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Univ. Paris-Saclay

Cycles géochimiques : une histoire naturelle illustrée des éléments chimiques

Jean-Louis JORON et Michel TREUIL
Laboratoire Pierre Süe
Centre d’Études de Saclay – France
Laboratoire Pierre Sue

Les analyses en éléments traces fournies ci-dessous concernent des roches prélevées par carottage terrestre, dragage ou forage océanique profond. Elles ont toutes été réalisées par la même technique : l’analyse par activation neutronique purement instrumentale(*) et en utilisant les mêmes données standards de calibration. La technique a été développée au Laboratoire Pierre Süe (CE Saclay).
*sans nécessité de mise en solution, source d'imprécisions dans le cas d'analyse de roches, du fait de la présence de minéraux "non solubles".

Référence :

Lexique :

  • CAB : calk-alkaline basalt / Basaltes calco-alcalins
  • CFB (Continental Flood Basalt) ou Trapps,
  • MORB : Middle Oceanic Ridge Basalt / Basaltes des rides médio-océaniques
  • OIB : Ocean Island Basalt / Basaltes des îles océaniques intraplaques
  • Subduction : roches issues de zones de subduction, lieu de destruction de la croûte océanique. Lorsqu’une plaque se heurte à une autre plaque, elle retourne dans le manteau en formant une zone de suduction.
  • Volcanisme d’arc insulaire : les arcs insulaires, répartis en bordure des zones de subduction, résultent de la formation de nouvelle croûte similaire à celle des continents
  • Volcanisme arrière-arc : en arrière d'un arc insulaire, formation de petits bassins dits "arrière-arcs". L’ouverture de ces bassins serait le signe précurseur de la formation d’un bassin océanique.
  • Ophiolite : roches correspondant à la lithosphère océanique, charriée sur un continent par obduction lors de la convergence de deux plaques lithosphériques
  • Magmatisme ancien Magmatisme antérieur à la tectonique des plaques actuelle (antérieur à 500 millions d'années)
    • Archéen : éon précédent le Protérozoïque (de - 4 à - 2.5 milliards d’années).
    • Basalte : roche magmatique rapidement refroidie. C'est le constituant principal de la croûte océanique.
    • Protérozoïque : éon (ou période géochronologique) de la fin du précambrien (de - 2,5 à - 0,541 milliards d’années).
    • Komatiite : roches témoins direct du manteau archéen à olivine et pyroxène.
    • Gabbro : roche magmatique, constituant principal de la couche inférieure de la croûte océanique.
    • Ophite : roche magmatique intermédiaire entre le gabbro et le basalte, qui résulte de la cristallisation d'un magma sans contact avec l'atmosphère .
  • Birimien : âge stratigra^phique équivalent à l'époque paléoprotérozoïque du précambrien (-2.5 à -1.6 Milliards d'années).
  • Les roches de cet âge morceau de croûte terrestre (terrane), essentiellement composé de granites alcalins, agrégé à l'aire continentale sud (craton) de l'Afrique de l'Ouest, âgé de
  • Shale : roche sédimentaire n'ayant pas subi de transformation (métamorphisme) et censée représenter la composition de la croûte continentale primitive.
  • Chondrite et achondrite : météorites avec ou sans "chondres", petites billes composées de silicates, traduisant leur origine primitive ou issue d'astéroïdes.
Echelle des temps géologiques du BRGM.

NB : les références des échantillons suivies de "(d)" indiquent de nouvelles analyses sur des échantillons, précédemment analysés.


Introduction et remerciements

Un programme de recherches, consacré à l’étude des lois de distributions des éléments en traces dans les grandes formations géologiques, a été développé pendant un demi-siècle par le Laboratoire de Géochimie comparée et systématique de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) et le groupe des Sciences de la Terre du Laboratoire Pierre Süe (CEA-CNRS) au Centre d’Etudes de Saclay. L’établissement des lois procède d’une géochimie comparée de systèmes géologiques remarquables par leur localisation spatio-temporelle dans les grands contextes géotectoniques, éclairée par les gradients des propriétés chimiques spécifiques des grandes familles d’éléments du tableau de la classification périodique de Mendeleïev.

Ce programme a accompagné la grande révolution des Sciences de la Terre intervenue tout au long de la seconde moitié du vingtième siècle. Il doit son efficacité et son utilité aux échelles nationale et internationale à l’outil analytique que nous avons mis au point et développé, dès la création du Laboratoire Pierre Süe, adaptant les principes et les instruments performants de l’analyse par activation neutronique aux problématiques de la géochimie des éléments contenus en faibles traces (ppm – ppb) dans les roches et les minéraux. Tout au long de nos travaux nous avons constitué un ensemble remarquablement homogène de données publiées mais dispersées dans différentes revues scientifiques compétentes nationales et internationales. Cet ensemble unique, acquis par la même équipe à l’aide de la même technique hautement performante depuis le début de nos travaux, mérite d’être mis à la disposition des spécialistes et du grand public désireux de pouvoir ainsi situer leurs propres spéculations et quêtes d’informations, à une époque où s’affirment et se popularisent les interrogations sur l’avenir et la bonne gestion de la planète Terre.

Publications et évaluations effectuées tout au long de nos recherches attestent de la qualité de nos travaux et tout particulièrement de nos résultats analytiques. Toutefois les publications laissent peu de place à une présentation exhaustive des données dont l’ensemble a été complété largement au-delà des présentations officielles.

Notre ambition est de regrouper et de commenter ces données sous une forme aisément accessible à tous. Données et commentaires sont donc strictement personnels, dégagés de toutes les contraintes d’une bibliographie qui ne saurait être complète et exhaustive. Nous laissons ce soin aux lecteurs désireux de situer les informations que nous lui communiquons dans le cadre de sa propre réflexion et des débats scientifiques. Signalons que, pour le plus grand nombre, nos références externes sont issues de l'ouvrage de Taylor et Mc Lennan : The Continental Crust : The Composition and Evolution. Blackwell Scientific Publications 1985.

Dans le but de faciliter la lecture et la réflexion des lecteurs les moins initiés, nous accompagnons la banque de données du manuel "Introduction à la Géochimie" dont nous avons supervisé la rédaction avec le soutien du CEA et de l’Université Pierre et Marie Curie il y a une vingtaine d’années. Afin de confronter notre approche originale à l’état actuel des connaissances en géochimie à l’échelle internationale, nous conseillons au lecteur de se référer à l’ouvrage rédigé en français par A. Jambon et A. Thomas, excellente synthèse très pédagogique : Géochimie, Géodynamique et Cycles. Dunod 2009, ainsi qu’aux très nombreux ouvrages de C.J.Allègre.

Nous souhaitons ainsi, à l'intention d'un large public, synthétiser nos travaux de recherche intégrant les résultats d’analyse systématique d’une trentaine d’éléments en traces dans environ 10.000 échantillons de roche. Les éléments analysés sont représentatifs des principales familles du tableau de la classification périodique, base fondamentale de notre stratégie de géochimie comparée. Pour ces éléments, les échantillons de roche totale constituent les enregistreurs de leurs distributions et fractionnements tout au long de l’histoire géologique que nous pouvons décrypter à l’aide d’un échantillonnage très significatif des principaux domaines lithologiques et géotectoniques de notre planète, contribuant ainsi à la reconstitution de la Géodynamique chimique.

Dans le cadre des grands programmes de recherche nationaux et internationaux, nous avons bénéficié des appuis et des contributions de nombreux collègues et amis auxquels nous dédions cette entreprise en témoignage de notre reconnaissance et notre sincère amitié. Sans pouvoir ici les citer tous, nous devons tout particulièrement à C. J. Allègre, J. Faucherre et P. Albert le bénéfice déterminant de la communication de leur passion pour la recherche, de leur enthousiasme et de leur volonté sans faille. Nous avons partagé avec J.C. Macquard au moment de nos premiers contacts avec la métallogénie, puis avec J. Varet et F. Barberi lorsque la volcanologie venait s’associer à l’essor de la tectonique des plaques, enfin avec J.G. Schilling et H. Bougault pour l’étude systématique de la lithosphère océanique, une aventure scientifique continue et passionnante associée à une complète révolution des Sciences de la terre. Tout au long de ce parcours, nombreux sont ceux auxquels nous devons des soutiens et concours déterminants.

Nous n’oublions pas P. Routhier, R. Dars, P. Lévèque, R. Brousse, G. Aubert, P. Massard, M. Steinberg, V. Ziegler, J. Dardel, G Revel, J. Trichet , J.C. Touray, I. Iiyama, N. Shimizu, M. Semet, J.P. Duraud, J. Lameyre, N. Deschamps H. Jaffrezic, R. Clocchiatti, F. Innocenti, R. Hagemann et G. Marinelli initiateur avec H. Tazieff d’une exceptionnelle coopération, sans cesse renouvelée, avec nos collègues de l’Université de Pise.

Nous ne pouvons pas ici rappeler toutes les contributions des plus jeunes et parmi eux nos élèves, ainsi que celles de nos collègues qui nous ont permis d'accéder au "terrain", à leur échantillonnage et aux précieuses informations qu'ils ont par ailleurs publiées. Nous adressons, toutefois, un remerciement particulier à Louis Raimbault qui s'est fortement impliqué dans les perfectionnements de la technique et de notre méthode d'analyse géochimique.

Enfin, nous rendons hommage à nos différents organismes de tutelle, Université Pierre et Marie Curie, Institut de Physique du Globe, CNRS-INSU, CEA Centre d’Etudes de Saclay, qui nous ont toujours accordé confiance et soutien. Un chercheur ne peut oublier le rôle fondamental et déterminant que jouent ces organismes dans le développement de la recherche fondamentale en France, concrétisant ainsi la solidarité et les efforts que consentent nos concitoyens pour pouvoir en assurer le succès.

C’est C.J. Allègre qui détermina notre engagement dans la recherche et nous fit partager sa passion pour la Géochimie. Ses interrogations ininterrompues, sa hauteur de vue, ses anticipations fulgurantes, ses exigences, nous ont sans cesse permis de maintenir le cap et d’éclairer la route.

La prise de connaissance de la publication de Masuda-Coryelle-Winchester joua un rôle décisif. J. Winchester eut l’amabilité de nous accueillir dans son laboratoire à Ann Arbor ; puis avec J.G. Schilling au Naraganset Marine laboratory de l’Université de Rhode Island. C’est ainsi que nous pûmes effectuer nos premières analyses par activation neutronique communiquées à l’American Geophysical Union International Meeting à Washington en avril 1968 sur la distribution des lanthanides dans les sédiments déposés dans les fosses de la dorsale de la Mer Rouge.

Pour nos collègues ce rappel n’a pas grand intérêt, mais pour le lecteur curieux il est utile de connaître les motivations d’une orientation de recherche. A ces motivations notre apport essentiel a été de mettre en évidence le rôle fondamental des "hygromagmas", des "hydrocarbonato-magmas" et des "hydrosolutions" dans la migration et le fractionnement des éléments en traces tout au long des processus pétrogénétiques. C’est l’analyse multi-élémentaire simultanée et purement instrumentale par activation neutronique et spectrométrie γ des échantillons de "roche totale" qui a permis le développement efficace d’une géochimie comparée et l’émergence des concepts d’éléments "hygromagmaphiles" et "hydrosoluphiles" qui, ajoutés à celui d’éléments "lithophiles", permettent de rendre compte des mécanismes de fractionnement des éléments.

Notre reconstitution de la Géodynamique chimique, fondée sur l’ensemble des données que nous fournissons, suivra donc cette chronologie allant de l’accrétion des planétésimaux lors de la formation du système solaire jusqu’aux transformations actuelles de la croûte continentale.

En évitant des spéculations trop théoriques afin de ne pas s’égarer trop au-delà de l’observation attentive des données, nous présenterons par chapitres successifs les résultats de nos investigations dans les principaux contextes géotectoniques de la planète : lithosphère océanique, magmatisme aux frontières des plaques divergentes, magmatisme intraplaque océanique, magmatisme aux frontières des plaques convergentes, lithosphère continentale, magmatisme intraplaque continentale, métamorphisme et altération de la croûte continentale. De cette présentation émergera le concept "d’héritage" des éléments "hygromagmaphiles" et "lithophiles" qui permet le balisage de cette géodynamique.

Un premier chapitre est consacré à la présentation de notre outil géochimique et à une description des caractéristiques géochimiques des grandes formations géologiques à l’aide de nos résultats d’analyse de ces formations.


Jean-Louis JORON et Michel TREUIL
Laboratoire Pierre Süe
Centre d’Études de Saclay – France
Laboratoire Pierre Sue

Lexique :

  • CAB : calk-alkaline basalt / Basaltes calco-alcalins
  • CFB (Continental Flood Basalt) ou Trapps,
  • MORB : Middle Oceanic Ridge Basalt / Basaltes des rides médio-océaniques
  • OIB : Ocean Island Basalt / Basaltes des îles océaniques intraplaques
  • Subduction : roches issues de zones de subduction, lieu de destruction de la croûte océanique. Lorsqu’une plaque se heurte à une autre plaque, elle retourne dans le manteau en formant une zone de suduction.
  • Volcanisme d’arc insulaire : les arcs insulaires, répartis en bordure des zones de subduction, résultent de la formation de nouvelle croûte similaire à celle des continents
  • Volcanisme arrière-arc : en arrière d'un arc insulaire, formation de petits bassins dits "arrière-arcs". L’ouverture de ces bassins serait le signe précurseur de la formation d’un bassin océanique.
  • Ophiolite : roches correspondant à la lithosphère océanique, charriée sur un continent par obduction lors de la convergence de deux plaques lithosphériques
  • Magmatisme ancien Magmatisme antérieur à la tectonique des plaques actuelle (antérieur à 500 millions d'années)
    • Archéen : éon précédent le Protérozoïque (de - 4 à - 2.5 milliards d’années).
    • Basalte : roche magmatique rapidement refroidie. C'est le constituant principal de la croûte océanique.
    • Protérozoïque : éon (ou période géochronologique) de la fin du précambrien (de - 2,5 à - 0,541 milliards d’années).
    • Komatiite : roches témoins direct du manteau archéen à olivine et pyroxène.
    • Gabbro : roche magmatique, constituant principal de la couche inférieure de la croûte océanique.
    • Ophite : roche magmatique intermédiaire entre le gabbro et le basalte, qui résulte de la cristallisation d'un magma sans contact avec l'atmosphère .
  • Birimien : âge stratigra^phique équivalent à l'époque paléoprotérozoïque du précambrien (-2.5 à -1.6 Milliards d'années).
  • Les roches de cet âge morceau de croûte terrestre (terrane), essentiellement composé de granites alcalins, agrégé à l'aire continentale sud (craton) de l'Afrique de l'Ouest, âgé de
  • Shale : roche sédimentaire n'ayant pas subi de transformation (métamorphisme) et censée représenter la composition de la croûte continentale primitive.
  • Chondrite et achondrite : météorites avec ou sans "chondres", petites billes composées de silicates, traduisant leur origine primitive ou issue d'astéroïdes.
Echelle des temps géologiques du BRGM.

NB : les références des échantillons suivies de "(d)" indiquent de nouvelles analyses sur des échantillons, précédemment analysés.

 

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