La physique de la matière condensée repose sur quelques concepts fondateurs, comme le paradigme de Néel (avec sa description des ordres magnétiques classiques), la théorie des liquides de Fermi (avec le concept de quasi-particule), et la théorie de Landau des transitions de phases (mettant en exergue le concept de brisure spontanée de symétrie). Toutefois, de nouvelles découvertes bouleversent ces dogmes, mettant en lumière le rôle des fortes corrélations entre quasi-particules, la découverte de transitions de phase topologiques, ou l’observation de nouveaux états de la matière.
Ce sont par exemple les liquides ou glaces de spin, les états de boucle de courant dans certains oxydes, ou la description de nouvelles transitions de phase, sans symétrie brisée, mettant en jeu le confinement/déconfinement d’objets topologiques comme les vortex. Ceci suscite et motive toujours plus avant l’étude de la matière et des « matériaux quantiques », pour acquérir de nouvelles connaissances fondamentales et en tirer le meilleur parti pour des applications diverses. Ces nouveaux états de la matière se rencontrent dans des conditions ultimes et notamment aux très basses températures, dans la gamme du milliKelvin (mK).
Dans cette optique, et pour accompagner cette recherche, notre équipe du LLB responsable de l’opération du diffractomètre de neutrons G4-1 (LLB-Orphée) a fait l’acquisition d’un nouvel appareil permettant de réaliser des mesures de diffraction des neutrons jusqu’à des températures ultra-basses (40 mK).
Fabriqué par le concepteur de CryoConcept (famille Hexa Dry), un réfrigérateur à dilution a été adapté pour le diffractomètre à neutrons froids G4-1 en collaboration avec les chercheurs et ingénieurs du LLB. Une des difficultés rencontrées est de s’assurer de la thermalisation des échantillons. En effet, ceux-ci sont sous forme de poudre, ce qui limite fortement la conduction de la chaleur. Pour assurer une bonne thermalisation, les échantillons sont chargés dans des cellules spéciales, conçues par le laboratoire de cryogénie du SPEC, qui permettent de maintenir une pression d’hélium de 15 à 40 bars. Aux températures de travail, cet hélium devenu superfluide assure la thermalisation des échantillons. Le dispositif permet d’atteindre des températures minimales de 38 mK, avec une régulation automatique et autonome de la température jusqu’à 10 K.
Par ailleurs, l’écrantage du rayonnement thermique, indispensable pour atteindre ces températures, suppose de placer autour de l’échantillon une série d’écrans en aluminium, emboités comme des poupées russes. Ces écrans sont donc de fait placés dans le faisceau de neutrons, ce qui donne lieu à une diffusion parasite. Si rien n’est fait pour la supprimer, cette contribution se présente sous la forme d’une série de pics de Bragg propre à chaque écran. Qui plus est, comme ces écrans ne sont pas précisément au centre du faisceau mais en périphérie, la position de ces pics se décale d’autant plus que l’écran est éloigné du centre du faisceau. La qualité de la mesure est donc très significativement dégradée, et limite les performances globales du spectromètre. Pour supprimer cette contribution, les écrans ont été adaptés en y dessinant des fenêtres en vanadium. Ces fenêtres sous-tendent la totalité de l’angle solide accessible au détecteur de G4-1. En outre le vanadium est un diffuseur « incohérent » du point de vue neutronique, si bien que son utilisation permet de supprimer de facto les pics de Bragg. Un prototype de ce dispositif avait été testé dans le cadre du projet « 1Dmag » financé par le labex PALM. Dans ce contexte, il a par exemple pu être montré que l’absence de brisure de symétrie rapportée jusqu’ici dans la littérature sur le composé pyrochlore Er2Sn2O7 était due en fait à une mauvaise thermalisation. En s'affranchissant de cette difficulté, la température de mise en ordre magnétique a pu être mesurée (~ 100 mK) et la structure associée a pu être déterminée [1].
Ce nouveau réfrigérateur à dilution a été livré en mars 2019 (cahier des charges rédigé en février 2018, réception de l’offre CryoConcept en juillet 2019). Il est depuis cette date mis à la disposition des utilisateurs de LLB-Orphée. De nombreuses expériences (plus d’une vingtaine) ont déjà été réalisées: sur des systèmes magnétiques complexes, comme en particulier les composés géométriquement frustrés à structure « pyrochlore » [1], [2], [3], « kagomé » et « hyperkagomé », les matériaux à base de terres rares « RKKY », ou les composés magnétiques unidimensionnels, tous caractérisés par des températures d’ordre magnétique, ou par des phénomènes d’ordre à courte distance, en dessous de 1 K. Le réfrigérateur est en service jusqu’à l’arrêt du réacteur Orphée. Au-delà, il sera réutilisé pour les projets SONATE et/ou les projets de CRG sur le réacteur à haut flux de l’ILL (projets SAM et GAPS).
D’autres programmes de recherche bénéficient actuellement de ce nouvel équipement: parmi eux, citons le projet PALM Pyroman (LPS-Univ Orsay-LLB), qui s’intéresse aux systèmes géométriques frustrés de type « Kagomé », le projet de thèse de Mélanie Léger relatif à la « fragmentation quantique » (collaboration institut Néel-LLB (soutenu par le 2FDN et financé par l’UGA), et une collaboration avec l’université de Hiroshima qui étudie la structure magnétique de molécules cages [4]. A titre d’exemple, la figure ci-dessous présente les derniers résultats obtenus par notre équipe du LLB sur des composés géométriquement frustrés de type hyper-Kagomé.
Ce nouveau réfrigérateur à dilution est mis à la disposition des utilisateurs de LLB-Orphée depuis juillet 2019. Plus d’une vingtaine d'expériences ont déjà pu être réalisées sur
- des systèmes magnétiques complexes, comme en particulier les composés géométriquement frustrés à structure « pyrochlore » [1], [2], [3], « kagomé » et « hyperkagomé »,
- les matériaux à base de terres rares « RKKY »,
- ou les composés magnétiques unidimensionnels,
tous caractérisés par des températures d’ordre magnétique, ou par des phénomènes d’ordre à courte distance, en dessous de 1 K. Le réfrigérateur est en service jusqu’à l’arrêt du réacteur Orphée. Au-delà, il sera réutilisé pour les projets SONATE et/ou les projets de CRG sur le réacteur à haut flux de l’ILL (projets SAM et GAPS).
D’autres programmes de recherche bénéficient actuellement de ce nouvel équipement: parmi eux, citons le projet PALM Pyroman (LPS-Univ Orsay-LLB), qui s’intéresse aux systèmes géométriques frustrés de type « Kagomé », le projet de thèse de Mélanie Léger relatif à la « fragmentation quantique » (collaboration institut Néel-LLB, soutenue par le 2FDN et financé par l’UGA), et une collaboration avec l’Université de Hiroshima pour l'étude de la structure magnétique de molécules cages [4]. À titre d’exemple, la figure ci-dessous présente les derniers résultats obtenus par notre équipe du LLB sur des composés géométriquement frustrés de type hyper-Kagomé.
A droite : Ordre magnétique dans Tb3Ga5O12, déterminé par affinement Rietveld des données de diffraction des neutrons.
Références :
[1] Long-range order in the dipolar xy antiferromagnet Er2Sn2O7, S. Petit et al., Physical Review Letters 119, 18 (Oct. 2017), 187202.
[2] Fragmentation in spin ice from magnetic charge injection, E. Lefrancois et al., Nature Communications 8 (Aug. 2017), 209.
[3] Spin decoupling under a staggered field in the Gd2Ir2O7 pyrochlore, E. Lefrancois et al., Physical Review B 99, 6 (Feb. 2019), 060401.
[4] Chiral-crystal-structure transformations and magnetic states of R3Rh4Sn13 (R=La and Ce), K. Suyama et al., Physical Review B 97, 23 (June 2018), 235138.
Contact CEA-IRAMIS : Françoise Damay et Philippe Boutrouille (LLB/NFMQ)