Au laboratoire Léon Brillouin, et pour le monde de la diffusion de neutrons, ce mois de mars 2021 a été marqué par un évènement important : la 1ère mise sous faisceau de neutrons de l‘instrument SHARP*, nouveau spectromètre de neutrons à temps de vol, auprès du réacteur européen de l'Institut Laue Langevin (ILL) de Grenoble. Fruit d'une étroite collaboration CEA-CNRS-ILL, avec l'apport de l’accord Franco-Suédois en faveur de l'instrumentation en diffusion de neutrons, ce nouveau dispositif remplace le spectromètre IN6, installé depuis le milieu des années 80 à l’Institut Laue Langevin à Grenoble. Les toutes premières études montrent que le dispositif est pleinement opérationnel et pourra très bientôt être ouvert aux dépôt de projets d'expériences. |
Le nouveau spectromètre SHARP* implanté à l'ILL remplace le spectromètre de neutrons à temps de vol IN6, instrument de référence car il a longtemps offet la plus grande brillance. Pour optimiser l'utilisation du faisceau de neutrons, Il était cependant devenu nécessaire de moderniser l'instrument. L'opération a été lancée par un accord entre le CEA, le CNRS et l’ILL du 29 septembre 2017. Les trois entités ont alors confié l’étude, la réalisation, puis l’exploitation de l’instrument au Laboratoire Léon Brillouin (LLB) du CEA Saclay. Son implantation autour du réacteur de 58 MW de l'ILL s'imposait, du fait de l'arrêt du réacteur Orphée de Saclay.
Avec le projet ainsi défini, la phase de design détaillé et de construction de l’enceinte a été confiée à SDMS, entreprise de chaudronnerie basée à St-Roman en Isère. Le travail de collaboration étroit entre SDMS et le bureau d’étude du LLB a abouti au design final du schéma ci-dessous.
Une fois la chaudronnerie réalisée, l'installation et l'équipement de l'instrument ont été exceptionnellement rapide, malgré le contexte de l'épidémie en cours : fin octobre 2020 IN6 a été démonté, et le 30 novembre une grue a déposé, en passant par le toit, la nouvelle enceinte d'une vingtaine de tonnes dans le hall des guides de l’ILL. Ont suivi, l'équipement par des détecteurs de neutrons de dernière génération, l'emballage par des protections en polyéthylène de haute densité boré pour aboutir à la 1ère mise effective sous faisceau de neutrons le 21 mars 2021, un délai record !
Les éléments clefs de SHARP, spectromètre de dernière génération sont :
Les études peuvent alors commencer !
La diffusion inélastique des neutrons est une sonde irremplaçable des événements dynamiques microscopiques qui régissent les propriétés de la matière: propriétés de transport, magnétisme, catalyse et même, fonction d’objets biologiques. Sont ainsi étudiés des cristaux, de la matière molle, les liquides… ; pour lesquels il devient possible d'identifier par exemple des processus de diffusion, l'ensemble des phénomènes vibratoires, ou des phénomènes de transitions de phase…
La première étude réalisée sur SHARP é été celle des modes magnétiques de l'acétate de manganèse, aimant moléculaire dont le magnétisme est porté par les atomes de manganèse: Pour l'étude par diffusion de neutrons, la diffusion très importante des protons de l’acétate (80 barns) couvre totalement le signal magnétique. L’interaction neutron matière étant un processus nucléaire, il est possible de tirer parti d’effets isotopiques très forts en deutérant (H → D, , 80 barns → 5 barns) la partie organique de l’échantillon, ermettant de rendre le signal magnétique mesurable. Les détecteurs en place su SHARP permettent une parfaite identification des anneaux de diffraction, liés à l'ordre cristallin du matériau. L'analyse spectroscopique "énergie-vecteur de diffusion" permet ensuite, en appliquant le principe de conservation du moment et de l'énergie, d’identifier les excitations magnétiques.
L'étude des processus de diffusion à l’échelle moléculaire de l’eau en volume est un 2ème exemple illustrant les performances de l'appareil : l'analyse spectroscopique "énergie-vecteur de diffusion" du signal de diffusion montre une diminution de l’intensité diffusée et un élargissement en énergie du signal en fonction du vecteur de diffusion. Ce comportement est bien mis en évidence sur les coupes faites à différents vecteurs de diffusion. Cette dépendance en énergie, donc temporelle, du signal en fonction du vecteur de diffusion, i.e. de l’espace, permettent d’attribuer le phénomène à un processus de diffusion de Fick et de déterminer très finement le coefficient de diffusion des molécules.
Cette réalisation n’aurait pas été possible sans des soutiens financiers conséquents,
Il faut ici aussi remercier les équipes supports et techniques du LLB et de l'ILL, ainsi que le soutien du CEA et du CNRS, autorités de tutelle du LLB.
* SHARP : Spectromètre Hybride Alpes Région Parisienne (!)
Voir aussi :
Contact CEA et responsable du spectromètre SHARP : Jean-Marc Zanotti (LLB/MMB).