Génération d’harmonique laser femtoseconde polarisée circulairement et dichroïsme en photoionisation

Génération d’harmonique laser femtoseconde polarisée circulairement et dichroïsme en photoionisation

Les faisceaux laser permettent d'explorer la matière par divers type de spectroscopies de lumière (en émission ou absorption) ou électronique (par photoionisation, résolue en angle et/ou en énergie). Les signaux obtenus dépendent des caractéristiques de la lumière (longueur d'onde, polarisation et intensité) et suivent les règles de sélection, imposées par les règles de la mécanique quantique.

La collaboration de chercheurs, rassemblés autour de la chaine laser Aurore du CELIA à Bordeaux, vient de montrer qu'il est possible d'obtenir des impulsions laser femtoseconde (10-15 s) polarisées circulairement, par génération d'harmonique d'ordre élevé dans du SF6. Ceci ouvre la voie à de nouvelles spectroscopies, utile en chimie physique ou biologie (étude de molécules chirales) ou encore en physique du solide (surface et couches minces magnétiques). Ceci est illustré par l'observation du dichroïsme dans l'émission électronique par photoionisation de la molécule chirale de fenchone (essence polycyclique).

Un photon dans le domaine ultraviolet, et donc de haute énergie, peut ioniser toutes les molécules, indépendamment du détail de leur structure énergétique. Dans ce domaine spectral, les impulsions lumineuses ultrabrèves (dans le domaine femtoseconde, 10-15 s) permettent d'accéder à la dynamique des processus photochimiques ou à celle des électrons dans les solides. En chimie, elles donnent notamment accès à des informations sur la structure d’intermédiaires réactionnels éphémères. Aujourd’hui, cette gamme de rayonnement n’est produite que par quelques grands instruments, comme les synchrotrons, et uniquement avec des impulsions de durée longue. Seuls quelques lasers à électrons libres fournissent les impulsions recherchées : de haute énergie, ultrabrèves avec une polarisation contrôlée.

Des physiciens du Centre lasers intenses et applications – CELIA (CNRS/CEA/Univ. Bordeaux), du synchrotron SOLEIL, du Laboratoire interactions, dynamique et lasers – LIDyL (CEA) et du Laboratoire collisions, agrégats, réactivité – LCAR (CNRS/Univ. Toulouse 3) viennent de montrer que la génération résonante d’harmoniques d’ordre élevé peut délivrer au laboratoire des impulsions laser ultrabrèves dans l’extrême ultraviolet, très brillantes et avec une polarisation quasi-circulaire. Réalisée avec la chaine laser Aurore du CELIA, ce type de source ne nécessite en pratique qu’un laser produisant des impulsions millijoules d’une durée de l’ordre de 20 à 40 fs, équipement aujourdh'ui commercialement disponible. De plus, on observe que la sensibilité des mesures de chiralité par pémission d'électrons (photoionisation) à l’aide de ces impulsions est cent fois plus élevée qu’avec les techniques habituelles basées sur la détection de l’absorption de photons. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Photonics.

Schéma de principe de la génération d'harmonique femtoseconde dans l’extrême ultraviolet avec une polarisation circulaire. La production de telles impulsions polarisées permet l'étude, avec la résolution temporelle de la durée d'impulsion, de molécules chirales, telle que la fenchone (essence polycyclique). L’ionisation par les harmoniques avec une polarisation circulaire gauche éjecte plutôt les électrons vers l’arrière, tandis que l’ionisation par les harmoniques polarisées droite les éjecte vers l’avant.

Des impulsions laser infrarouges intenses, doublées en fréquence et ajustées en polarisation, sont focalisées dans un jet d’hexafluorure de soufre (SF6). Leur interaction avec ces molécules libère des électrons, les accélère et les ramène sur leur ion parent, avec lequel ils se recombinent en émettant un rayonnement sous forme d’impulsions attosecondes dans l’ultraviolet extrême. Des travaux récents impliquant des auteurs de cette publication ont montré que certains électrons sont piégés dans une résonance moléculaire avant de se recombiner, ce qui provoque l’émission d’harmoniques qui sont polarisées quasi-circulairement. C’est ce mécanisme qui a été mis à profit dans l’expérience, afin de démontrer sans ambiguïté le caractère elliptique de la polarisation produite et l’utilité de cette source pour les études de dichroïsme circulaire.

Des molécules chirales de fenchone ont été soumises au rayonnement harmonique polarisé elliptiquement. Selon que la lumière est polarisée elliptiquement droite ou gauche, les électrons sont préférentiellement éjectés vers l’avant ou vers l’arrière de la direction de propagation de la lumière (voir Figure) ce qui prouve la forte polarisation de ce rayonnement. Cet effet de dichroïsme circulaire de photoélectrons dans l’extrême ultraviolet a donné lieu à de nombreuses études ces dernières années en utilisant du rayonnement synchrotron quasi-continu. Mais c’est la première fois qu’il est observé sur une installation laser de petite taille, et avec des impulsions ultrabrèves. La simplicité de mise en œuvre de cette nouvelle source lumineuse laisse présager de sa rapide diffusion vers de nombreux laboratoires, où elle permettra l’étude résolue en temps de dynamiques ultrarapides de composés chiraux à l’échelle femtoseconde et attoseconde.

Référence :

A table-top ultrashort light source in the extreme-ultraviolet for circular dichroism experiments
A. Ferre1, C. Handschin1, M. Dumergue1, F. Burgy1, A. Comby1, D. Descamps1, B. Fabre1, G. A. Garcia2, R. Geneaux3, L. Merceron1, E. Mevel1, L. Nahon2, S. Petit1, B. Pons1, D. Staedter4, S. Weber3, T. Ruchon3, V. Blanchet1et Y. Mairesse1 Nature Photonics 9 (2015) 93.

1Centre Lasers Intenses et Applications(CELIA)
2Synchrotron SOLEIL
3Laboratoire Interactions, Dynamique et Lasers(LIDyL)
4Laboratoire Collisions, Agrégats, Réactivité(LCAR)

Contact IRAMIS/LIDYL : Thierry Ruchon.

Support :

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