Suivi de la dynamique de l’aimantation d’un vortex magnétique par dichroïsme magnétique hélicoïdal

Suivi de la dynamique de l’aimantation d’un vortex magnétique par dichroïsme magnétique hélicoïdal

Les micro et nanostructures de matériaux magnétiques sont à la base de multiples applications technologiques, comme la réalisation de capteurs ou encore le stockage de données. De nouvelles méthodes de mesure et de contrôle de la dynamique de leur aimantation méritent ainsi d’être recherchées. Une technique largement utilisée de mesure de l’aimantation est le dichroïsme magnétique circulaire (MCD), c’est-à-dire la mesure de la différence de réponse d’un système magnétique soumis à un faisceau de lumière polarisé circulairement droite ou gauche.

Une large collaboration internationale, incluant une équipe conjointe du LIDYL et de l’Université Cergy-Paris, montre qu’il est possible d’obtenir une mesure de dichroïsme magnétique résolue en temps à l’échelle de la picoseconde, pour des impulsions de lumière possédant un moment angulaire orbital (plan d’onde hélicoïdal). Cette nouvelle méthode permet notamment de suivre la dynamique d’aimantation de vortex magnétiques.

La réponse de la matière à une impulsion laser est fonction de sa polarisation (i.e. de l’orientation du champ électrique de l’onde), le plus souvent linéaire ou circulaire (droite ou gauche), ou plus généralement elliptique. À noter que, selon l’interprétation quantique de la lumière sous forme de photon, une polarisation circulaire correspond à un moment angulaire de spin. Une autre quantité chirale existe, le moment angulaire orbital (MAO), qui correspond à une structure du faisceau lumineux dont le plan d’onde prend une forme hélicoïdale.

En 2021, l’équipe du Lidyl a présenté une théorie électromagnétique du dichroïsme hélicoïdal sur des structures magnétiques (MHD en anglais) associé au moment angulaire orbital (MAO). Cette théorie a été rapidement confirmée par une preuve de concept expérimentale en 2022, avec l’observation de ce type de dichroïsme selon le sens de rotation de l’aimantation d’une structure en vortex magnétique, sur le profil de diffusion d’un faisceau de lumière ultraviolet (XUV) et porteur d’un MAO.

Aujourd’hui, une collaboration européenne autour de l’équipe du LIDYL montre, sur le laser à électrons libres FERMI de Trieste en Italie, qu’il est possible de réaliser des expériences de MHD résolues en temps. Il a en effet été possible de filmer l’évolution temporelle à l’échelle de la picoseconde de la réponse d’un vortex magnétique, après l’excitation d’une impulsion laser infrarouge ultrarapide de durée femtoseconde.

Dispositif expérimental : Une impulsion infrarouge femtoseconde fournit une excitation initiale de l’aimantation d’un vortex magnétique d’un diamètre micromètrique, porté par un plot de permalloy (diamètre 15 µm, hauteur 80 nm) déposé sur un wafer de Si. Après un retard contrôlé de quelques picosecondes, une impulsion laser XUV porteuse d’un moment angulaire orbital (MAO, plan d’onde hélicoïdal) sonde le système. Des impulsions de champ magnétique sont utilisées pour inverser le sens de rotation de l’aimantation du vortex. Pour un même retard, la différence de signal de diffusion de la lumière, entre les orientations magnétiques droite et gauche, fournit le signal de dichroïsme magnétique hélicoïdal (MHD), permettant de suivre la dynamique de l’aimantation.

S’il est connu qu’un matériau magnétique excité par une impulsion laser infrarouge ultrarapide perd temporairement sa magnétisation, à cause d’une redistribution énergétique entre le spin, les porteurs de charge et les phonons, le phénomène reste très mal compris à l’échelle atomique et microscopique. Il est en effet très difficile de suivre en détail la distribution d’aimantation au cours de cette période transitoire. La technique de MHD résolue en temps a permis ce type d’observation en suivant pas à pas les modifications de la structure d’aimantation d’un vortex magnétique micrométrique pendant cette phase transitoire de désaimantation – ré-aimantation. Un comportement complexe est observé variant dans l’épaisseur du vortex, pouvant aller jusqu’au renversement temporaire du sens d’aimantation en surface du vortex.

La même mesure de diffusion de lumière XUV – MAO, pour deux sens de rotation d’un vortex magnétique fourni une mesure de dichroïsme hélicoïdal (rouge +, bleu -). À gauche : mesure initiale au moment de l’excitation magnétique du système par l’impulsion infrarouge de 60 fs. À droite : observation d’une inversion temporaire du signal de dichroïsme après un retard de 20 picosecondes.

Ce résultat publié dans la revue Physical Review Letters, est le fruit d’une large collaboration internationale* incluant les chercheurs de l’équipe Lidyl/Atto-CY au CEA Saclay. Ce travail montre les potentialités du MHD résolu en temps comme une nouvelle technique pour la caractérisation des propriétés magnétiques dans des micro et nanostructures. Il a ainsi permis de suivre de façon détaillée l’évolution d’une structure magnétique perturbée par une impulsion laser IR, une étape importante vers une meilleure compréhension de l’écriture et du traitement de l’information codée sous forme magnétique.


Référence :

Magnetic vortex dynamics probed by time-resolved magnetic helicoidal dichroism
M. Fanciulli, M. Pancaldi, A.-E. Stanciu, M. Guer, E. Pedersoli, D. De Angelis, P. R. Ribič, D. Bresteau, M. Luttmann, P. Carrara, A. Ravindran, B. Rösner, C. David, C. Spezzani, M. Manfredda, R. Sousa, L. Vila, I. L. Prejbeanu, L. D. Buda-Prejbeanu, B. Dieny, G. De Ninno, F. Capotondi, T. Ruchon, and M. Sacchi, Phys. Rev. Lett. 134 (2025) 156701.

Voir également le fait marquant et références associées : « Première observation du dichroïsme hélicoïdal magnétique sur les structures de type vortex » (Lidyl/Atto)

Contact CEA et CYU : Mauro Fanciulli, Lidyl/DICO et LPMS, Cergis-Paris Université (CYU).

*Collaboration :

  1. CY Cergy Paris Université, CEA, LIDYL/Atto, 91191 Gif-sur-Yvette, France
  2. Université Paris-Saclay, CEA, LIDYL/Atto, 91191 Gif-sur-Yvette, France
  3. New Technologies Research Center, University of West Bohemia, 30100 Plzeň, Czech Republic
  4. Elettra-Sincrotrone Trieste S.C.p.A., 34149 Basovizza, Trieste, Italy
  5. Department of Molecular Sciences and Nanosystems, Ca’ Foscari University of Venice, 30172 Venezia, Italy
  6. Université Grenoble Alpes, CNRS, CEA, Grenoble INP, IRIG-SPINTEC, 38000 Grenoble, France
  7. Sorbonne Université, CNRS, Institut des NanoSciences de Paris, INSP, 75005 Paris, France
  8. Laboratory of Quantum Optics, University of Nova Gorica, 5001 Nova Gorica, Slovenia
  9. PSI Center for Photon Science, Paul Scherrer Institute, 5232 Villigen PSI, Switzerland
  10. Synchrotron SOLEIL, L’Orme des Merisiers, Saint-Aubin, B. P. 48, 91192 Gif-sur-Yvette, France