Osiris, le voyageur infatigable

Osiris, le voyageur infatigable

Grise et poussiéreuse,, lumière diffuse sur les cailloux timides, long déroulement vers le futur et l’horizon mystérieux… La route ! Elle est là, devant lui, comme une vague promesse, comme un dernier espoir. Il a tourné le dos à la ville endormie, aux visages familiers qui reviennent le hanter. Il leur a tourné le dos et fait face à la route, pale dans la vallée ou la lumière pleut…Le vent discret et tiède lui fouette les cheveux et sèche une à une ses larmes scintillantes. La route, là-bas, déroule son long bras grisâtre et l’appelle, en, silence, pour qu’il vienne s’y fondre. Lui, il sait bien qu’il ne résistera plus longtemps à ce charme enjôleur et que bientôt, il marchera, pied sur pierre, âme dans brise, cœur dans futur, loin des villes maussades ou les cauchemars tournoient…

Et quand il revint, il sut qu’elle était partie. Pauvre folle. Il poursuivait un fantôme, et il n’a pas su retenir la réalité, la terre qui s’accroche aux talons, l’odeur du bois mouillé qui pétille, la vaisselle qu’on repasse sans l’avoir lavée. Il était revenu et ne trouva qu’un désert. Il tourna et retourna la lettre, cherchant un écho dans son esprit.  »  Je peux combattre un être de chair et de sang, de passions et de faiblesses, d’ordre et de désordre, mais un fantôme vacillant, enjolivé par ta mémoire et tes fantasmes, je ne m’en sens pas le courage « . Il avait couru après un fantôme de sa vie, toute sa vie, et il avait perdu le sens de sa propre vie. Il tournait et retournait la phrase dans sa tête, et l’absurdité de l’absence, le désarroi du vide envahit son âme et l’assomma. Il regardait autour de lui, avec ce regard du prisonnier qui sort enfin du cachot sans fenêtre. Il avait tenu le bonheur dans sa main sans le reconnaître. Il avait vendu la réalité pour vivre dans son monde fantasmagorique, et la réalité lui retombait brusquement dessus, l’envahissait de sa platitude, de sa grisaille, de sa réalité ! Soudain, l’urgence de la situation le frappa, et le réflexe de vivre l’envahit d’un coup. En un éclair, il déchira de sa mémoire les images passées de la vie qu’il ne vivra jamais, il extermina les regrets inassouvis et les désirs passés. Méthodiquement, avec la rage froide du condamné à mort, il extirpa de sa mémoire tout vestige de ce qui ne fut pas…Et il se releva, prêt à vivre à nouveau, à tout recommencer, dans la réalité, l’épouvantable réalité.

Mais il était trop tard… Il faut prendre le train de la vie quand il passe, et il ne passe qu’une fois.