Contexte
L'électronique organique (appelée aussi électronique plastique) connaît depuis 20 ans un fantastique développement. Les différents dispositifs électroniques (cellules solaires, transistors à effets de champs, diodes électroluminescentes) utilisent des matériaux organiques comme couche active. Le design, la synthèse et l'étude des propriétés de ces semi-conducteurs organiques est une partie importante de cette électronique.
Des chercheurs de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS / Université de Rennes 1) en collaboration avec des collègues de l'ENS Cachan, de l’École Polytechnique (Palaiseau) et du CEA (Saclay) s'intéressent à de nouvelles générations de semiconducteurs organiques pouvant être incorporés dans des diodes organiques électroluminescentes (OLED), émettrice de couleur bleue.
Dans ce type de dispositifs, la lumière produite est dépendante des propriétés électroniques (et donc de la structure moléculaire) du semi-conducteur utilisé dans la diode. Ainsi, de nouvelles familles de semi-conducteurs organiques possédant un haut niveau d'énergie de l'état triplet, adapté à leur utilisation dans des OLEDs phosphorescentes bleues et vertes viennent d'être rapportées. C'est la première fois que ce type de structures moléculaires est utilisé avec succès dans une PhOLED. Ces résultats sont publiés dans la prestigieuse revue Angewandte Chemie International Edition.
Qu'est-ce qu'une PhOLED ?
Une diode organique électroluminescente (OLED) est un dispositif émetteur de lumière composé d’un semi-conducteur organique déposé entre deux électrodes. Lors de la mise sous tension du dispositif, des charges positives et négatives sont injectées et migrent dans le semiconducteur organique jusqu'à leur rencontre. Cette recombinaison forme une paire 'électron/trou' appelée exciton qui va émettre de la lumière après retour à l'état fondamental.
La lumière produite par le dispositif est directement liée aux propriétés électroniques du semiconducteur organique qui le compose. Les matériaux utilisés dans les OLEDs pour l'émission de lumière sont soit des molécules fluorescentes (émission à partir d'un état singulet), soit phosphorescentes (émission à partir d'un état triplet). L'utilisation de molécules phosphorescentes conduit à des performances d'OLEDs beaucoup plus élevées qu'avec des molécules fluorescentes. Cependant, afin d'obtenir des diodes hautes performances, l'utilisation de molécules phosphorescentes dans des OLEDs (appelées PhOLED pour « Phosphorescent OLED ») nécessite d'utiliser des matrices hôtes organiques pour éviter des phénomènes de désactivations non radiatifs de la molécule phosphorescente.
Le design moléculaire de matrices hôtes parfaitement adaptées à des dopants phosphorescents bleus est donc aujourd'hui un sujet majeur, essentiel au développement des PhOLEDs. En effet, un des derniers verrous à lever en électronique organique concerne l'obtention de lumière bleue stable, la durée de vie des OLEDs bleues (20 × 103 heures) étant encore faible comparée à celle des OLEDs rouges et vertes (250 × 103 et 400 × 103 heures respectivement, source: Universal Display PhOLED, 2011).
Le contexte de ce travail est donc lié au design, à la synthèse, à l'étude des propriétés physiques et électroniques de nouvelles matrices hôtes pour des PhOLEDs vertes et bleues.
Ingénierie moléculaire
Les molécules développées dans ce travail sont des isomères de position de dérivés terphényles (appelés dihydroindénofluorènes) dont il existe très peu d'exemples décrits dans la littérature. Grâce à de petites modifications structurales, il a été montré que le niveau d'énergie de l'état triplet de ces molécules pouvait être finement modulé afin d'atteindre la propriété souhaitée. En effet, d'une manière générale, du fait de leurs structures étendues sur 3 unités phényles, les dérivés dihydroindénofluorènes possèdent un niveau de l'état triplet bas en énergie. Or d'un point de vue photophysique, pour être utilisé dans une PhOLED bleue, la matrice hôte doit posséder un niveau de l'état triplet très haut en énergie (à minima 2.75 eV, supérieur à celui du dopant phosphorescent utilisé).
Dans ce travail, il a été montré que le niveau d'énergie de l'état triplet de dérivés dihydroindénofluorenes pouvait être modulé en fonction de la nature du lien terphényle (para, molécule 1, ortho molécule 2 et meta molécule 3). Cette étude de structure propriétés a permis d'aboutir à un dérivé dihydroindénofluorène substitué en position meta possédant un très haut niveau d'énergie de l'état triplet (2.76 eV, molécule 3), le plus haut jamais rapporté pour un dérivé dihydroindénofluorène.
Du fait de ce haut niveau d'énergie de l’état triplet, cette molécule a pu être incorporée avec succès dans une PhOLED émettrice de couleur bleue ciel.
Les performances de ces OLEDs, bien que loin des meilleures rapportées à ce jour, constituent la preuve du concept de l'utilisation de ce type de structure moléculaire comme matrice hôte dans une PhOLED. Ces travaux représentent en effet, les premiers exemples d'utilisation d'un dérivé dihydroindénofluorene en tant que matrice hôte dans une PhOLED bleue et pourraient ouvrir la voie à l'utilisation de ce type de structures.
Référence
Ortho-, meta-, and para-dihydroindenofluorene derivatives as host materials for phosphorescent OLEDs
M. Romain, S. Thiery, A. Shirinskaya, C. Declairieux, D. Tondelier, B. Geffroy, O. Jeannin, J. Rault-Berthelot, R. Métivier and C. Poriel,
Angewandte Chemie International Edition, 54 (2015) 1176–1180.
Le fait marquant sur le site de l'Université de Rennes et sur le site de l'Ecole Polytechnique.
Collaboration :
- M. Romain, S. Thiery, Dr. O. Jeannin, Dr. J. Rault-Berthelot, Dr. C. Poriel
- UMR CNRS 6226-ISCR-Université de Rennes 1, 35042 Rennes cedex (France)
- A. Shirinskaya, Dr. C. Declairieux, Dr. D. Tondelier, B. Geffroy, UMR CNRS 7647,LPICM-Ecole Polytechnique, 91128 Palaiseau (France)
- B. Geffroy, LICSEN/IRAMIS/NIMBE, CEA Saclay, 91191 Gif Sur Yvette (France)
- Dr. R. Métivier, UMR CNRS 8531-PPSM, ENS Cachan, 94235 Cachan (France)
Contact CEA : Bernard Geffroy, IRAMIS/NIMBE/LICSEN.