Procédé microfluidique de stabilisation d’émulsions d’huile par des nanoparticules de silice

Procédé microfluidique de stabilisation d’émulsions d’huile par des nanoparticules de silice

Par un procédé de microfluidique, une émulsion diphasique de gouttes d'huile dans un mélange eau-éthanol peut être stabilisée avec des nanoparticules de silice (émulsion de « Pickering »). Il est montré qu'en ajustant la concentration de nanoparticules monodisperse en taille, la stabilité de ce type d'émulsion modèle peut être maîtrisée, avec une taille de bulles bien définie et parfaitement contrôlée.

Pour stabiliser une émulsion d'huile dans une solution aqueuse on utilise usuellement un tensio-actif, molécules possédant une extrémité hydrophile et une autre extrémité hydrophobe. Une autre voie pour stabiliser une émulsion entre deux phases immiscibles est d'utiliser des particules solides (émulsion de Pickering) qui sont largement étudiées depuis le début du XXème siècle. Elles présentent des propriétés originales du fait de l'adsorption irréversible des particules à l'interface entre les phases immiscibles. Il reste toutefois un grand nombre d'interrogations sur ces systèmes qui concernent en particulier la nature des particules utilisées pour stabiliser l'émulsion, leurs interactions mutuelles et avec leur milieu : Qu'est ce qui conduit une particule à s'adsorber ou non à l'interface entre les 2 phases ? Comment se positionnent-t-elles par rapport à cette interface ? Comment les particules adsorbées interagissent entre elles ? D'autres interrogations concernent les émulsions elles-mêmes : Comment ces émulsions sont-elles stabilisées ? Peut-on les déstabiliser ? Qu'elles sont les propriétés mécaniques des gouttes ?

Afin de répondre à ces questions, des chercheurs de l'IRAMIS ont développé un système modèle d'émulsion de Pickering. Il est basé sur l’utilisation de techniques de micro-fluidique spécialement mise au point pour la fabrication de gouttes stabilisées par des nanoparticules de silice monodisperses.

Les particules modèles utilisées pour la stabilisation des émulsions doivent répondre à des conditions strictes : pouvoir être synthétisées de façon reproductible en grande quantité, être très bien définies en taille (si possible dans une large gamme de 5 à 100 nm) et permettre de modifier facilement et de façon contrôlée leurs propriétés de surface. La première partie des recherches a ainsi porté sur l’optimisation d'une synthèse diphasique originale de nanoparticules de silice répondant à ces critères. La maîtrise du procédé d'élaboration a été obtenue par une étude détaillée in situ par diffusion des rayons X aux petits angles de la nucléation et la croissance de ces nanoparticules (Fouilloux et al. Langmuir 2011). Il permet d'obtenir de façon très reproductible des nanoparticules de silice amorphe avec une faible dispersion de taille (entre 5 et 30 nm, voir figure 2) (Fouilloux et al. JCIS 2010). Par recroissance, il est possible de faire grossir ensuite ces particules, tout en conservant la monodispersité en taille.


<– Système microfluidique de génération de gouttes monodisperses stabilisées par des nanoparticules de silice modifiées en surface.

A gauche : Nanoparticules de silice amorphe de 20 nm observées par microscopie électronique à transmission et histogramme de leur distribution en taille. A droite : spectre de diffusion des rayons X aux petits angles, montrant la faible dispersion en taille des particules.

Les nanoparticules élaborées par ce procédé ont ensuite été utilisées pour stabiliser des gouttes d’huiles formées dans une « puce » microfluidique (voir figure 3) dans un mélange d'eau et d'éthanol. L'utilisation de ce dispositif permet de découpler les différents phénomènes conduisant à l’obtention de l’émulsion : création de l'interface entre les 2 fluides, adsorption des particules et coalescence des gouttes. Un dispositif original de rinçage des émulsions en sortie de puce a également été mis au point afin de supprimer les nanoparticules non adsorbées. Il est donc possible en utilisant de telles puces de produire des émulsions avec une taille de bulles et un taux de couverture en nanoparticules contrôlés.

Les émulsions produites ont également été étudiées par des techniques de micromanipulation. L'équipe de l'IRAMIS souhaite poursuivre dans cette voie notamment en développant des techniques de microfluidique et de micromanipulation qui soient utilisables sur les grands instruments (Soleil, ESRF, LLB, ILL). L'utilisation de ce système modèle a conduit à des observations inattendues qui font l'objet d'un dépôt de brevet.

Représentation schématique de la « puce » microfluidique utilisée pour la production des émulsions.

Contacts : Florent Malloggi et Antoine Thill

[1] The separation of solid materials on the surface of solutions and suspensions. Observations concerning surface diaphragms, foam blisters, emulsions and mechanical coagulation,
W. Ramsden, Proc. R. Soc. London, 72 (1903) 156.

[2] Emulsions, S.U. Pickering, Journal of the Chemical Society, Transactions, 91 (1907) 2001.

[3] SAXS exploration of the synthesis of ultra monodisperse silica nanoparticles and quantitative nucleation growth modeling,
S. Fouilloux; A. Désert, O. Taché, O. Spalla, J.Daillant, A. Thill, J. Colloid Interface Sci. 346 (2010) 79.

[4] Nucleation of silica nanoparticles measured in situ during controlled supersaturation increase. Restructuring toward a monodisperse nonspherical shape,
S. Fouilloux, O. Taché, O. Spalla, A. Thill, Langmuir 27(20) (2011) 12304.

Photographie d’un ensemble de gouttes de 40 µm, spontanément organisé en cristal colloïdal.