La dépollution des eaux est un souci constant pour préserver notre environnement et notre approvisionnement en eau de bonne qualité. L’équipe LEDNA du NIMBE montre l’utilisation réussie de films minces d’oxyde de manganèse lamellaire nanostructurés, comme électrode pour dépolluer des solutions aqueuses contenant du bleu de méthylène, molécule modèle des phénothiazines largement utilisées dans l’industrie.
Une seconde étude avec le même matériau a porté sur l’élimination d’un médicament persistant après les traitements classiques de dépollution. Ces démonstrations en laboratoire permettent d’ouvrir aujourd’hui, avec l’aide de la SATT Paris-Saclay, un nouveau projet de maturation en 2024.
Du fait des activités anthropiques intenses, la pollution de notre environnement augmente, et notamment les milieux aquatiques. L’eau est pourtant une ressource indispensable à la vie et sa qualité doit être préservée, alors que l’on détecte toujours plus de cas de pollution d’eaux naturelles ou rendues potables par de multiples polluants, tels que des « polluants éternels » (PFAS – composés per- et poly-fluoroalkylés), des pesticides et métabolites ou encore de résidus de médicaments. Ce phénomène mondial est très préoccupant et fait partie des grands défis sociétaux à relever.
Pour y faire face, des méthodes de traitement des eaux usées au niveau des sites industriels ou des stations d’épuration existent, mais il faut éliminer des milliers de molécules différentes, et ces installations laissent passer de plus en plus de polluants dans les eaux de rejets. De plus, il faut noter que les méthodes classiques d’élimination par sorption (charbons actifs principalement), par filtration, ou encore par oxydation (ozonation le plus souvent) sont souvent énergivores et conduisent à la production conséquente de déchets, soit en concentrant les polluants, soit en produisant des composés toxiques (organochlorés par exemple).
Dans ce contexte, l’équipe LEDNA du NIMBE s’intéresse depuis plusieurs années à développer des méthodes innovantes de dépollution des eaux, éco-responsables, peu énergivores et pouvant être déployés à grandes échelles. L’idée directrice est de « copier et optimiser ce que propose la nature » notamment des matériaux naturels des sols, qui présentent des propriétés intéressantes de sorption, pour l’élimination des métaux toxiques, et d’oxydation, pour dégrader des polluants organiques via des transferts électroniques spontanés.
Figure 1 : Exemples de diverses nanostructures d’oxydes métalliques électro-déposés en film mince.
En suivant cette approche, l’équipe propose de synthétiser les matériaux potentiellement intéressants par électro-dépôt sous forme de films minces nanostructurés (Figure 1). La méthode, largement présente dans l’industrie de traitement de surface (automobile, aviation…), est idéale pour obtenir facilement et rapidement des matériaux « à façon » purs, adhérents, avec des nanostructures modulables et reproductibles, dans des conditions douces (dans l’eau, à température ambiante et pression atmosphérique).
Après synthèse, ces matériaux électro-déposés en films minces sont utilisés par simple contact (sans apport d’énergie) pour éliminer des métaux toxiques ou encore dégrader des polluants organiques tels que des colorants, des pesticides et leurs métabolites, des résidus médicamenteux, et ce jusqu’à la minéralisation (production d’espèces minérales) dans des conditions douces (température ambiante, pression atmosphérique). Les capacités de dégradation de ces matériaux nanostructurés sont importantes, tout en gardant une bonne robustesse du fait de réactions d’auto-régénération.
Une première série d’expérience montre l’utilisation réussie de films minces d’oxyde de manganèse lamellaire nanostructurés, comme électrode pour dépolluer des solutions aqueuses contenant du bleu de méthylène (10 à 200 mg/l) qui peut être une molécule modèle de phénothiazines, composés aromatiques à base de colorants, médicaments ou insecticides largement utilisées.
Pour cela, l’équipe a conduit une caractérisation multi-technique (Raman, DRX, MEB et spectroscopie IR)) pour caractériser le matériau avant et après exposition à la solution aqueuse. Ceci a permis de valider la bonne robustesse des matériaux, du fait de réaction d’auto-régénération, et l’absence de composés organiques en surface. Les molécules organiques produites en solution au cours des réactions de dégradation ont pu être identifiées in-situ et en temps réel par spectroscopie UV et visible. En complément, les espèces inorganiques ont été quantifiées par chromatographie ionique prouvant ainsi une dégradation de la molécule organique jusqu’à la minéralisation.
Résumé graphique de la publication portant sur la dégradation du bleu de méthylène, un colorant toxique largement utilisé dans l’industrie
Ainsi, ces matériaux utilisés comme électrodes, avec de faibles apports électriques (~ µA/cm2), sont capables de dégrader en quelques heures du bleu de méthylène, avec la formation de petits acides organiques et d’espèces minérales, sans production de colorants dérivés (azures) en solution.
Les résultats obtenus en 2023 dans le cadre de la thèse de Charlène Boillereau, et qui ont fait l’objet d’une publication concernant la dégradation du bleu de méthylène, illustrent parfaitement l’intérêt et la pertinence de ces travaux de recherches (Figure 2). Ces résultats fondamentaux obtenus avec plusieurs polluants organiques sont prometteurs, et ont déjà conduits à deux projets prématurations Idex Paris-Saclay : :
- « Oxyfilms » Idex Paris-Saclay ; 2018
- « Oxyfilms 3D » – Poc In Labs Paris-Saclay ; 2021
Dans la continuité de ces deux projets un nouveau projet de maturation débute en 2024, avec le support de la SATT Paris-Saclay à hauteur de 715 k€, sur une durée de 2 ans. Les principaux objectifs visés sont de :
- poursuivre les études à l’échelle laboratoire vis-à-vis de polluants persistants d’intérêt majeur,
- étudier la montée en échelle de la production des matériaux sous différentes formes,
- étudier la montée en échelle des procédés de dépollution.
Deux industriels spécialistes des traitements des eaux sont déjà très intéressés par ces procédés innovants des eaux, ce qui est prometteur pour envisager un ou plusieurs transferts de licence.
Références :
- Thèse de Charlène Boillereau, soutenue le 24 novembre 2023 (Directrice de thèse : S. Peulon)
- C. Boillereau, S. Peulon, Journal of Water Process Engineering 54 (2023) 104024
- Projet “Oxyfilms” / Vitrine de la SATT Paris-Saclay
- Film « 10 ans de la SATT Paris-Saclay », avec mise en avant du projet « Oxyfilms »
Contact CEA-IRAMIS : Sophie Peulon-Page, NIMBE/LEDNA