Dans les manganites La1-xBxMnO3 (B=Ca, Sr) connus pour leurs propriétés de magnétorésistance « colossale », l’état ferromagnétique, précurseur de l’état métallique, apparaît très original. Dans le domaine de concentration autour de x=1/8, soit 0.125£xCa£0.22 et 0.1£xSr£0.17 précédant l’état métallique (xCa³0.22, xSr³0.17) ces composés, ferromagnétiques, présentent un comportement « quasi-métallique » en-dessous de TC , en accord avec la théorie du double-échange, puis, à plus basse température, une nouvelle transition vers un état isolant. La théorie du double-échange qui associe la métallicité au ferromagnétisme apparaît donc insuffisante pour décrire cette évolution. Des mesures de diffusion inélastique de neutrons dans quatre composés (xCa =0.17, 0.2 et xSr=0.125 et 0.15), révèlent que l’état ferromagnétique quasi-métallique est déjà très anormal. Dans tous les composés étudiés, le spectre d’ondes de spin n’est dispersé que dans le domaine des grandes longueurs d’ondes ou à petit q. Au-delà de q=0.25, il apparaît éclaté en différents niveaux d’énergie constante, à des valeurs sous-multiples du niveau de plus grande énergie. Une interprétation de ces excitations est proposée en termes d’ondes de spin confinées dans des nano-amas ferromagnétiques identiques, ce qui indique une ségrégation de charge particulière. A partir des énergies des niveaux, la taille et le couplage magnétique interne des amas sont déterminés. La forte anisotropie du couplage magnétique, caractéristique du composé pur LaMnO3, révèle la nature pauvre en trous, isolante, des amas, permettant de suggérer des chemins riches en trous, métalliques, comme frontières. La transition métal-isolant qui se produit à basse température est associée à un repliement de la courbe d’ondes de spin à q=1/8, caractéristique d’un nouvel ordre présentant des similarités avec une image de « stripes », qui, jusqu’à présent, était réservée aux composés antiferromagnétiques.
Laboratoire Léon Brillouin (CEA-CNRS)