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Explorer la matière nécessite des faisceaux sondes de lumière (photons lasers, rayons X…), de neutrons, d’électrons, voire d’atomes, de molécules ou d’ions. Chaque type de faisceau interagit de façon très spécifique avec la matière : les rayons X sont fortement diffusés par les éléments lourds, tandis que les neutrons présentent le grand avantage d’être fortement diffusés par les éléments légers et sont sensibles au magnétisme.
Les faisceaux de neutrons sont ainsi devenus un outil analytique important des scientifiques dans les domaines aussi divers que la physique et la chimie de la matière condensée, la science des matériaux et de la matière molle, les sciences de la vie ou encore la géoscience. Ils sont aussi utilisés comme sonde dans de nombreux domaines industriels, l’identification de matériaux, la radiographie, la validation de résistance aux rayonnements, la qualification d’assemblages métallurgiques…
Les techniques de diffusion neutronique permettent de sonder à des échelles extrêmement larges, de taille, jusqu’à des dimensions sub-atomiques, et d’énergies, jusqu’au nano electron-volt (voir Figure).
Les larges échelles de taille et de temps couvertes par les études par des faisceaux de neutrons.
Cependant, les sources de neutrons sont peu lumineuses. Lorsque des flux importants de neutrons sont nécessaires, il faut actuellement recourir à des infrastructures de grandes tailles tels que des réacteurs de recherche ou des sources à spallation. Ces installations produisent de très grandes quantités de neutrons (jusqu’à 1018 neutrons par seconde) dont seule une fraction infinitésimale est effectivement utilisée pour générer les faisceaux utiles. Cela est lié au fait que les neutrons sont produits au sein du combustible ou de la cible dans des volumes importants et émis dans des directions aléatoires.
Depuis quelques années, plusieurs instituts dont l’IRAMIS, modélisent les performances ultimes d’une source de neutrons dont on pourrait réduire la taille à un volume de l’ordre de 1 litre (partie cible + modérateur). Ce volume est à comparer à un volume typique de l’ordre du mètre cube dans un réacteur de recherche. La réduction du volume source permettrait de largement augmenter la brillance des sources de neutrons. Les modélisations numériques de ces sources compactes pointent vers des performances potentielles équivalentes à celle d’un réacteur de recherche ou d’une source à spallation de puissance moyenne.
Ces travaux permettent d’envisager la construction d’une 3ème génération de sources de neutrons (après les réacteurs de recherche dans les années 1950 et les sources à spallation dans les années 1970), que l’on dénomme « HiCANS », pour « High-Current Accelerator – driven Neutrons Sources ». Ces sources utiliseraient les développements récents dans le domaine des accélérateurs de protons à basse énergie (quelques dizaines de MeV) qui peuvent maintenant opérer à des courants de protons de l’ordre de 100 m. Par diffusion sur une cible, ces protons sont partiellement convertis en neutrons, qui sont ensuite modérés en énergie (i.e. leur longueur d’onde) selon l’expérience souhaitée. A ces avancées s’ajoutent d’autres développements sur la meilleure compréhension des phénomènes de modération des neutrons et les nouvelles techniques d’instrumentation neutronique qui maximisent l’utilisation des neutrons.
Exemple d’une installation de diffusion neutronique de type HiCANS. La surface de l’installation est inférieure à celle d’un terrain de football avec un accélérateur d’une longueur de 20 à 30 mètres.
Ces sources ne visent pas à obtenir des performances ultimes mais à construire des sources « accessibles » à l’échelle d’un pays, et qui ne recourent ni à la construction de réacteurs nucléaires coûteux, ni à la construction d’accélérateurs à haute énergie.
Cette proposition technologique a conduit à des réflexions dans différentes instances [1]. La DRF, pôle de recherche fondamentale du CEA, a engagé un programme de R&D sur le sujet depuis plusieurs années, en particulier autour de la plate-forme PHI-Neutrons [2]. Ces travaux ont conduit à la rédaction d’un livre blanc sur la proposition de construction d’une nouvelle source de diffusion neutronique française, ICONE, qui utiliserait la technologie des HiCANS [3]. En 2024, le CEA et le CNRS ont lancé la rédaction d’un Avant-Projet Détaillé autour de ce projet. Cette installation aurait pour vocation de servir la communauté française des utilisateurs des techniques neutroniques, forte d’un millier de chercheurs environ répartis sur plus de 300 laboratoires français.
Références :
[1] Low-energy accelerator-driven neutrons sources (LENS Report, 2020) ; Compact Accelerator-based Neutron Sources (IAEA TECDOC 1981, 2021)
[2] Les développements instrumentaux peuvent être suivis sur « ICONE : an accelerator-driven neutron source » et « The IPHI-Neutron platform« .
[3] ICONE, une nouvelle source de diffusion neutronique française (2023)
Contact CEA-IRAMIS : Frédéric OTT (LLB/INFRA)
Ce travail est réalisé en collaboration avec l’IRFU (contact Jérôme Schwindling IRFU/DACM) et le Forschungs Zentrum Jülich (Contact : Paul Zakalek, FZJ, Jülich Center for Neutron Scattering).