Analyse par Activation Neutronique Instrumentale

Analyse par Activation Neutronique Instrumentale

R. Delmas, Clarisse MARIET, M. Moskura, D. Guiot

L‘analyse par activation neutronique (INAA : Instrumental Neutron Activation Analysis) est une méthode d’analyse exclusivement élémentaire. Sa mise en œuvre consiste à irradier l’échantillon à analyser dans un flux de particules appropriées, neutrons, particules chargées… et à identifier, ensuite, après irradiation, les isotopes radioactifs créés à partir des éléments à doser. Par son principe même, la méthode est unique parmi les méthodes d’analyse : l’excitation concerne le noyau de l’atome et les mesures portent sur les isotopes radioactifs artificiels ainsi créés. Il en résulte un certain nombre d’avantages : l’analyse est non seulement multiélémentaire et très sensible (limite de détection pouvant atteindre 1012 g et moins quelquefois) mais de plus sa réponse est indépendante de la forme chimique de l’élément. La masse de l’échantillon peut varier dans une large mesure, de quelques milligrammes à plusieurs grammes, et sa préparation est en général très simple. La plupart des risques d’erreur (pertes et pollutions), qui guettent les méthodes classiques, peuvent être évités ou à défaut contrôlés. Après irradiation, un décapage permet de s’affranchir des pollutions de surface et les contaminations, introduites lors des séparations chimiques éventuelles, ne peuvent ni fausser les résultats, ni dégrader les limites de détection. Les mesures de radioactivité permettent d’identifier de façon très sélective chacun des atomes présents et d’en quantifier le nombre. L’étalonnage est généralement obtenu à partir soit de l’élément lui-même, soit d’un moniteur de flux, irradiés simultanément ou dans des conditions comparables.

Zone chaude LPS pour la récupération des échantillons provenant des réacteurs Orphée ou Osiris

Pour le dosage des traces, cette méthode est l’une des rares à atteindre couramment et de façon sûre, ses limites théoriques de détection. Ses temps de réponse sont tributaires de la période de décroissance des radio-isotopes utilisés et peuvent atteindre plusieurs jours. La méthode s’applique sans modification majeure à de très nombreux matériaux (métaux, semi-conducteurs, échantillons archéologiques, biologiques, géologiques…) dont la forme et la masse peuvent varier dans une large mesure. Il en va de même pour les quantités dosées qui peuvent varier du picogramme au gramme avec en général une précision de l’ordre de quelques pour-cent, quelle que soit la teneur, sauf au voisinage de la limite de détection. Actuellement la méthode est surtout utilisée comme méthode d’analyse de traces et d’ultratraces, soit en tant que telle, soit pour calibrer et vérifier les résultats obtenus par d’autres méthodes, en général plus accessibles et plus rapides mais qui n’ont pas toujours la fiabilité de l’analyse par activation. La possibilité de doser simultanément, sur un même échantillon, un grand nombre d’éléments présents dans des domaines de concentration très différents, en fait aussi une méthode de choix pour des études de provenance ou de mécanisme.

Limites de détection estimées par INAA suite à une irradiation dans un réacteur de flux de neutrons de 1×1013 n cm-2 s-1.
Sensibilité (picogrammes)
Eléments
1
Dy, Eu
1 – 10
In, Lu, Mn
10 – 100
Au, Ho, Ir, Re, Sm, W
100 – 103
Ag, Ar, As, Br, Cl, Co, Cs, Cu, Er, Ga, Hf, I, La, Sb, Sc, Se, Ta, Tb, Th, Tm, U, V, Yb
103 – 104
Al, Ba, Cd, Ce, Cr, Hg, Kr, Gd, Ge, Mo, Na, Nd, Ni, Os, Pd, Rb, Rh, Ru, Sr, Te, Zn, Zr
104 – 105
Bi, Ca, K, Mg, P, Pt, Si, Sn, Ti, Tl, Xe, Y
105 – 106
F, Fe, Nb, Ne
107
Pb, S
Contacts:
Clarisse MARIET 0169084960
Robert DELMAS 0169085128

Préparation de l’échantillon

La forme géométrique de l’échantillon importe peu. En effet, les neutrons, à cause de leur charge nulle, ont un grand pouvoir de pénétration dans la matière, sauf pour quelques éléments (bore, cadmium…) qui ont une très forte section efficace de capture neutronique (plusieurs milliers de barns). Théoriquement, il est possible d’appliquer la méthode aux solides, aux liquides et aux gaz. En fait, sauf exception, à cause des phénomènes de radiolyse et des risques de contamination, les échantillons sont irradiés sous forme solide, enveloppés par exemple dans du papier d’aluminium. Ce matériau peut être obtenu très pur et conduit à des radio-isotopes dont la radioactivité décroît rapidement après irradiation. Les masses irradiées peuvent varier de quelques milligrammes à quelques grammes et même beaucoup plus si le dispositif prévu pour l’irradiation le permet. Dans la majorité des cas, le ou les échantillons avec le ou les étalons, ou encore le ou les moniteurs de flux, sont placés dans une navette fermée, adaptée au dispositif de transfert. Cette navette peut être en matière plastique pour les irradiations courtes (moins d’une heure à 1013 n.cm-2.s-1), en graphite ou en aluminium pour les irradiations plus longues.

Navettes en plastique et en cadmium posées sur le tableau de commande

Traitement de l’échantillon après irradiation

Échantillon et étalon sont extraits de la navette d’irradiation dans un laboratoire aménagé à cet effet. L’étalon, ou le moniteur de flux, est soit mesuré directement, soit éventuellement mis en solution pour présenter la même géométrie que l’échantillon lors des mesures de radioactivité. En analyse classique de traces, l’échantillon, s’il est solide, est généralement décapé pour éliminer les pollutions de surface difficilement évitables. En analyse par activation, les pollutions naturelles introduites après la fin de l’irradiation ne peuvent pas fausser les mesures de radioactivité. Dans le cas favorable des matériaux relativement purs s’activant peu ou donnant des radio-isotopes de période courte (aluminium, magnésium, silicium, leurs oxydes…), il est possible avec les dispositifs modernes de spectrométrie g de détecter et de doser sur un même échantillon une quarantaine d’éléments.
Chaine de spectrométrie gamma avec passeur d’échantillons