Étude accélérée du vieillissement des batteries lithium-ion par chimie sous rayonnement

Étude accélérée du vieillissement des batteries lithium-ion par chimie sous rayonnement

Les batteries assurent le stockage de l’énergie sous forme chimique. Pour les applications nomades (téléphonie), l'automobile (batteries de puissance) ou des installations de réseau électrique, les batteries d'accumulateurs lithium-ion sont aujourd'hui une solution attractive. Mais à l'usage, les phénomènes de vieillissement limitent leur durée de vie, ce qui constitue un inconvénient majeur pour tous les dispositifs autonomes mobiles alimentés par ce moyen. En particulier dans l’industrie automobile, les véhicules hybrides et électriques nécessitent un système de stockage de l’énergie réversible particulièrement performant du fait de la puissance mise en jeu et du grand nombre de cycles de charge-décharge.

La maîtrise de la durée de vie des batteries lithium-ion est ainsi un enjeu important et il est nécessaire de bien comprendre les mécanismes du vieillissement des batteries, afin de proposer les meilleures solutions pour y remédier, et de disposer des bons diagnostics pour améliorer la fiabilité des dispositifs [1]. Or, les études de vieillissement sont généralement longues et particulièrement coûteuses. Une collaboration entre deux équipes du CEA et le Laboratoire de Chimie-Physique, UMR 8000 CNRS Université Paris Sud, vient de montrer, que les outils de la chimie sous rayonnement permettent d'accélérer le vieillissement (en quelques heures, voire quelques minutes, à comparer à des semaines et des mois d'utilisation en conditions normales), tout en permettant de comprendre finement la réactivité des systèmes et de déterminer précisément les mécanismes de réaction impliqués. Ce résultat est publié dans Nature Communication [2].

De par leur densité énergétique importante, les batteries lithium-ion sont omniprésentes pour les systèmes électroniques portables, les véhicules (vélos ou automobile, …) ou la gestion des réseaux d'énergie à source intermittente [3]. Afin d'augmenter pour les générations futures notre capacité de stockage d'énergie, les questions majeures qui se posent sur les performances de ces batteries doivent être abordées et résolues. La caractérisation et la maitrise des processus de vieillissement est un de ces points importants, puisqu'il permet une meilleure sécurité d'utilisation et doit aussi permettre de réduire les coûts d'utilisation par un prolongement de la durée de vie des éléments.

Plus spécifiquement, il existe actuellement beaucoup d'intérêt dans l'amélioration des dispositifs de stockage électrique pour leur utilisation dans les véhicules électriques. En particulier, on cherche à augmenter la tension de fonctionnement et à prolonger leur durée de vie, mais, la lente décomposition de l'électrolyte constitue un obstacle à ces avancées. Il est donc primordial d'avoir une compréhension approfondie des phénomènes de vieillissement en jeu.

En raison de la complexité de l'ensemble du système, de nombreux facteurs peuvent affecter le fonctionnement du dispositif et même induire des problèmes de sécurité importants. L'un des facteurs clefs est la stabilité de l'électrolyte, constitué d'un mélange de solvants contenant un sel. Les études de vieillissement sont généralement très longues (plusieurs mois) et donc coûteuses. Dans ce contexte de quête d’électrolytes plus robustes, notre étude apporte une solution originale avec l’utilisation des outils de la « chimie sous rayonnement » (ou radiolyse) : nos résultats montrent en effet que la dégradation des solvants et des électrolytes est similaire dans les batteries en cyclage et sous rayonnement ionisant. Le grand avantage pour la radiolyse est de permettre des études très accélérées (de quelques minutes à quelques heures, à comparer à des semaines, voire des mois pour les études par électrolyse ou en cyclage charge-décharge usuels). De plus, l’utilisation de techniques de radiolyse pulsée résolues en temps, permet de suivre le système sur des échelles de temps très larges (depuis la picoseconde, échelle de la réaction chimique locale, jusqu'à la journée, soit sur 17 ordres de grandeur !) et d’en déduire les mécanismes de réaction, et leurs constantes de vitesse.

Décomposition du solvant (diéthylcarbonate – DEC) par électrolyse, avec la formation de DEC+● qui réagit avec le solvant.

Notre équipe a ainsi comparé l'évolution du diéthylcarbonate (DEC), solvant représentatif de ceux utilisés dans les batteries lithium-ion, soumis au processus d'électrolyse ou à des phénomènes d’irradiation. L'irradiation est faite avec des rayonnements gamma (source 137Cs, dose de l'ordre de 20 kiloGray) ou avec des impulsions d'électrons de 10 MeV (dose de 100 kGy en 30 minutes) [4].

  • Dans le cas de l'électrolyse en conditions abusives, le solvant (DEC+●) est oxydé au niveau de l’électrode positive, et réagit ensuite avec des molécules de solvant. L’électron réagit avec le solvant au niveau de l’électrode négative (figure du haut).
  • Dans le cas de l’irradiation, on retrouve les mêmes espèces (le radical cation et l’électron) ainsi que la molécule excitée (DEC*) (figure du bas) qui va conduire aux mêmes intermédiaires de réaction.

Finalement, les cycles de charge et de décharge et la radiolyse conduiront à la formation des mêmes molécules.


Figure ci contre : Formation des mêmes produits de dégradation du solvant DEC par irradiation avec des rayonnements gamma (137Cs, dose de l'ordre de 20 kiloGray) ou avec des impulsions d'électrons de 10 MeV et par électrolyse. La radiolyse induit la formation de molécules excitées qui conduisent ensuite aux mêmes espèces que la réactivité induite par l'électrolyse.


La radiolyse, couplée à des techniques de chimie analytique performantes, permet ainsi de mettre en évidence la formation de molécules, mêmes minoritaires. L'irradiation assure un transfert d’énergie important et rapide au système (plusieurs kGray), qui permet une compréhension fine et approfondie du système et la mise en évidence des espèces qui peuvent contribuer in fine à la diminution de la durée de vie de la batterie. Ces études ouvrent ainsi la voie à des expériences de criblage par chimie sous rayonnement ionisant qui permettront de trouver les meilleurs électrolytes pour les batteries du futur.


Références :

[1] Towards greener and more sustainable batteries for electrical energy storage,
D. Larcher, J. M. Tarascon, Nature Chem. 7, 19 (2015).

[2] Radiolysis as a solution for accelerated ageing studies of electrolytes in Lithium-ion batteries,
D. Ortiz, V. Steinmetz, D. Durand, S. Legand, V. Dauvois, P. Maître, S. Le Caër, Nat. Comm., 6 (2015) 6950.

[3] Molecular wiring of insulators: charging and discharging electrode materials for high-energy Lithium-ion batteries by molecular charge transport layers,
Q. Wang, N. Evans, S. M. Zakeeruddin, I. Exnar, M. Graetzel, J. Am. Chem. Soc. 129, 3163 (2007).

Synthesis of tetrahedral LiFeO2 and its behavior as a cathode in rechargeable lithium batteries,
A. R. Armstrong, D. W. Tee, F. La Mantia, P. Novak, P. G. Bruce, J. Am. Chem. Soc. 130, 3554 (2008).

Issues and challenges facing rechargeable lithium batteries,
J. M. Tarascon, M. Armand, Nature 414, 359 (2001).

[4] 1 Gray = 1 J/Kg, l'unité correspond à une quantité d'énergie de 1 joule absorbée par un échantillon homogène de 1 kg, exposé à un rayonnement ionisant.

Communiqué de presse CEA-CNRS : Batteries Li-ion : le vieillissement des accumulateurs étudié grâce à la chimie sous rayonnements ionisants.

Voir aussi sur cette thématique le Communiqué CNRS (février 2016) : La vie des électrons et le vieillissement de batteries.


Contact CEA-IRAMIS : Sophie Le Caer et Daniel Ortiz, Institut Rayonnement Matière de Saclay – NIMBE UMR 3685 CEA‐CNRS.

Collaborations :