À partir du XVe siècle, la peinture à l’huile est une technique picturale largement utilisée : les peintres préparaient leurs peintures en broyant les pigments avec des huiles siccatives, qui forment un film solide après un long temps d’exposition à l’air. De nombreuses recettes historiques indiquent que le chauffage des huiles en présence d’oxydes métalliques permet d’accélérer le processus de séchage. Parmi eux, l’oxyde de plomb (II) PbO était le plus fréquemment utilisé. Certaines recettes mentionnent également l’ajout d’eau au cours du chauffage. Plusieurs travaux décrivent qualitativement l’influence de ces traitements sur les propriétés macroscopiques des huiles (consistance, couleur).
Ce travail vise à transcrire ces recettes historiques en protocole de formulations modèles et reproductibles afin de comprendre comment les traitements modifient l’architecture supramoléculaire et mésoscopique ainsi que les propriétés macroscopiques des huiles.
Nous avons étudié l’influence de la quantité initiale de PbO (de 4 à 50 %mol), sans ajout d’eau. Les huiles ainsi traitées contiennent des savons de plomb issus de la saponification des triglycérides présents dans l’huile. L’huile seule, initialement newtonienne, voit sa viscosité augmenter avec la teneur en PbO. Au-delà de 50 %mol de PbO, les huiles saponifiées sont rhéofluidifiantes. L’huile de lin chauffée avec 50 %mol de PbO est également viscoélastique. Les analyses de diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS) et de microscopie ont révélé la présence de domaines lamellaires dispersés dans une matrice non organisée. Nous avons montré que la présence d’eau au cours du chauffage diminue la stabilité des huiles saponifiées, qui déphasent en quelques heures. Les deux phases résultantes ont été caractérisées selon une approche multi-échelle. Une analyse fine de la composition chimique des phases a permis de mettre en évidence une prévalence de savons saturés dans la phase inférieure, conduisant à une structuration importante à l’échelle mésoscopique. Nous avons également observé l’impact du cisaillement sur l’architecture supramoléculaire des huiles traitées en rhéo-SAXS. Sous cisaillement continu, les lamelles adoptent une orientation préférentielle dite parallèle et glissent les unes sur les autres. Ce phénomène est plus marqué pour les échantillons les plus saponifiés. De manière surprenante, une sollicitation oscillatoire de l’échantillon viscoélastique induit la formation d’objets cylindriques, conjointement à une diminution de l’élasticité des échantillons viscoélastiques.
LAMS, CNRS UMR 8220, Sorbonne Université