... Le carbone en pleine forme

AVRIL 1994 N°13

Synthèse et dopage du C60

Le groupe de chimie du SPEC a mis en œuvre des méthodes de synthèse de monocristaux de C60 et se sont penchés sur le dopage de ces composés.

Une méthode simple de synthèse de footballènes consiste à produire un arc électrique entre deux électrodes de graphite dans une enceinte remplie d'hélium. La suie récoltée sur les parois contient quelques pour-cent de molécules Cn (C60, C70, C84 ... ). Ces molécules sont solubles dans des solvants organiques comme le benzène ou le toluène et leur séparation s'effectue par chromatographie en phase liquide (la couleur du C60 est magenta alors que la solution de C70 est orangée).

Jusqu'à présent, les mesures physiques ont été effectuées principalement sur le C60 produit majoritairement par ce procédé. La plupart des études portent sur des poudres polycristallines et des films mais la connaissance des propriétés intrinsèques du matériau nécessite des mesures sur des monocristaux. Leur élaboration s'effectue par transport de vapeur dans un gradient de température. Des cristaux de 1 mm3 ont été ainsi synthétisés de manière reproductible. Ces cristaux ont une structure cubique à faces centrées qui laisse un volume libre de 34 % utilisable pour l'incorporation d'ions. A chaque molécule, est associé trois sites vacants: deux tétraédriques et un octaédrique.


Figure 1 : Molécule de C60

L'incorporation d'ions ou dopage se réalise en faisant réagir dans un tube de quartz scellé des mélanges stœchiométriques d'un métal alcalin A (sodium, potassium, rubidium ou césium) et de C60 qui réagissent entre eux: 3A+C60 ® A3C60. La nécessité d'être en atmosphère contrôlée est la grande réactivité avec l'air des métaux alcalins et des footballènes dopés.

Une série de composés binaires et ternaires (AxA'1-x)C60 où A et A' sont des atomes alcalins ont été synthétisés. Ces composés deviennent supraconducteurs en dessous d'une température critique allant jusqu'à 33 K Pour Cs2RbC60.

D'autres molécules à base de C60, où cette fois-ci, on essaye de mettre un atome métallique, du lanthane par exemple, à l'intérieur de la cage ont été étudiées.

Les seules structures stables connues jusqu'alors pour le carbone correspondaient au graphite et au diamant. Dans ces deux cas, les atomes occupent les sommets d'un réseau cristallin infini (plans hexagonaux pour le graphite, réseau "diamant" pour le diamant).

Depuis quelques années, on sait obtenir des structures covalentes stables finies par agglomération d'atomes de carbone. Les méthodes actuelles de production produisent des paquets d'agrégats avec distribution de taille mais on peut néanmoins ajuster les conditions expérimentales pour optimiser la production d'agrégats dans une gamme de valeurs déterminée. Les propriétés physiques, chimiques et électroniques semblent très prometteuses car elles pourraient offrir de nombreuses applications industrielles (durcissement des surfaces, supraconducteurs, fabrication de diamants artificiels, ... ).

Le nombre n d'atomes constituant l'agrégat Cn peut varier de quelques unités à quelques centaines et la structure correspondante est plus ou moins stable. Lorsque n est petit les agrégats sont linéaires puis plans. Lorsque n croît, on obtient ensuite des structures stables "fermées" et creuses où chaque atome de carbone a 3 voisins. Les faces sont uniquement des pentagones ou des hexagones et on ne comprend pas encore pourquoi seule cette possibilité semble stable, même si l'association pentagones / hexagones est fréquente en chimie, par exemple dans les composés aromatiques.

Parmi ces agrégats, certains exhibent des caractéristiques moléculaires. Le C60 a des caractéristiques géométriques précises, mesurées notamment au Laboratoire Léon Brillouin par diffraction de neutrons, qui expliqueraient qu'il est de loin la forme la plus fréquente. Un simple ballon de football constitue un excellent modèle de la molécule, de formule brute C60 : les 60 atomes de carbone sont placés aux intersections des arêtes, les faces sont des polygones réguliers (12 pentagones et 20 hexagones, chaque pentagone étant uniquement entouré d'hexagones). Le C70 serait plus allongé (ballon de rugby).

Ce genre de structure en dôme géodésique avait été proposé depuis plusieurs décennies par des géomètres, en particulier par l'architecte Buckminster Fuller (réalisateur du pavillon des États Unis à Montréal), d'où le nom de "fullerènes" souvent donné à toutes ces molécules et à leurs composés. Leur existence réelle n'a été proposée que tardivement par des chimistes théoriciens soviétiques pour expliquer des anomalies du rayonnement de la matière interstellaire.


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Dorothée Colson.

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 Phases Magazine N° 13
Le football moléculaire et la suie supraconductrice ...