Imagerie ultra-rapide par tir laser unique d’’objets nanométriques par diffraction cohérente de rayons X

Imagerie ultra-rapide par tir laser unique d’’objets nanométriques par diffraction cohérente de rayons X

Contact CEA : Hamed Merdji

Pour obtenir une image d'un objet, il suffit usuellement de l'éclairer et d'enregistrer la lumière diffusée qui parvient à un détecteur. Si l'image est formée à l'aide d'un objectif, l'optique utilisée impose de nombreuses limitations (résolution, aberrations…). Pour atteindre les résolutions ultimes : spatialement (fonction de la longueur d'onde du rayonnement utilisée) et temporellement (fonction de la durée du « flash »), une technique possible, sans optique, est la diffraction cohérente. En utilisant un faisceau cohérent comme celui d'un laser, on observe en effet une modulation du signal liée aux interférences, permettant de reconstruire numériquement l'image exacte de l'objet avec une précision inégalée. Pour atteindre des résolutions nanométriques voire atomique, on cherche donc à éclairer et enregistrer l'image avec un faisceau de rayons X cohérent (rayonnement laser de longueur d'onde nanométrique). Le faible éclairement moyen demande usuellement de longues accumulations sur plusieurs tirs lasers. Des progrès récents ont permis d'obtenir des images avec un seul tir femtoseconde (10-15 s) issu d'un laser de laboratoire, ouvrant la voie à des études résolues en temps.

Pour des arrangements réguliers d'objets élémentaires, la diffraction de Bragg dans le domaine X est une technique très puissante de caractérisation de la matière à l'échelle atomique. Elle constitue le principal outil de la cristallographie. L'information contenue dans la diffraction de Bragg est riche : si a est la taille caractéristique de l'objet élémentaire, alors les pics de Bragg sont distants de 1/a dans l'espace réciproque. Une partie de l'information est cependant perdue : en effet, la fréquence maximale à laquelle on peut échantillonner la figure de diffraction est inférieure à la fréquence de Nyquist (2a). En particulier, si l'objet élémentaire a une amplitude et une phase, la diffraction de Bragg ne permettra pas de déterminer la phase.

Alors que la diffraction de Bragg reste limitée aux arrangements périodiques d'objets, la diffraction cohérente permet d'imager en amplitude et en phase des objets non-périodiques, étendus et isolés. En effet, la figure de diffraction continue (fig. 1) permet un « sur-échantillonnage » à une fréquence supérieure au critère de Nyquist, qui autorise la reconstruction complète des profils d'amplitude et de phase de l'objet. La diffraction cohérente dans l'extrême-UV (XUV) et le domaine X nécessite un flux hautement cohérent (cohérence transverse) qui n'a pu être produit que récemment. Les premières études de « Coherent Diffraction Imaging » (CDI) ont utilisé le rayonnement synchrotron 3G (Miao Nature 1999). Les applications se sont ensuite étendues à des objets biologiques et des nanoparticules. Récemment, Chapman et al. (Nature Phys. 2006) ont imagé des objets nanométriques isolés, en utilisant une impulsion ultra-brève unique (l=30 nm, durée ~ 20 fs), délivrée par le Laser à Electrons Libres FLASH (TGI). Cette démonstration d'imagerie « en simple tir » ouvre des perspectives importantes en imagerie de systèmes isolés non périodiques (systèmes non cristallisables par exemple), tels que protéines isolées, cellules, virus, nanoparticules.

Fig. 1 : Ligne XUV pour la diffraction cohérente

Dans le groupe Attophysique du SPAM, l'équipe d'Hamed Merdji s'est proposé de relever le défi du CDI ultra-rapide sur la source harmonique [1], a priori moins brillante que FLASH, mais bien plus compacte (environ 10 m contre 350 m). La ligne de CDI installée sur le laser LUCA est schématisée en fig. 1. Le rayonnement harmonique généré dans un gaz est sélectionné spectralement (l=32 nm, énergie ~1 µJ à la source dans une impulsion de durée 20 fs), focalisé sur l'objet sous un diamètre de ~ 4 µm à l'aide d'une parabole hors axe. L'objet d'amplitude (fig. 2a) est gravé par un faisceau d'ions focalisé sur une membrane de 150 nm d'épaisseur (collab. Lab. Photonique et Nanostructures). La fig. 2b montre la figure de diffraction obtenue en seulement 40 tirs, et la reconstruction de l'objet. La résolution effective (~ 62 nm) est compatible avec la valeur attendue (R = l/NA ~ 30 nm, NA = D/L ouverture numérique). Notons que les seules études de CDI publiées utilisant la source harmonique (Sandberg PRL 2007) avaient demandé près d'un million de tirs ! L'équipe a poursuivi son effort et réalisé la CDI en simple tir (fig. 2c), égalant la performance de FLASH sur un laser de table.

Les développements récents ont déjà permis d'optimiser la CDI en simple tir. Nous nous intéressons maintenant à l'étude de systèmes dépendant du temps, tels que la dynamique d'aimantation à l'échelle nanométrique et femtoseconde (collab. J. Luning, LCPMR, ANR 2009 Femto-X-Mag).

Fig. 2 : a) Objet initial vu en transmission (gravure sur substrat par faisceau d’ions – collab. LPN). b) Figure de diffraction obtenue en 40 tirs et reconstruction avec une résolution effective de 62 nm (collab. Uppsala Univ.). C) Figure de diffraction obtenue en simple tir, reconstruction avec une résolution effective de 110 nm.

Référence :

[1] Single-shot diffractive imaging with a table-top femtosecond soft X-ray laser-harmonics source
A. Ravasio, D. Gauthier, F. Maia, M. Billon, J-P. Caumes, D. Garzella, M. Géléoc, O. Gobert, J-F. Hergott, A-M. Pena, H. Perez, B. Carré, E. Bourhis, J. Gierak, A. Madouri, D. Mailly, B. Schiedt, M. Fajardo, J. Gautier, P. Zeitoun, P. H. Bucksbaum, J. Hajdu and H. Merdji,
Phys. Rev. Lett. 103(2) (2009) 028104.

[2] Optics: Ultrafast X-ray photography
Margaret M. Murnane & Jianwei Miao
News and Views, Nature 460, (2009) 1088.