Génération  d’impulsions lumineuse de vitesse arbitraire et contrôlée

Génération d’impulsions lumineuse de vitesse arbitraire et contrôlée

Fort de l'expérience développées ces dernières années en simulation de la tranmission d'impulsions lumineuses ultra-courtes à travers des systèmes optiques simples ou relativement complexes, l'équipe PHI du Lidyl propose une méthode pour modifier à volonté et de façon conséquente la vitesse de propagation du maximum d'intensité d'une impulsion lumineuse, cette vitesse pouvant même devenir négative !

Le dispositif proposé est simple et consiste à jouer sur le large domaine spectral que présente une impulsion courte (femtoseconde : 10-15 s) et le chromatisme du dispositif. Les avancées dans ce domaine sont rapides puisqu'une équipe américaine a déjà réussi à mettre expérimentalement en évidence le phénomène. Cette nouvelle possibilité de façonner les impulsions lumineuses a de multiples applications potentielles : accélération de particules, physique des plasmas, expériences résolues en temps à l'échelle sub femtoseconde…

Les dispositifs optiques usuels, tel qu'une simple lentille pour focaliser un faisceau lumineux, permettent de contrôler les propriétés spatiales de la lumière,. Des outils très sophistiqués sont aujourd’hui disponibles pour cette manipulation spatiale, tels que les miroirs déformables ou les ‘modulateurs spatiaux de lumière’. Il est aujourd'hui aussi possible de contrôler les propriétés temporelles de la lumière, avec le développement d'outils permettant de ‘façonner’ le profil temporel d’impulsions laser ultracourtes, tels que les modulateurs acousto-optiques programmables, ce qui ouvre en particulier la voie au contrôle cohérent de la dynamique de systèmes quantiques, au moyen d’impulsions laser mises en forme temporellement.

L’un des défis actuels en optique est de parvenir à contrôler simultanément les propriétés spatio-temporelles de la lumière, c’est-à-dire à mettre en forme la structure d’une impulsion lumineuse –en pratique, une onde laser– sans que ses degrés de liberté spatiaux et temporels soient nécessairement découplés. De nombreux résultats de recherche récents tendent à montrer que des faisceaux laser ainsi mis en forme peuvent fournir des moyens très fins de contrôler ou de sonder la matière. Ainsi, en microscopie non-linéaire, l’utilisation de faisceaux ainsi structurés de façon à obtenir un effet de « focalisation simultanée spatiale et temporelle’ »permet d’augmenter le champ spatial d’observation, sans altérer la résolution longitudinale (profondeur de champ). En physique ultrarapide, une mise en forme spatio-temporelle simple d’un faisceau laser femtoseconde permet d’induire une rotation extrêmement rapide (au delà de 1012 rad/s) de la direction de propagation de la lumière au foyer du faisceau, ce qui peut être exploité pour générer des impulsions lumineuses isolées par l’effet dit de « phare attoseconde ».

Principe de la génération d'impulsions « à dérive de fréquence avec chromatisme longitudinal » ou « Chirped pulses with longitudinal chromatism – CPLC »', donnant lieu à un pic d’intensité de vitesse contrôlable au niveau du foyer de la lentille.

Dans ce contexte, le projet européen ERC ExCoMet a pour objectif d’étudier et de démontrer comment des faisceaux laser femtosecondes structurés spatio-temporellement peuvent être exploités pour contrôler la dynamique de l’interaction laser-plasma à ultra-haute intensité, et ainsi les propriétés des faisceaux de particules et de lumière produits par ces interactions. Ainsi, nous avons récemment identifié par simulation une mise en forme spatio-temporelle permettant de produire des impulsions lasers ultra-brèves pour lesquelles la vitesse de propagation dans le vide, du pic d’intensité au niveau du foyer peut être contrôlée sur une très large gamme : de façon remarquable, des impulsions lumineuses se propageant à une vitesse très différente de c, éventuellement variable dans le temps (faisceau accélérant), et même à une vitesse négative (le pic lumineux se déplace alors vers la source de lumière), peuvent ainsi être obtenus [1].

La façon d’obtenir ces pics lumineux de vitesse contrôlée peut se comprendre assez intuitivement, et peut être réalisé expérimentalement de façon relativement simple – de fait, la première mise en évidence expérimentale vient d’être publiée par une équipe américaine [4]. La première étape consiste à focaliser une impulsion laser ultrabrève (couvrant donc un spectre très large) au moyen d’une optique chromatique (par exemple, l’une des optiques les plus simples qui soit : une unique lentille en verre dispersif). Les différentes fréquences de l’impulsion sont alors focalisées à différentes positions longitudinales z(ω) (chromatisme longitudinal). Par ailleurs, comme expliqué en introduction, nous disposons aujourd’hui d’outils très performants pour disperser dans le temps de façon parfaitement contrôlée le temps d’arrivée t(ω) des différentes fréquences constituant une impulsion laser. En combinant ces deux effets on peut donc choisir l’instant d’arrivée t(z) du pic d’intensité du laser, formé par la fréquence ω, au point z le long de l’axe optique : autrement dit, on contrôle le mouvement longitudinal du pic d’intensité formé par l’impulsion focalisée. Pour obtenir différentes vitesses, il suffit de changer, avant focalisation, les temps d’arrivée des différentes fréquences le long de l’impulsion laser (cf. figure 2).

Cet effet a été appelé « focalisation glissante » (« sliding focus », ou « flying focus » pour nos collègues américains), car un calcul analytique montre que le faisceau peut être décrit comme le produit de l’impulsion laser mise en forme temporellement, qui se déplace à la vitesse de la lumière c, et d’une enveloppe spatiale décrivant la focalisation, qui se déplace à une vitesse très différente. L’effet résultant donne un pincement spatial du faisceau laser, qui glisse le long de l’enveloppe temporelle normale de l’impulsion, à une vitesse contrôlable.

Propagation du pic d’intensité d’impulsions CPLC autour du foyer. Dans tous les cas, le chromatisme longitudinal est le même, mais différentes mises en forme temporelle sont utilisées pour changer la vitesse du pic d’intensité. a) Pic se propageant à c. b) Pic se propageant à 0.7c. c) Pic de vitesse négative, v=-c. d) Pic à vitesse variable (accélérant).

De telles impulsions présentent de nombreux intérêts potentiels (voir par exemple [2,3], notamment pour l’accélération de particules par laser : le fait de pouvoir contrôler la vitesse du pic d’intensité permet en effet de potentiellement mieux ‘capturer’ et maintenir les particules du plasma au coeur de l’impulsion laser. Pour de telles applications, une difficulté potentielle reste cependant la présence d’effets optiques non-linéaires lors de la propagation dans le plasma, qui distordent le faisceau laser, ce qui pourrai compromettre le contrôle de vitesse –qui pour le moment a uniquement été analysé pour une propagation linéaire.


Références :

[1]  » Controlling the velocity of ultrashort light pulses in vacuum through spatio-temporal couplings »
A. Sainte–Marie O.Gobert and F. Quéré, Optica 4, 1298-1304 (2017).

[2] “Ionization waves of arbitrary velocity driven by a flying focus”
J. P. Palastro, D. Turnbull, S.-W. Bahk, R. K. Follett, J. L. Shaw, D. Haberberger, J. Bromage, and D. H. Froula, Phys. Rev. A 97, 033835 (2018)

[3] “Raman Amplification with a flying focus”
D. Turnbull, S. Bucht, A. Davies, D. Haberberger, T. Kessler, J. L. Shaw, and D. H. Froula, Phys. Rev. Lett. 120, 024801 (2018)

[4] “Spatiotemporal control of laser intensity”
D. H. Froula, D. Turnbull, A. S. Davies, T. J. Kessler, D. Haberberger, J. P. Palastro, S.-W. Bahk, I. A. Begishev, R. Boni, S. Bucht, J. Katz & . L. Shaw, Nature Photonics (2018).

Contact CEA : Fabien Quéré, LIDYL/PHI.

Recherche financée par le projet européen ERC ExCoMet (2016-2021), ID: 694596.

Collaboration :