Batteries Mg-ion : amorphisation et cristallisation au sein des anodes In-Pb

Batteries Mg-ion : amorphisation et cristallisation au sein des anodes In-Pb

L’électrification automobile et le stockage des énergies renouvelables sont aujourd’hui dominés par la technologie des batteries Li-ion, qui dépend de ressources comme le lithium, le graphite, le cuivre et certains métaux de transition disponibles en quantités limitées et/ou géographiquement inégalement répartis. Des nouvelles technologies de batterie basées sur d’autres ions alcalins ou alcalino-terreux avec des ressources quasi illimitées peuvent au long terme partiellement remplacer les batteries Li-ion pour certaines applications. Les batteries magnésium-ion sont l’une de ces technologies alternatives, en raison de la forte abondance du magnésium et des fortes capacités volumétrique et gravimétrique qui peuvent être atteintes.

Dans la lignée de premiers travaux sur le composé InSb, une équipe de l’IRAMIS a développé un nouveau matériau d’électrode négative pour les batteries Mg-ion basé sur le composé In-Pb. La combinaison synergique des éléments électro-actifs In et Pb influence les mécanismes de réaction et la structure (amorphe/cristallin) des produits formés lors de la réaction avec le Mg. Ceci favorise une capacité élevée, mais est par la suite préjudiciable à la réversibilité du matériau. Ces résultats illustrent l’influence des processus d’amorphisation et de cristallisation des électrodes sur les performances électrochimiques des batteries.

L’essor de secteurs tels que les véhicules électriques et le stockage d’énergies renouvelables est un moteur pour la recherche sur les batteries, où des efforts se concentrent désormais au développement de batteries plus durables et à densité d’énergie élevée. Un exemple est le développement de batteries au magnésium métal (Mg). Le magnésium apparaît comme une excellente alternative au lithium, grâce notamment à sa haute capacité volumétrique (3833 mAh/cm3), son faible coût et son abondance dans la croute terrestre. Pour ces batteries, l’utilisation de magnésium métallique à l’anode limite le choix de l’électrolyte à quelques compositions particulières, souvent très corrosives et avec une fenêtre de stabilité en potentiel très étroite. Au contraire, les électrodes constituées de certains éléments du bloc p réagissent avec les ions magnésium dans des électrolytes avec des fenêtres de stabilité plus étendues. Dans une récente revue perspective sur les accumulateurs Mg-ion, contribution de plusieurs groupes internationaux incluant le NIMBE/LEEL, il est montré que l’utilisation de ces alliages en remplacement du Mg métal réduit la densité d’énergie de la cellule électrochimique (voir figure ci-dessous). Mais, grâce à une meilleure compatibilité avec les électrolytes et une mise en œuvre plus simple, ils constituent des anodes potentiellement intéressantes pour les batteries Mg-ion et des effets synergétiques sont attendus pour les combinaisons d’éléments du bloc p.

 
Densité d’énergie volumique en fonction de la densité d »énergie spécifique (rapportées à la masse) de batteries Mg, pour diverses cathodes (selon code couleur) et deux types de composition d’anode : à gauche, anode Mg métal ; à droite, anode à base d’alliage Mg2Sn [2].

Après avoir proposé un premier alliage à base d’InSb [3], l’équipe du LEEL a exploré la solution solide In-Pb [1] pour déterminer si, à l’instar de InSb, un effet bénéfique existait entre les 2 éléments In et Pb. Dans un premier temps, il est montré que la synthèse du matériau influençait grandement sa réactivité. Une poudre In-Pb produite par mécano-synthèse avec des tailles de particules > 200 µm ne conduit à aucune réaction avec les ions Mg2+ (voir figure ci-dessous). En introduisant du carbone dans la synthèse par broyage, la taille des particules est réduite d’un facteur 20 à 40 et les grains In-Pb deviennent électrochimiquement actif.

 
Images par microscopie électronique à balayage (MEB) : en haut, poudre In-Pb broyée 5h montrant des grains de l'ordre de 200 µm ; en bas, poudre In-Pb broyée 5h en présence de carbone, montrant une taille de grains inférieure à 10 µm. La réactivité avec le magnésium est directement fonction de la taille des particules [3].

Le comportement de l’alliage In-Pb a été étudié par analyse électrochimique et par diffraction des rayons X ex situ. Le nombre d’ions Mg2+ insérés dans la structure (voir figure ci-dessous), proche de 3, laisse présager la formation des phases Mg2Pb et MgIn. Toutefois, contrairement aux cas des électrodes en In pur ou InBi, aucun phase cristalline contenant de l’indium n’est détectée après magnésiation. Pour autant, la capacité électrique obtenue par l’insertion de Mg (calculée à partir de la courbe électrochimique) dépasse ce qui est stocké dans la phase Mg2Pb détectée. Il y a donc formation d’une phase MgIn amorphe. Ce comportement fait écho à celui d’InSb où l’amorphisation observée de MgIn reste toutefois dépendante de la cinétique de réaction, tandis que l’amorphisation est toujours observée pour In-Pb.

Courbe noire : évolution du potentiel en fonction du nombre d’ions Mg2+ insérés dans l’alliage au cours du premier cycle de charge-décharge, avec mention de la phase cristalline InPb initiale et en fin de cycle (après démagnésiation), et en fin de charge après magnésiation (amorphe + Mg2Pb) [1].

Le couplage entre In et Pb montre un réel avantage pour le premier cycle de charge, où une capacité de 488 mAhg-1 peut être atteinte, supérieure aux valeurs obtenues pour In et Pb seuls. Cependant, une forte réduction est observée après le premier cycle avec une capacité réversible d’environ 300 mAh/g sur les cycles suivants. Une compréhension plus fine des réactions sous-jacentes est nécessaire, notamment pour déterminer si la présence de MgIn sous forme amorphe et non cristalline a un impact sur la réversibilité du matériau.

Références :

[1] “Electrochemical reactivity of In-Pb solid solution as a negative electrode for rechargeable Mg-ion batteries”,
Lucie Blondeau, Suzy Surblé, Eddy Foy, Hicham Khodja, Magali Gauthier, Journal of Energy Chemistry 55 (2020) 124-128.
[2] “Magnesium batteries: Current picture and missing pieces of the puzzle”
Robert Dominko, Jan Bitenc, Romain Berthelot, Magali Gauthier, Gioele Pagot, Vito Di Noto, Journal of Power Sources 478 (2020) 229027.
[3] Unexpected behavior of the InSb alloy in Mg-Ion batteries: unlocking the reversibility of Sb.
Lucie Blondeau, Eddy Foy, Hicham Khodja, Magali Gauthier, The Journal of Physical Chemistry C, 123 (2019) 1120.
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Contact CEA-IRAMIS : Magali Gauthier (NIMBE/LEEL)

Collaboration :