Suivi des  nanoparticules de TiO2 dans les végétaux, en fonction de la nature du sol

Suivi des nanoparticules de TiO2 dans les végétaux, en fonction de la nature du sol

Dans un contexte de développement exponentiel des nanotechnologies, les nanomatériaux sont susceptibles de se disséminer dans l'environnement. Par ailleurs, les végétaux sont des éléments sensibles des écosystèmes car ils constituent un lien étroit entre les trois écosystèmes eau-sol-air, et se situent à la base de la chaine alimentaire.

Il est donc essentiel d’évaluer l’impact des nanoparticules (NPs) sur les végétaux. Que deviennent les NPs déversées dans l’environnement ? Existe-t-il une capture et un transfert par les plantes ? Et si oui, pourrait-on retrouver des traces de NPs dans notre alimentation, par exemple dans notre pain ? Pour tenter de répondre à ces questions, des chercheurs ont allié leurs compétences afin de localiser les nanoparticules de TiO2 dans les végétaux et plus particulièrement dans des plantules de blé. Il a notamment été possible de doser précisément le titane présent dans les racines de blé à l'aide de la microsonde nucléaire du NIMBE*.

Les NPs sont des polluants émergents dont la concentration augmente dans les sols en raison de leur utilisation croissante dans de nombreux produits commerciaux de la vie courante (cosmétiques, aliments, peintures…). Des études in vitro ont montré la toxicité des NPs pour les microorganismes, mais il existe encore peu de données sur leur écotoxicité et le devenir de ces contaminants dans les sols. Les NPs de TiO2 figurent parmi les trois nanomatériaux les plus produits (production mondiale de 2 millions de tonnes / an, données AFSSET 2010). Le secteur du bâtiment est l'un des principaux domaines utilisant des NPs de TiO2, notamment dans les peintures. C’est pourquoi des chercheurs se sont intéressés à l’impact de NPs de TiO2 sur la croissance de racines de blé. La présente étude, publiée dans Science of the Total Environment, s’intéresse plus particulièrement au transfert par voie racinaire des NPs de TiO2 présents en fonction de la nature du sol. Le challenge a consisté à détecter des concentrations extrêmement basses de NPs. En effet, le niveau de concentration à étudier doit être proche des concentrations rencontrées dans la nature (typiquement 100-500 ppm de NPs), la concentration la plus élevée pouvant être retrouvée dans les sols agricoles, suite à l'épandage des boues de station d'épuration qui concentrent les NPs.

Des graines de blé ont été mises en culture dans différents types de sols, naturels ou exposés à des concentrations de 100 ppm de NPs de TiO2. Des études sur la capacité de rétention des sols ont montré que la teneur en Ti dans les sols non chargés artificiellement en NPs peut beaucoup varier (d'un facteur 40). Face à la contamination en NPs des sols testés, deux comportements apparaissent : le sable et le sable limoneux ne retiennent pas le titane, tandis que les loams sableux et argileux (terreaux composés selon leur nature de 40 à 60 % de sable, 30 à 50 % de limon et 15 à 25 % d'argile) vont s’enrichir en titane.

Les échantillons de blé mis en culture ont été analysés par spectro-microscopie sur la ligne LUCIA (µ-XRF), afin de localiser le TiO2 à l'intérieur des racines et d'observer son cheminement lors de l'imprégnation racinaire. Sur toutes les cartographies (sol contaminé ou non), le titane est principalement détecté adsorbé sur l’épiderme ainsi qu’en moindre quantité dans le parenchyme (cellules transportant l'eau) et le cylindre central des racines, sans répartition préférentielle. Ces observations en µ-XRF n’étant pas quantitatives, les concentrations absolues de calcium et de titane ont été estimées à l’aide de la microsonde nucléaire du NIMBE, en combinant les techniques µ-PIXE (Particle Induced X-ray Emission) et et µ-RBS (Rutherford Backscattering Spectrometry)

Un transfert significatif (rapport Tifeuille/Tisol = 60 %) de nanoparticules vers les feuilles est principalement mesuré pour le sable, qui est par nature très peu utilisé en agriculture, et aucune phytotoxicité n'a été relevée dans ce cas. Intermédiaire, le sable limoneux, avec une concentration en titane dans les feuilles 5 à 10 fois inférieure à celle induite par le sable, pourrait potentiellement présenter un risque pour la sécurité alimentaire, mais ces sols pauvres ne sont pas adaptés à l'agriculture. A l'opposé les terreaux accumulent les nanoparticules sans transfert significatif vers les plantes. Les NPs de TiO2 resteront alors dans le sol, avec des implications possibles pour les micro et macro-organismes qui y sont présents, qu'il faut donc maintenant étudier.

Cartographies en µ-XRF enregistrées sur la ligne LUCIA du synchrotron SOLEIL de la répartition du titane dans les racines de blé cultivés dans différents types de sols naturels (A-D), ou artificiellement contaminés à 100 ppm de NPs (E-H) . Nature des sols : (A et E) : sable, (B et F) : sable limoneux, (C et G) : sable loameux, (D et H) : loam argileux. Répartitions du calcium (vert) et du titane (rouge) ; ep. épiderme, p. parenchyme, vc. cylindre central. L’ensemble des cartographies montrent une présence de Ti en surface. Les mesures par microsonde nucléaire (figure suivante) permettent de quantifier le Ti présent au cœur de la plante.

Références :

« Influence of soil type on TiO2 nanoparticle fate in an agro-ecosystem »
C. Larue, C. Baratange, D. Vantelon, H. Khodja, S. Surblé, A. Elger, M. Carrière, Science of the Total Environment 630, 609 (2018).

* La microsonde nucléaire de l'équipe LEEL de l'UMR NIMBE est accessible par demande d'expérience, possible à tout moment dans l'année.


Contacts CEA-IRAMIS :

Collaboration :

Dosage absolu du titane et du calcium dans les différents types de sols estimés à partir des spectres µ-PIXE / µ-RBS obtenus avec la microsonde nucléaire du NIMBE.