... Cordes et supercordes, ou le rêve d'Einstein
JANVIER 1990 N°3
En 1934, Wigner prédit, dans le régime quantique, une transition liquide-solide dans un plasma d'électrons à deux dimensions. Cette transition a été observée pour la première fois par une équipe du S.R.M.
A température proche du "zéro absolu", les propriétés physiques d'un plasma d'électrons confiné à deux dimensions varient de façon spectaculaire en fonction de la densité surfacique ns et du champ magnétique perpendiculaire à la surface H.
En champ et température nuls et pour une densité importante, l'énergie cinétique des électrons (énergie de Fermi proportionnelle à ns) domine la répulsion coulombienne et impose un état liquide. On peut imaginer que chaque électron, ne pouvant être dans le même état que son voisin, s'agite dans l'espace qui lui est laissé par les autres (Fig. 1-A).
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Quand la densité diminue, l'interaction Coulombienne entre les électrons qui est proportionnelle à ns1/2 devient prédominante. Les électrons restent alors suffisamment loin les uns des autres et s'ordonnent (Fig. 1-B) : un cristal est formé.
Si le liquide de Fermi est bien connu, il n'existe pas encore de système de densité faible où la solidification peut être observée.
En présence d'un champ magnétique H, la force de Lorentz, en obligeant chaque électron à décrire une orbite cyclotron fermée de rayon inversement proportionnel à ce champ (ils oublient de s'agiter car ils doivent tourner), va donner le coup de pouce nécessaire pour que l'interaction coulombienne devienne prépondérante (Fig. 1-C ou 1-D), et ordonne le centre des orbites.
Le paramètre important est n = (ns/H)(hc/e) appelé facteur de remplissage : n est le nombre d'électrons par site occupé par un quantum de flux Øo = h/e.
Pour n très grand (champ faible), nous avons un liquide.
Pour n de quelques unités, l'état fondamental reste liquide mais les électrons sont répartis sur des niveaux discrets d'énergie (niveaux de Landau) très dégénérés. Seul un faible désordre lève cette dégénérescence. Un effet spectaculaire apparaît : l'effet Hall quantique (voir encadré).
Lorsque n diminue encore (n < 1), des électrons indépendants occuperaient des états ayant tous la même énergie (niveau de Landau fondamental), mais en réalité la dégénérescence est levée par l'interaction coulombienne : on obtient un liquide très corrélé qui permet l'existence de l'effet Hall fractionnaire. Cet effet est maintenant compris comme un effet collectif des électrons : le champ magnétique localise partiellement ces particules, ce qui leur permet d'être corrélées sous l'action de la force de Coulomb. Nous avons là un effet précurseur de la solidification.
A plus haut champ, pour n = nc << 1, les électrons s'ordonnent en un état cristallin.
Afin de diminuer l'effet de désordre (on aimerait obtenir un cristal et non un "verre" d'électrons), des hétérojonctions GaAs/GaAlAs ultra pures ont dues être réalisées (Laboratoire de Microélectronique et de Microstructures, CNRS Bagneux). Un plan d'électrons, de densité de l'ordre de 1011e/cm2 a pu être obtenu à l'interface de la jonction. Le champ critique Hc correspondant à nc est inférieur à 30 teslas, ce qui est tout juste dans la limite actuelle des champs disponibles (S.N.C.I. Grenoble).
Une difficulté réside dans la caractérisation du solide à deux dimensions. La méthode choisie est d'appliquer une force de compression périodique produite par une onde électromagnétique propagée dans une ligne de transmission, et la force de Lorentz la transforme en force de cisaillement. La mesure de l'absorption par le système d'électrons de cette onde en fonction de sa fréquence permet de caractériser sans ambiguïté l'état solide. Le liquide répond de façon visqueuse, tandis que le solide répond élastiquement et manifeste une absorption résonante d'énergie à une fréquence donnée (Fig. 2).
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Des mesures à très basse température (< 80 mK) et à champ variable (de 0 à 28 teslas) ont permis de tracer un diagramme de phase pour un tel système (Fig. 3). La très basse température est nécessaire pour empêcher l'agitation thermique de venir perturber l'état ordonné.
Référence :
La Recherche n°211, juin 1989.
Contacts :
C. GLATTLI, T. WILLIAMS, G. DEVILLE, DPhG / SRM.
B. ETIENNE, L2M, CNRS Bagneux.
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