Record de distance pour la RMN du solide !

Record de distance pour la RMN du solide !

Les chimistes de la DSV (CEA-Direction des Sciences du vivant) et les physiciens de la DSM (CEA-Direction des sciences de la matière) spécialistes de la Résonance magnétique nucléaire (RMN) ont développé une technique en RMN du solide pour mesurer de grandes distances entre atomes. Basée sur l’utilisation d’un isotope de l’hydrogène ayant une grande sensibilité RMN, cette technique permet la détermination de la conformation de petites molécules liées à leurs récepteurs biologiques. Cette détermination est essentielle pour comprendre le mode d’action de ces molécules et pour concevoir de nouveaux médicaments de structure plus simple, et donc plus faciles à synthétiser.

La RMN permet de mesurer la distance entre atomes afin de déterminer la conformation de la molécule (arrangement des atomes dans l’espace). Beaucoup de molécules biologiques ne peuvent pas être analysées par les méthodes classiques de RMN du liquide ou de cristallographie car elles sont insolubles et ne cristallisent pas. Si la RMN du solide résout cette question, elle ne permettait pas, à ce jour, de mesurer de larges distances entre atomes. Les équipes du CEA ont pu réaliser la mesure de ces grandes distances !

Une des techniques en RMN est basée sur le marquage isotopique de la molécule à étudier, qui permet de bien différencier les atomes considérés. Les chercheurs ont eu l’idée de remplacer des atomes d’hydrogène par un isotope plus sensible pour la RMN : le tritium 3H (un proton et 2 neutrons, spin nucléaire 1/2). Ils ont ainsi pu mesurer en RMN du solide, sur une molécule modèle, une distance 3H-3H de 1.4 nm, largement supérieure aux 0.5 ou 0.6 nm obtenus jusqu’alors. Avec cette méthode originale, bientôt étendue aux systèmes biologiques, il sera possible de déterminer la conformation de systèmes ligand-macromolécules en relation avec leur activité biologique observée.

Les applications tant dans l’industrie pharmaceutique que d’un point de vue fondamental sont nombreuses. Un exemple important est celui du paclitaxel (ou Taxol). Si l’on connait depuis plus de 20 ans le mécanisme d’action de cet agent anticancéreux, sa conformation lorsqu’il est lié à la tubuline n’est toujours pas connue avec précision. L’étude du Taxol et de son ligand nécessitait une technique capable de mesurer des distances supérieures à 1 nm. C’est désormais chose faite !

Oscillations du signal RMN du solide. l adistance mesurée est de 4,3 Å entre deux tritiums sur une molécule modèle.

Reference :

Measurement of Long-Range Interatomic Distances by Solid-State Tritium-NMR Spectroscopy, A. K. L. Yuen, O. Lafon, T. Charpentier, M. Roy, F. Brunet, P. Berthault, D. Sakellariou, B. Robert, S. Rimsky, F. Pillon, J-C. Cintrat and B. Rousseau, J. Am. Chem. Soc. 132 (6) (2010) 1734.

Fait marquant sur le site de DSV (Direction des Sciences du Vivant)


Å : symbole de l’angström, unité de mesure en physique atomique.
1 Å = 10-10 mètre = 0,1 nanomètre = 0.1 nm

Le marquage isotopique consiste à remplacer, dans la molécule que l’on désire étudier, un atome par un isotope (atome différent par le nombre de neutrons mais ayant les mêmes propriétés chimiques). Ex : hydrogène remplacé par du deutérium ou du tritium.


Pour en savoir plus :