Dynamiques de relaxation ultrarapides dans les nanostructures colloïdales de pérovskite

Dynamiques de relaxation ultrarapides dans les nanostructures colloïdales de pérovskite

Dans les cellules photovoltaïques, l'absorption d'un photon par un matériau semi-conducteur crée une paire électron-trou (appelée exciton), résultant de l’excitation d’un électron de la bande de valence vers la bande de conduction. Si l'énergie du photon absorbé est supérieure à celle de la bande interdite du semi-conducteur, la paire électron-trou formée possède un excès d’énergie qui sera rapidement dissipé, typiquement sous forme de chaleur (relaxation aux bords de bande). Extraire les porteurs de charge « chauds » (c.à.d. avant leur relaxation) pourrait permettre de doubler l’efficacité des dispositifs photovoltaïques.

Dans les dispositifs lumineux tels que les LEDs ou lasers, une relaxation rapide des porteurs chauds est plutôt recherchée. Il est ainsi important de comprendre les mécanismes de relaxation électronique.

Pour toutes ces applications, les matériaux pérovskites halogénées présentent des propriétés optiques et électroniques particulièrement intéressantes. Ces propriétés ont récemment été aussi étudiées dans le cas de nanostructures, où les effets de confinement modifient de manière radicale la structure électronique du matériau, ce qui doit influer sur les taux de relaxation. Dans l’équipe DICO du LIDYL, le rôle du confinement quantique sur la relaxation a été exploré par une expérience de spectroscopie optique femtoseconde (1 fs = 10-15 s) : dans des nano-plaquettes de pérovskite de quelques monocouches d’épaisseur, il est montré que le temps de relaxation reste très court (quelques centaines de fs). Alors que l'écartement des niveaux électroniques induit par la nanostructuration devrait atténuer la principale source de dissipation via le couplage avec les phonons, ces résultats mettent en évidence qu'un autre chemin de relaxation particulièrement efficace en confinement fort existe et qui semble liée aux ligands en surface de ces nanostructures colloïdales.

Les pérovskites halogénées de formule générale ABX3, suscitent un fort engouement du fait de leurs propriétés opto-électronique, notamment sous leur forme halogénée, où A+ est un cation, B un métal divalent, et X un anion halogénure (I, Br ou Cl). Une excitation optique d'(énergie supérieure au gap dans ces semi-conducteurs polaires conduit à la formation d'une paire électron-trou, avec une énergie excédentaire. Dans ce cas, une relaxation a ensuite lieu, typiquement sous forme de cascade de désexcitation, par émission successive de phonons, jusqu’à dissipation totale de l’excès d’énergie. Le temps de relaxation dépend de cet excès d’énergie, mais aussi de la densité d’excitation.

Dans le cadre du projet ANR « CaMPUUS » d'Accueil de Chercheurs de Haut Niveau (ACHN) (collaboration avec le groupe ATTO du LIDYL), la relaxation sub-picoseconde des paires électron-trou dans les nanostructures de pérovskite colloïdales a été étudiée sur la plateforme laser Sofockle par une technique d'absorption transitoire. Celle-ci consiste à mesurer la différence d'aborption ΔA(λ,t) de l’échantillon, mesurée à partir du spectre transmis d'une impulsion laser large bande, précédée ou non d'une impulsion pompe, et en fonction du retard t variable entre les 2 impulsions. Les spectres sont enregistrés à une cadence de 3 kHz et les dynamiques associées mesurées avec une résolution temporelle d’environ 90 fs.

Évolution temporelle des spectres d’absorption transitoire des nano-plaquettes FA-Pb-I, après excitation par une impulsion laser à 400 nm.
À gauche : données expérimentales (après corrections), avec en encart la carte 2D t- λ complète. À droite : modélisation de la relaxation entre l’état « chaud » (courbe rouge), présentant un élargissement du pic d’absorption dû à l'effet Stark, vers l’état final relaxé (courbe rose), présentant essentiellement une atténuation de l’absorption. Le temps caractéristique est de 1/k1 = 270 fs.

Pour cette étude, nous avons d’abord développé des synthèses de nanostructures de pérovskite colloïdales dispersées en solution : des nanocristaux FAPbI3 (FA= formamidinium) à faible confinement quantique (taille environ 11 nm), ainsi que des nanoplaquettes bidimensionnelles de composition et d’épaisseurs variables définies à la monocouche atomique près (0,6 à 1,8 nm). Les mesures d’absorption transitoire sont ensuite analysées par une méthode d’ajustement spectral et cinétique globale (voir figure) afin d’en extraire les temps de relaxation. En effet, l'effet Stark important et la discrétisation des niveaux électroniques dans ces systèmes confinés empêche l'utilisation des méthodes classiques d’analyse comme l’extraction de la température des porteurs de charge.

La réduction de taille des objets jusqu'à l’échelle nanométrique, entraine un espacement des niveaux électroniques qui peut devenir bien supérieur à l’énergie typique des modes de vibration. Ce désaccord énergétique avec les phonons devrait alors entraîner un allongement des temps de relaxation (effet « phonon bottleneck »), l'émission multiphononique et parfaitement résonnante étant peu probable. Cependant, les constantes de temps mesurées montrent une relaxation qui reste ultra-rapide et devenant même plus courte pour les nanostructures les plus confinées. Ce résultat peut être expliqué par le couplage croissant de l’exciton (paire —électron-trou) avec les modes de vibrations des ligands ammoniums présents en surface des nanostructures. Ce couplage se renforce d'autant plus que la fonction d’onde de l'exciton est délocalisée hors de la structure cristalline.

En perspective, ce travail montre ainsi l'importance de mieux contrôler les effets de surface, pour maitriser la relaxation des porteurs chauds, et améliorer ainsi les dispositifs photovoltaïques, où l'on recherche des temps de relaxation longs, ou les dispositifs d'émission de lumière (LED ou laser), où l'on recherche des temps de relaxation rapides.

Ce travail fait partie du travail de thèse de Carolina Villamil Franco (ED 2MIB 2017-2020).


Contact ERL LIDYL/DICO CEA-CNRS : Elsa Cassette.

Collaboration :

Plateforme Laser Sofokle.