Si un aimant peut être « permanent », la dynamique des spins à l'origine de l'aimantation peut être ultra-rapide à l'échelle nanométrique, dans le domaine femtoseconde (10-15 s). Les possibilités actuelles de génération d’impulsions ultra-brèves dans le domaine X-UV ouvrent de nouvelles perspectives pour les études dans ce domaine. Elles permettent en particulier d'observer, à cette échelle de temps et à des échelles spatiales de l'ordre de la longueur d'onde (< 100 nm), la réponse d'une structure nanométrique magnétique soumis à une stimulation externe. Il devient par exemple possible d'étudier la dynamique ultra-rapide de la perte d'aimantation sous l'effet d'une forte irradiation lumineuse, sur des échantillons magnétiquement nanostructurés (multicouches de cobalt– palladium). Ces études, réalisées par une collaboration de physiciens franciliens associés à des physiciens de l'Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg (IPCMS), permettent de mieux comprendre la dynamique de spin, ouvrant ainsi la voie vers la réalisation de dispositifs magnétiques ultra-rapides.
Le développement de nouvelles sources laser capables de générer des impulsions ultra-brèves (femto-, voire atto-secondes : 10-18 s) dans le domaine X-UV ouvre de nouvelles perspectives pour l'étude de la dynamique électronique dans les atomes, les molécules et la matière condensée. C'est en effet à cette échelle de temps que les électrons se réorganisent dans ces systèmes. C'est aussi à cette échelle de temps que les spins de ces électrons peuvent s'organiser ou s'inverser. Ainsi, en relation avec l'étude du magnétisme et de la spintronique, il est aujourd'hui central de disposer de tels moyens d'étude, avec une résolution temporelle de l'ordre de la femtoseconde (10-15 s) permettant d'explorer l'ensemble des phénomènes complexes individuels et collectifs associés à la dynamique de spin. Associées à l'étude des nanostructures proposées pour la réalisation de capteurs ou de support de stockage magnétique, ces recherches ouvrent la voie vers la réalisation de dispositifs à mémoires magnétiques ultra-rapides et de très haute densité.
Le système étudié est constitué de couches minces Co-Pd (de typiquement quelques dizaines de nanomètres d'épaisseur) qui présentent une aimantation perpendiculaire avec une structure périodique (antiferromagnétique) de 60 nm en moyenne.
Pour étudier la dynamique d'aimantation, sous l'effet d'une excitation laser entrainant une perte brutale d'aimantation, les chercheurs doivent faire face à un double challenge : avoir la résolution temporelle femtoseconde, tout en visualisant le système à une échelle spatiale nanométrique. Pour obtenir cette résolution spatiale, les physiciens franciliens ont utilisé la source d'harmoniques d'ordre élevé du LOA, délivrant des impulsions d'une durée d'environ 20 fs à une longueur d'onde de 20 nm. Le « réseau magnétique » se comporte exactement comme un réseau optique classique et diffracte, par effet magnéto-optique, l'onde laser X-UV incidente. En mesurant la forme et l'intensité des tâches de diffraction, on peut déterminer la taille et l'aimantation des domaines magnétiques.
En suivant, après excitation par l'impulsion infrarouge femtoseconde démagnétisante, l'évolution de l'aimantation du réseau de domaines magnétiques il a été possible de suivre pour la première fois la dynamique d'aimantation ultra-rapide d'un tel système à l'échelle nanométrique. Quantitativement, il est observé que l'aimantation des domaines diminue avec un temps caractéristique de 100 fs. Ceci est deux à trois fois plus rapide que dans les systèmes magnétiques homogènes (sans structuration en domaines magnétiques nanométriques).
Ce résultat ouvre la voie à une meilleure compréhension de la dynamique magnétique ultra-rapide et à des expériences d'un nouveau type combinant les échelles spatiale nanométrique et temporelle femtoseconde.
Référence :
B. Vodungbo1, J. Gautier1, G. Lambert1, A. Barszczak1,2, M. Lozano1, S. Sebban1, M. Ducousso3, W. Boutu3, K. Li4, B. Tudu4, M. Tortarolo4, R. Hawaldar4, R. Delaunay4,5, V. López-Flores5, J. Arabski5, C. Boeglin5, H. Merdji3, P. Zeitoun1, and J. Luning4
Nature Communications, 14 août 2012, 3 (2012) 999.
- Laboratoire d'Optique Appliquée, ENSTA ParisTech—CNRS UMR 7639—École polytechnique, Chemin de la Hunière, 91761 Palaiseau, France.
- Grupo de Lasers e Plasmas—Instituto de Plasmas e Fusão Nuclear, Instituto Superior Técnico, Av. Rovisco Pais, 1049-001 Lisbon, Portugal.
- CEA-Saclay, IRAMIS, Service des Photons, Atomes et Molécules, 91191 Gif-sur-Yvette, France.
- Laboratoire de Chimie Physique—Matière et Rayonnement, Université Pierre et Marie Curie—CNRS UMR 7614, 11 rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris, France.
- Institut de Physique et de Chimie des Matériaux de Strasbourg, CNRS UMR 7504—Université de Strasbourg, 23 rue du Loess, 67034 Strasbourg, France.
Contact CEA : H. Merdji.