Le magnétisme est un domaine d’intérêt majeur, car combiné à l’électronique, il a modifié en profondeur notre vie quotidienne : sous forme de capteurs, d’actionneurs, de dispositifs nomades (téléphones, tablettes, ordinateurs portables), de matériaux aux capacités de stockage accrues pour l’enregistrement magnétique de toutes nos données informatiques., etc… A terme, calculs et ordinateurs quantiques révolutionneront peut-être encore nos sociétés.
Sur un plan plus fondamental, le magnétisme est un terrain de prédilection pour revisiter, voire aller au-delà des paradigmes de la physique de la matière condensée, la théorie de Landau des transitions de phase, et la théorie des liquides de Fermi. La théorie des transitions de phase est pourtant un concept d’une redoutable efficacité, d’une portée très générale en physique, créant des ponts avec la théorie des champs, la cosmologie, etc. Avec la notion de brisure spontanée de symétrie, la théorie des transitions de phase s’est avéré un outil puissant pour trier, classer et comprendre des modèles complexes. De la même manière, la théorie des liquides de Fermi est une théorie efficace permettant de traiter le rôle des interactions entre fermions. Ce modèle permet de décrire les propriétés de métaux quasiment comme celles d’un gaz d’électrons sans interaction, mais où les vrais électrons sont remplacés par des quasi-particules (électrons habillés par les corrélations). Toutefois, la physique d’aujourd’hui tente d’aller au-delà de ces concepts.
De nouvelles questions sont ainsi apparues, et avec elles les notions de confinement, les notions d’excitations caractérisées par des nombres quantiques fractionnaires, la notion de transition de phase topologiques. De la même manière, dans certains matériaux, des anomalies sont observées remettant en cause notre compréhension des liquides de Fermi, notamment les nouveaux supraconducteurs ou les systèmes dits « Kondo ». Ces observations mettent en exergue le rôle des interactions coulombiennes entre électrons, que l’on nomme sous le terme général de « corrélations », lesquelles ouvrent la voie vers de nouveaux concepts.
La diffusion des neutrons joue un rôle central dans la compréhension des propriétés magnétiques. Sensible aussi au volume (et non pas seulement aux surfaces), aux moments magnétiques ainsi qu’à leur corrélations statiques et dynamiques, la diffusion des neutrons constitue une sonde expérimentale de premier plan pour étudier le magnétisme et par voie de conséquence, pour explorer cette nouvelle physique. Elle permet, par exemple, de déterminer les structures magnétiques complexes avec une précision inégalée, de caractériser et modéliser les interactions magnétiques grâce à la diffusion inélastique des neutrons, ou de sonder les propriétés magnétiques des systèmes moléculaires et nanométriques. Ces capacités d’investigations sont uniques et constituent un atout majeur de la diffusion des neutrons (l’information magnétique est du même ordre de grandeur que l’information structurale pour les neutrons alors qu’elle est au moins 10.000 fois plus faible pour les rayons X).