En spectroscopie moléculaire UV, les spectres observés résultent de l’absorption de la lumière par des groupes moléculaires appelés « chromophores ». Dans ce domaine de longueur d'onde, ces spectres sont composés de raies correspondant aux transitions électroniques qui caractérisent à la fois ces chromophores et leur environnement moléculaire. Les chromophores peuvent être ainsi utilisés comme sonde locale de leur environnement, mais l’information contenue dans les spectres UV reste souvent peu accessible et donc sous-exploitée.
L’équipe « Lumières et Molécules – LUMO » du LIDYL a développé une nouvelle approche facilitant l’interprétation des spectres UV [1]. Celle-ci repose sur la corrélation entre les transitions électroniques mesurées et les champs électriques, calculés, produits par l’environnement moléculaire des chromophores UV. Illustrée par des travaux portants sur une série de paires d’ions modèles en phase gazeuse, cette approche originale permet d’interpréter des transitions séparées de quelques cm-1 pour un effort de calcul relativement modeste, permettant d’envisager son application à des systèmes plus grands en phase condensée [1].
La spectroscopie électronique est une technique largement répandue pour caractériser la matière où des chromophores UV sont présents. Leurs spectres, sensibles à leur environnement, permettent de sonder de multiples propriétés moléculaires. Toutefois, l’interprétation quantitative des déplacements spectraux demeure souvent hors d’atteinte en raison de la difficulté des meilleures méthodes de chimie quantique à calculer les transitions électroniques de molécules simples avec une précision suffisante [2].
Les déplacements spectraux induits par une variation de champ électrique (effets Stark) peuvent cependant être calculés [3], comme dans le cadre de la spectroscopie Stark en champ homogène [4]. De nombreuses applications en découlent, comme l’utilisation des chromophores UV pour suivre les migrations de charges (photosynthèse [4], appariement d’ions [5]…), ou pour concevoir des capteurs fluorescents sensibles au champ électrique [6].
Dans ce contexte, l’équipe « Lumières et Molécules » (LUMO) du LIDYL a développé une approche théorique originale permettant de calculer précisément le champ électrique généré par l’environnement sur un chromophore UV [7]. Appliquée à une série de paires d'ions entre anions carboxylates et cations alcalins, cette approche a permis de corréler le champ électrique calculé aux transitions électroniques expérimentales obtenues par spectroscopie laser en phase gazeuse. Cette corrélation s’est avérée suffisamment précise pour identifier complètement la structure des différentes conformations de ces systèmes [1]. Des transitions séparées de quelques cm-1 (1 cm-1 = 0.12 meV) ont ainsi pu être attribuées, là où les calculs de transitions électroniques n’ont qu’une précision de l’ordre de ~ 100 cm-1. En plus du gain de précision, l’économie en temps de calcul est aussi appréciable en raison du coût relativement modeste d’un calcul de champ électrique à l’état fondamental.
Enfin, en apportant des informations structurales à partir de la seule spectroscopie UV, cette approche peut commodément compléter, voire remplacer d’autres techniques comme la spectroscopie IR. Cette approche ouvre ainsi la voie à une meilleure exploitation des spectres UV, en phase gazeuse comme en phase condensée [1].
Ces résultats ont été obtenus dans le cadre du projet IONPAIRS (ANR-16-CE29-0017). |
Références :
[1] « Conformational analysis by UV spectroscopy: the decisive contribution of environment-induced electronic Stark effects »,
J. Donon, S. Habka, M. Mons, V. Brenner & E. Gloaguen Chem. Sci. (2021) 12 2803
[2] « CC2 Benchmark for models of phenylalanine protein chains: 0-0 transition energies and IR signatures of the pp* excited state »
M.S. Dupuy, E. Gloaguen, B. Tardivel, M. Mons & V. Brenner J. Chem. Theory Comput. (2020) 16 1 601
[3] « Color hues in red fluorescent proteins are due to nternal quadratic Stark effect »
M. Drobizhev, S. Tillo, N.S. Makarov, T.E. Hughes & A. Rebane J. Phys. Chem. B (2009) 113 39 12860
[4] « Stark Realities », S.G. Boxer, J. Phys. Chem. B (2009) 113 10 2972
[5] « Direct probing of ion pair formation using a symmetric triangulenium dye »
F. Westerlund, J. Elm, J. Lykkebo, N. Carlsson, E. Thyrhaug, B. Akerman, T.J. Sorensen, K.V. Mikkelsen & B.W. Laursen Photochem. Photobiol. Sci. (2011) 10 12 1963
[6] « Electrochromic modulation of excited-state intramolecular proton transfer: The new principle in design of fluorescence sensors »
A.S. Klymchenko & A.P. Demchenko J. Am. Chem. Soc. (2002) 124 41 12372
[7] « Electronic stark reffect in isolated ion pairs »
J. Donon, S. Habka, V. Vaquero-Vara, V. Brenner, M. Mons & E. Gloaguen J. Phys. Chem. Lett. (2019) 10 23 7458.
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Contact CEA-IRAMIS : Eric Gloaguen (LIDYL/LUMO).