Distribution des ions à la surface de solutions salines et interactions à courte portée

Distribution des ions à la surface de solutions salines et interactions à courte portée

P. Viswanath, J. Daillant, L. Belloni, M. Alba, DRECAM/SCM – Service de Chimie Moléculaire
S. Mora (LCVN, Montpellier) et O. Konovalov (ESRF)

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Dissoudre du sel (NaCl) dans l’eau n’est pas anodin. En solution, le sodium et les chlore se séparent sous forme ionique Na+ et Cl, s’entourent de molécules d’eau et se dispersent. Ceci modifie profondément la nature du solvant qui devient ainsi, par exemple, bon conducteur. Au niveau de la surface, la distribution des ions reste cependant encore très mal connue, bien que de nombreuses propriétés « de contact » en dépendent.

Ainsi, pourquoi HCl diminue-t-il la tension de surface de l’eau alors que NaCl l’augmente? Pourquoi KCl est-il deux fois plus efficace que NaCl pour cristalliser le lysozyme(i) ? Les questions de ce type, qui illustrent la spécificité ionique, abondent en biologie, science de l’environnement et de l’atmosphère, sciences des matériaux, physico-chimie… Ces effets, dont certains ont été décrits dès les travaux de Hofmeister en 1888 [1], n’ont cependant toujours pas trouvé d’explication globale. Jusqu’à présent, seules des lois empiriques ont pu être dégagées à partir d’observations généralement macroscopiques. La difficulté tient à ce que ces effets sont dus essentiellement à des couplages forts à très courte portée (en dessous du nanomètre) entre ions et molécules de solvant, et au manque de mesures de profils ioniques aux interfaces.

En étudiant des solutions de mélange de sels par fluorescence X sous incidence rasante à l’ESRF (synchrotron de Grenoble), il a été possible de déterminer précisément leur composition en surface. La comparaison de solutions pures et de mélanges de sels est ici essentielle car elle a permis de bien identifier et mesurer les interactions à très courte portée. Les interactions coulombiennes entre ions de même charge restant identiques, seules ces interactions sont responsables des différences observées. On observe alors que les iodures sont plus attirés par la surface que les bromures qui le sont plus que les chlorures. Plus quantitativement, les mesures des profils de concentration (Fig.1) peuvent être reproduites par un modèle simple de sphères ioniques dans un solvant continu, en ajoutant aux interactions coulombienne (les ions de charge opposées s’attirent) et de dispersion (le solvant tend à disperser les ions), une interaction à courte portée [2].

Ces données vont permettre de tester les théories en cours de développement, en particulier au laboratoire, pour prendre en compte la nature discrète du solvant, ce qui est indispensable à ce niveau de description à l’échelle nanométrique.

Références :

[1] F. Hofmeister, “Zur Lehre von der Wirkung der Salze II”, Arch. Exp. Pathol. Pharmakol. 25 p. 247 (1888)

[2] W. Kunz, L. Belloni, O. Bernard and B. Ninham « Osmotic coefficients and surface tensions of aqueous electrolyte solutions: Role of dispersion forces », Journal of Physical Chemistry B 108 (2004) 2398.

[3] P. Jungwirth and D. Tobias « Molecular structure of salt solutions: A new view of the interface with implications heterogeneous atmospheric chemistry », Journal of Physical Chemistry B 105 (2001) 10468.

Publication associée :

Specific Ion Adsorption and Short-Range Interactions at the Air Aqueous Solution Interface
V. Padmanabhan, J. Daillant, L. Belloni, Serge Mora, M. Alba, O. Konovalov
Phys. Rev. Lett. 99, 086105 (2007)
((i) lysozyme : protéine que l’on rencontre dans les larmes, la salive, le blanc d’œuf…
Profil typique de concentration des ions à la surface d’un mélange KCl (0,1 mole/ℓ) et KI (0,1 mole/ℓ). Rouge : ions K+, vert : ions Cl- et bleu : ions I-.