La dynamique cohérente des Miroirs Plasmas

La dynamique cohérente des Miroirs Plasmas

Fabien Quéré et le Groupe Physique à Haute Intensité (PHI) – IRAMIS – Service des Photons, Atomes et Molécules (SPAM)

Depuis l'invention du laser on cherche à obtenir des faisceaux de longueur d'onde de plus en plus courte, dans le domaine des rayons X. Une des manières de produire du rayonnement XUV est de focaliser un laser intense dans un milieu matériel. Celui-ci réagit à la très forte sollicitation extérieure de manière non-linéaire, ce qui se traduit par l’émission d’harmoniques d’ordres élevés de la fréquence fondamentale excitatrice.

On utilise depuis une quinzaine d’années des systèmes atomiques ou moléculaires pour jouer ce rôle de convertisseur de fréquence. C’est la génération d’harmonique dans les gaz (voir le fait marquant du 13 mai 08 : « Des molécules pour contrôler les impulsions lumineuses à l'échelle attoseconde« ). Ces harmoniques ont des propriétés temporelles et spatiales particulièrement intéressantes qui se traduisent dans le domaine temporel par la génération de trains d’impulsions attosecondes, et dans le domaine spatial par une excellente cohérence. En un sens, les propriétés de ce rayonnent XUV calquent celles du laser excitateur.

Depuis peu, une autre manière de générer ces fréquences élevées est en plein développement. Il s’agit d’utiliser la surface d’un solide, autrement appelé un « miroir plasma » (voir le fait marquant de septembre 2006 : « Les miroirs plasmas : de la physique des conditions extrêmes aux nouvelles sources de lumières« ) et d’y focaliser un laser de très haute intensité (>1017 W/cm2).

Cependant, dans ce cas, les propriétés de cohérence absolument nécessaires pour les applications, comme par exemple l’imagerie cohérente, n’avaient jamais été démontrées. Dans ce but, notre expérience utilise le laser UHI 10 TW (UHI : Ultra High Intensity) de Saclay. Un peigne permettant de moduler l'amplitude, calculé afin de générer après diffraction 3 taches sur la surface du miroir plasma, est placé dans le faisceau incident avant focalisation. L’intensité est maximale au centre et les deux taches latérales ont une intensité relative identique d'environ 40% par rapport au centre (voir figure 1). Chacun de ces spots génére des harmoniques d’ordres élevés que l’on laisse ensuite se propager librement sur une distance suffisante pour que les faisceaux légèrement divergents se recouvrent. Le résultat de cette superposition est montré sur la figure 2.

Dispositif expérimental : Un masque en forme de peigne sépare le faisceau incident (Laser UHI10TW de Saclay) en trois faisceaux qui sont focalisés sur le miroir. Le rapport d’intensité entre la tache centrale et les taches latérales est de 0.57, et elles sont séparées de 40 µm. La superposition spatiale des harmoniques générées par les trois faisceaux génère une figure d’interférence..

Comme le montre le profil spatial du faisceau harmonique en champ lointain, des interférences entre les trois sources sont observées avec un contraste presque parfait. Ce résultat simple démontre la cohérence entre les différentes sources harmoniques produites sur le miroir plasma. Il établit que, bien qu'il implique un milieu et un mécanisme de génération complexe, cette source d’harmoniques est cohérente, c'est-à-dire que les propriétés de phase de la lumière incidente sont préservées.

C'est à notre connaissance, la première preuve directe de la cohérence intrinsèque d'un processus de conversion en fréquence dans un plasma si dense. Ces propriétés peuvent être exploitées pour appliquer, dans la domaine XUV, et avec une excellente résolution temporelle, différentes techniques optiques très puissantes comme l’interférométrie ou l'holographie.

Cependant, pour démontrer tout le potentiel des harmoniques plasmas en termes de source de rayonnement, il reste à observer la structure attoseconde du champ généré. Une telle structure attoseconde peut d'ores et déjà être obtenue par génération d'harmoniques dans les gaz, mais les miroirs plasmas devraient permettre d'aboutir à des impulsions beaucoup plus intenses et courtes. Le groupe PHI travaille activement sur ce sujet.

Figure d’interférence des trois faisceaux XUV issus du même miroir plasma. Dans la coupe montrée à droite, on note un contraste de 80%.

Références :

Coherent dynamics of plasma mirrors
C. Thaury, H. George, F. Quéré, R. Loch, J.-P. Geindre, P. Monot, Ph. Martin
Nature Physics 4 (2008) 631.

Plasma mirrors for ultrahigh-intensity optics
C. Thaury, F. Quéré, J.-P. Geindre, A. Levy, T. Ceccotti, P. Monot, M. Bougeard, F. Réau, P. d'Oliveira, P. Audebert, R. Marjoribanks, Ph. Martin
Nature Physics 3 (2007) 424.

Attosecond plasma optics
Fabien Quéré, Nature physics, News & Views 5 (2009) 93.


Faits marquants précédents sur le sujet :

Les miroirs plasmas : de la physique des conditions extrêmes aux nouvelles sources de lumières (Septembre 2006)

Miroir Plasma : le miroir qui nettoie vos impulsions femtosecondes ! (Mai 2003)

Article généraliste sur le sujet :

Vers l'optique à ultra-haute intensité : l'exemple des miroirs plasmas
« Reflets de la physique » n°19 (mai 2010) 14, revue publiée par la SFP (Société Française de Physique) .