Il n’y a pas « d’océan » caché dans le noyau terrestre !

Il n’y a pas « d’océan » caché dans le noyau terrestre !

Quelle quantité d’hydrogène recèle le noyau des planètes telluriques (telles que la Terre ou Mars) ? Pour tenter de répondre à cette difficile question, une collaboration impliquant l’équipe LEEL de l’UMR NIMBE a simulé en laboratoire la ségrégation d’un alliage riche en fer dans un environnement silicaté, en recréant des conditions de pression et température analogues à celles de la formation du noyau terrestre. Les cartographies de dosage des différents éléments effectuées à l’aide de la microsonde nucléaire du NIMBE montrent, que seule une infime quantité d’hydrogène a dû incorporer le noyau des planètes telluriques, favorisant la formation précoce d’un manteau et d’une atmosphère riches en eau.

Certaines planètes telluriques comme la Terre ou Mars possèdent en leur centre un noyau métallique, composé essentiellement de fer et entouré d’un manteau rocheux (silicaté). Un tel noyau s’est formé dans les premiers millions d’années de la planète, quand celle-ci était encore si chaude que sa surface était fondue sur une épaisseur de plusieurs centaines de kilomètres, formant un « océan » magmatique. Dans cet océan, le fer, le plus lourd des éléments abondants, s’enfonce en profondeur et forme le noyau. Lors de sa migration vers le centre de la planète, il réagit avec le magma et s’associe à des éléments légers tels que l’oxygène, le silicium ou le soufre. Il se forme ainsi un noyau central à base de fer liquide, agité de mouvements, d’où pourra émerger un champ magnétique planétaire.

Quelle est alors la composition chimique exacte du noyau terrestre ? C’est un des grands défis que les scientifiques essaient de relever depuis plusieurs décennies. Ainsi par exemple, l’hydrogène est réputé avoir accompagné la ségrégation du fer lors de la formation du noyau et être devenu un élément important du noyau. Qu’en est-il réellement ?

Pour tenter de résoudre ce problème, des chercheurs ont simulé la formation d’un « mini-noyau » en laboratoire en recréant des conditions analogues à celles qui règnent pendant la formation d’un authentique noyau planétaire : pression de 5 – 20 GPa et température de 1.700 – 2.500 °C. Le suivi de la séparation entre l’alliage métallique riche en fer (noyau) et le silicate (manteau) en présence d’eau (1,5 % en poids) est réalisé sur la presse « multi-enclumes » du Laboratoire Magmas volcans (LMV, Puy-de-Dôme). Une fois l’expérience terminée, la composition en éléments légers, en particulier en hydrogène, doit être mesurée dans chaque échantillon silicaté et métallique. Pour cela, la diffusion élastique d’ions ERDA (Elastic Recoil Detection Analysis), telle qu’elle est disponible sur la microsonde nucléaire de l’UMR NIMBE*, s’est imposée comme la seule méthode permettant cette analyse, et plus particulièrement le dosage local en valeur absolue et avec la précision nécessaire de l’hydrogène.

Résultat : l’hydrogène est un des éléments les moins susceptibles d’entrer dans le noyau, même à très haute pression. En effet, il en est empêché par son association préférentielle avec d’autres éléments légers comme le silicium, le carbone ou le soufre. Il n’est retrouvé dans la partie métallique qu’à une faible teneur de l’ordre de quelques centaines de ppm (parties par million).

En se basant sur les estimations hautes issues de ces expériences, les scientifiques concluent que la concentration en hydrogène dans le noyau serait inférieure à 70 ppm (parties par million). L’essentiel de l’hydrogène disponible reste donc associé aux constituants du manteau, d’où il peut être relâché en surface pour former une atmosphère riche en dihydrogène et donc en eau, par réaction avec l’oxygène aussi présent en abondance.

Schéma montrant la séparation métal-silicate entraînant la formation du noyau. Les conclusions de ce travail convergent vers une teneur faible en hydrogène du noyau de la Terre, ainsi que celui de Mars. Dans les cas les plus favorables le noyau terrestre ne peut contenir plus de 60 ppm d’hydrogène (partie par million).

Références :

Low hydrogen contents in the core of terrestrial planets,
V. Clesi, M.A. Bouhifd, N. Bolfan-Casanova, G. Manthilake, F. Schiavi, C. Raepsaet, H. Bureau, H. Khodja & D. Andrault, Sciences Advances 4 (2018) e1701876.

Voir l’actualité du CNRS/INSU.

* La microsonde nucléaire de l’équipe LEEL de l’UMR NIMBE est accessible par demande d’expérience, possible à tout moment dans l’année.


Contact CEA : Hicham Khodja, IRAMIS/NIMBE Laboratoire d’Etude des Eléments Légers (LEEL)

Collaboration:

À gauche : microphotographie MEB montrant la séparation entre les zones silicate et métallique riche en Fe. A droite : cartographie du dosage en Fe, Si et H dans la même région, réalisé sur la microsonde nucléaire de l’UMR NIMBE. Les fortes concentrations en hydrogène observées sont clairement associées à la zone silicatée. NB : l’échelle de ces cartographies de dosage est très anisotrope ; l’échelle verticale est très dilatée.