Préambule

l’heure où des robots scintillants explorent les confins de notre système solaire, où des télescopes remontent jusques aux premières années de l’Univers, où nous fragmentons la matière en ses composants ultimes dans des accélérateurs monstrueux, où nous recréons la vie à partir de la mort, il reste un champs encore largement inexploré et incompris: celui de la conscience humaine.

Parmi tous les arts, la poésie est celui qui est le plus apte à sonder les profondeurs de ce gouffre insondable, le plus apte à mimer les méandres des pensées qui naissent et meurent dans le cerveau humain. Relativement figée dans des carcans de règles et de lois au début, elle a évolué sous l’action de quelques visionnaires qui l’ont rendue de plus en plus proche des mécanismes du fonctionnement du cerveau humain : les poèmes en prose de Baudelaire lui ont apporté une souplesse simplificatrice, les vers muselés de Verlaine une musique nouvelle, les calligraphies d’Apollinaire, une dimension graphique, les métaphores d’Eluard ou de Char l’ont rapprochée des sources des associations d’idées… Mais de toutes les révolutions, aucune ne sera jamais plus grande que celle apportée par le voyant Rimbaud. Relisant un soir de désœuvrement  » Une saison en enfer  » , je fus frappée par le fait que ce recueil avait été écrit pour être lu en trois dimensions.

A l’époque, les moyens techniques ne permettait pas de réaliser matériellement ce projet, dont seule une projection bi-dimensionnelle nous est parvenue, diminuant largement la force de ce poème pourtant révolutionnaire. A l’aube de la révolution technologique liée à Internet et aux myriades d’informations à faire circuler et à organiser, cette limitation technologique a disparu : en utilisant le langage HTML, nous sommes maintenant capable d’accéder à cette troisième dimension, à superposer dans la même phrase, dans le même mots des concepts, des idées, des images, des sons, comme le fait notre cerveau lui-même dans son processus de pensée et d’associations.

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D’autre part, la révolution informatique permet maintenant de matérialiser les écrits sur des écrans portables (le Ebook), permettant de stoker et d’organiser les concepts comme sur la Toile elle-même. Le temps semble donc maintenant venu de propulser la poésie dans la troisième dimension, de lui faire franchir une nouvelle étape.

Pour illustrer ce nouveau concept, j’ai bâti ce livre expérimental, en utilisant des écrits réalisés durant ma période adolescente. Cette époque de foisonnement, d’intense créativité, de refus et d’idéaux chez tout individu m’a semblée la plus propice à la création de ce maelstrom d’idées, de concepts, de dits et de non-dits, de frustrations et d’aspirations, d’allégories tridimensionnelles qui semble caractériser le fonctionnement de la conscience humaine…ouvrant —qui sait ?-, la voie, à l’avènement de machines véritablement douées d’émotions.

Je dédie ce livre à Arthur Rimbaud, le plus grand voyant et prestidigitateur de l’âme de tous les temps. Fut-il né un siècle plus tard, il aurait pu réaliser lui-même l’expérience, l’amenant à un degré de plénitude, de perfection, de beauté, d’émotion que je suis incapable d’approcher. Puissent d’autres Rimbaud modernes se saisir de mon expérience, et réaliser ce rêve !