... Phases Magazine N° 18
Les vésicules aux cheveux de polymères

NOVEMBRE 1998 N° 19

 Les météorites, mémoire du système solaire


Photo 1 : Cette mosaïque sphérique est un chondre issu de la météorite de Renazzo*

Au Laboratoire Pierre Süe (LPS), géologues et physico-chimistes utilisent la micro-sonde nucléaire pour analyser la composition chimique des inclusions vitreuses, ces microscopiques gouttes de verre emprisonnées au cœur des météorites. 

Les observations effectuées dans certaines météorites montrent que ce sont des objets très primitifs formés dès la naissance du système solaire. Elles peuvent nous aider à comprendre les mécanismes d'accrétion à l'origine de la formation de corps planétaires en divers endroits de la nébuleuse solaire.

La plupart des météorites qui tombent sur la Terre sont des Chondrites. Ce nom dérive de structures inconnues dans les roches terrestres : les chondres (Photo 1). Ceux-ci sont constitués de silicates (olivines et pyroxènes), de verre, et de quantités mineures de ferronickel. Les chondrites dites carbonées sont considérées comme les météorites les plus primitives, en particulier parce qu'elles ont une composition élémentaire très proche de celle du Soleil. Dans les cristaux d'olivine présents dans les chondres, on observe des inclusions vitreuses de quelques dizaines de micromètres, emprisonnées dans la matrice du minéral (Photo 2).

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer l'origine de ces inclusions et pour comprendre leur mode d'incorporation dans les météorites.

En se basant sur les observations faites dans des matériaux synthétiques ou dans des minéraux terrestres, deux scénarios de formation ont pu être retenus. Le premier implique que la croissance des olivines s'est faite par condensation à partir de la phase vapeur formée dans la nébuleuse solaire : les inclusions seraient alors des condensats liquides de matière silicatée primitive. Dans le second, ces objets seraient des résidus de cristallisation d'une phase fondue, à l'instar des inclusions vitreuses dans les minéraux terrestres.


Photo 2 : Cristal d’olivine et inclusions vitreuses

Les analyses des éléments chimiques présents à l'état de traces nous ont permis de montrer la validité du premier scénario. Pour la première fois, on a montré que certaines des inclusions présentes dans les minéraux de la météorite de Renazzo* présentaient des rapports d'abondance élémentaire indiquant que leur origine est très primitive, et conduisant à penser qu'elles ont gardé la mémoire des processus divers qui se sont produits dans le système solaire, il y a environ 4,6 milliards d'années.

L'étude de l'azote et du carbone dans les chondrites, plus que celle d'autres éléments, peut contribuer à la compréhension des premiers stades de la formation du système solaire en raison de la sensibilité de ces éléments aux conditions physiques et chimiques qui régnaient au moment de la formation des minéraux des chondres. C'est dans des inclusions primaires (terme qui indique que les inclusions se sont formées en même temps que l'olivine) des chondrites carbonées Renazzo*, Kaba** et Allende*** qu'ont été entreprises les études de la répartition du carbone et de l'azote, éléments très proches l'un de l'autre du point de vue des abondances cosmiques.

La concentration en carbone et en azote dissous dans les différentes inclusions vitreuses et dans les minéraux hôtes a été mesurée grâce aux réactions nucléaires induites par les faisceaux de particules de la microsonde nucléaire (cf. Phases N°16).

Les mesures de concentration en azote indiquent des teneurs très importantes dans les inclusions vitreuses et dans les olivines. Une étude minutieuse de l'azote montre que cet élément n'est pas présent sous forme de nitrure, ce qui indiquerait des conditions très réductrices, mais qu'il est très faiblement lié chimiquement et vraisemblablement présent sous la forme d'espèces hautement volatiles, comme N2.

* Renazzo est tombée le 15/01/1824, en Italie

** Kaba est tombée le 15/04/1857, en Hongrie, près de la ville de Debreczen

*** Allende est tombée le 8/02/1969, au Mexique, près de la ville de Paral, dans l’état de Chihauhau.

Le carbone a un comportement très différent. Il ne peut rentrer dans la structure de l'olivine mais il peut être présent dans les inclusions vitreuses. Les teneurs en carbone varient d'un facteur 10 d'une inclusion vitreuse à l'autre dans les différentes olivines hôtes ou même au sein d'une unique olivine. Ces variations sont encore mal comprises mais, quelle qu'en soit la raison, il est vraisemblable que le carbone était présent au moment de la formation des inclusions vitreuses sous forme de SiC et de grains riches en carbone dont on sait qu'ils constituent l'essentiel de la poussière interstellaire.

Mieux comprendre l'ensemble de ces phénomènes en précisant en particulier la spéciation chimique du carbone et de l'azote dans les inclusions vitreuses devrait permettre de lever un coin du voile qui couvre encore les étapes initiales de l'accrétion de matière dans la nébuleuse solaire primitive, accrétion qui a conduit à la formation de planétoïdes et ensuite de corps planétaires massifs.


Pour en savoir plus :

"Solar System Evolution", Stuart Ross TAYLOR, C.U.P. Lunar Planetary Institution 1992.
"The Allende meteorite-cosmochemistry’s Rosetta stone ?", Accounts of Chemical Research 8, (1975), 217-224.
"The ubiquitous presence of silica-rich glass inclusions in mafic minerals: examples from Earth, Mars, Moon and the aubrite parent body",  M.E. Varela, G. Kurat, R. Clocchiatti and P. Shiano, Meteoritics and Planetary Science, 33-5 (1998).

Contacts :

M.E. Varela, N. Métrich, M. Bonnin-Mosbah.

Le Comité de rédaction


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