessitent l’accès à de grandes quantités de tels matériaux et un processus de production en petite série de monolithes d’or poreux à été mis en place au laboratoire LRAD. Ces matériaux ont été caractérisés en particulier par diffusion de neutron aux petits angles au LLB (coll. M.-H. Mathon) et l'irradiation a été réalisée sur la source gamma (137Cs) du laboratoire.
Ces matériaux sont cependant opaques, et les méthodes d’absorption optique transitoire utilisées classiquement en radiolyse pulsée ne sont pas utilisable pour cette étude. Il a donc fallu développer au préalable des méthodes de dosage des espèces radiolytiques par capture spécifique.
Dans cette approche (voir figure ci-jointe) on transforme une espèce radicalaire instable comme le radical hydroxyle, produite par radiolyse de l’eau, en une espèce stable, qui peut être extraite du matériau et dosée. De plus cette technique permet, en faisant varier la concentration en capteur, de remonter à la cinétique de disparition des radicaux, et donc à leur durée de vie (figure ci-dessous).
La quantité de radicaux OH capturés dans l‘or poreux a ainsi été comparée à celle mesurée dans l’eau confinée dans un verre de silice. Le système se caractérise d’abord par une radiolyse exacerbée par la présence du métal : l’or agit comme une antenne vis-à-vis des rayonnements ionisants, interagissant fortement avec les rayons gamma, mais recédant l’énergie ainsi capturée sous forme d’électrons secondaire à l’eau.
Cependant, cette surproduction n’est que transitoire, et moins de 100 ns après leur formation, les radicaux OH en solution ont disparu, ce qui peut s’expliquer par un phénomène de diffusion-réaction de ces radicaux vers la surface de l’or, qui se trouve alors oxydée.
Nous avons récemment pu appliquer cette stratégie à des matériaux d’intérêt industriel comme l’hastelloy (alliage à base nickel), ou l’acier inoxydable 316L, et montrer que les observations réalisées sur l’or sont en grande partie généralisables : la radiolyse tendrait ainsi à former un milieu majoritairement oxydant à proximité immédiate (de quelques nm à quelques dizaines de nm) des surfaces métalliques.
Il faut noter que ces travaux permettent également de mieux comprendre les bases physicochimiques des méthodes de radio-sensibilisation à base de nanoparticules de métaux lourds en cours de développement.
Ce travail à été soutenu par la Direction des Études Nucléaires du CEA (DEN/DISN, recherche de base).
Référence :
Radiolysis of water in nanoporous gold,
R. Musat, S. Moreau, F. Poidevin, M. H. Mathon, S. Pommeret and J. P. Renault,
Phys. Chem. Chem. Phys., 12, 12868-12874.
Contact : Jean-Philippe Renault.