remblement frémissant du baiser posé presque sur mes lèvres closes, pâle reflet de ce qui fut… presque ! Je pourrais essayer, comme Rimbaud, de fixer des vertiges
« J’ai heurté du regard l’âme transparente des Dieux »
Écrire mes délires, ou mes rêves, ou les deux
» Les yeux brûlés par l’or pourpre des résédas mourants «
Ne plus penser, juste jeter sur ces pages quadrillées le trouble de mon corps, la tristesse vague aussi qui palpite là.
« La neige jetait ses feux sur l’arche de cristal de mon cri. J’ai hurlé en silence, et bu, à chaudes larmes, la saveur sucrée des étoiles… »
Je pourrais… Mais ce soir, je ne sais plus, je ne vois plus, moi la pauvre voyante aux yeux aveugles , j’ai perdu mon pouvoir magique, celui d’imaginer la seconde prochaine
« La veste usée du temps traînait sur mon fauteuil. Je l’ai prise et l’ai serrée, les yeux clos, attentive à la trame élimée et aux trous du passé. Le futur a jailli d’une poche comme un diable qu’on tire »
Où est passé mon miroir ? Pourquoi tant de noir, tant de gris ? Où sont passés mes compagnons de jeux, nuages, fées ou dragons renâclants ?
« Un chevalier doré, harnaché de turquoise, joutait dans mon jardin. De son glaive lourd et constellé de vermeil, il m’a touché l‘épaule comme pour me rappeler ma mission. J’ai tiré de mon sein le papier argenté, et je l’ai déchiré, riant à pleines dents, en volant, sur la lice… »
Ce soir, tout redevient comme avant. Les jours reprennent la place des nuits, les nuits s’enfuient comme des jours et me volent mes cauchemars…
« L’apothéose rose du délire violet a éclaboussé le lac où je nageais. Un oiseau a ri, et a bu de son bec argenté la coupe que je lui ai tendue en tremblant..Pourquoi ne m’a-t-il pas rendu la clé ? »
O châteaux ! O déserts. Elle est revenue, l’Éternité, cette Éternité longue comme un jour sans toi… Les heures s’étirent maintenant, à attendre Dieu sait quoi
« A compter dans les coups du beffroi combien de mésanges reviendront cet été, à compter dans le tic-tac du gousset de grand-père combien de nains perdront leurs bonnets bleus et si le ciel retrouvera Altor »
Il faut clore le livre, le vieux grimoire jauni où ma vie s’est écrite, à pleines larmes, et rire, à la face du désespoir !
« où le bateau de sable tangue dans le vent noir… »