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Univ. Paris-Saclay
25 juillet 2020
Rôle de l’environnement sur la fragmentation de molécules induite par irradiation ionique
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Les faisceaux d'ions énergétiques font partie des rayonnements ionisants, capable de produire des ions lors de leur interaction avec la matière. L'interaction ion-atome ou molécule cible doit avant tout être bien comprise pour maitriser les processus mis en jeu. Ainsi, de nombreuses études de la fragmentation de molécules isolées induite par l'absorption de rayonnement fournissent une vue détaillée du processus.

Mais qu’en est-il lorsque cette molécule est environnée et constitue un élément d’un solide ou d’un liquide ? Cette question est primordiale pour de nombreuses applications en chimie sous rayonnement ou radiobiologie.

Les expériences menées au CIMAP, en collaboration étroite avec l’Institut of Modern Physics de Lanzhou en Chine, montrent que suite à une irradiation d'une molécule par des ions énergiques, certaines voies réactives ne sont ouvertes, qu'en présence d'un environnement, tel qu'on le trouve au sein d'un dimère.


Energetic ion beams are part of ionizing radiations, able to produce ions when interacting with matter. The interaction between one ion and individual target atom or molecule must first be well understood to master the processes involved. Many studies have given a detailed picture of isolated molecule dissociation induced by ionizing radiation absorption.

However, what may occur if that molecule has an environment, as it is the case in a solid or a liquid? This question is of importance in many situations such as radiation chemistry or radiobiology.

Experiments carried out at CIMAP, in close collaboration with the Institute of Modern Physics in Lanzhou, China, show that following irradiation with energetic ions, reactive pathways can be opened only in the presence of the environment.

Experiments carried out at CIMAP, in close collaboration with the Institute of Modern Physics in Lanzhou, China, show that following the irradiation of molecules by energetic ions, some reactive pathways are only opened in the very presence of an environment, such as that found in a dimer.

 

Depuis une dizaine d’années, les physiciens se sont tournés vers l’étude d’objets particuliers que sont les agrégats de van der Waals : il s’agit d’atomes et/ou de molécules assemblées en dimère par leur seule polarisation (permanente ou mutuellement induite), sans partage d’électrons. Ce ne sont donc pas des molécules (au sens d'une liaison covalente) mais ils permettent de simuler les interactions entre atomes ou molécules avec un liquide. Ce point important permet, lorsque l’on s’intéresse à ces petits systèmes de dimères de pouvoir étudier "un petit morceau de solide ou de liquide" à l’aide des techniques les plus fines, comme la spectroscopie d’impulsion, qui permettent de suivre la trajectoire et la vitesse de tous les fragments produits lors de la dissociation du système moléculaire. Il est alors possible d’obtenir des informations extrêmement détaillées sur l'influence de ce micro-environnement sur le comportement d'une des composantes soumise à la perturbation d'un rayonnement, tel qu'une collision par un ion énergétique.

 

Le résultat présenté ici est le fruit d’une progression continue des connaissances sur le sujet : dans un premier temps, il a été observé que bien qu’assemblés, chaque constituant du dimère conserve effectivement un comportement semblable à celui de l'atome ou de la molécule isolé. Ainsi, par exemple, les sections efficaces de capture électronique restent inchangées et le dimère se comporte comme si chacun des deux partenaires du dimère était seul à interagir avec le rayonnement [1, 2]. De même, la dissociation d’une molécule composante induite par l’impact d’un ion se déroule sans ressentir la présence de la seconde molécule du dimère ou de l'aggrégat [3]. Cependant, la proximité de l'autre objet autorise de nouveaux processus, qui sont inexistants voire interdits pour l'atome ou la molécule isolé. C'est le cas notamment, du processus désigné par "Inter Coulombic Decay", observé lors de collisions de basse énergie, qui conduit à la production d’un nombre important d’électrons de basse énergie [4]. Ce type de processus doit bien être identifié, car les électrons ainsi produits ont une efficacité reconnue pour briser des molécules par attachement, et induire ainsi une cascade réactionelle.

 

Cette étude a été poursuivie dans le cadre d’une collaboration entre le CIMAP et l’Institut of Modern Physics de Lanzhou en Chine. L'enjeu de cette recherche est  de voir si les techniques maitrisée par des physiciens peuvent apporter des informations importantes sur les processus chimiques consécutifs à la dissociation moléculaire, au sein d’un milieu liquide ou solide : est-il possible par cette voie de tracer ou "filmer"» la réaction entre les fragments moléculaires et les premières molécules voisines. Avec cet objectif, la collaboration s'est intéressée au système associant, au sein d’un dimère de van der Waals, un atome d’argon (Ar) et une molécule d’azote (N2). La fragmentation de la molécule est provoquée par la collision avec un ion énergétique (Ne8+ d’une énergie de 1 MeV), et les produits de la réaction identifiés et caractérisés par une spectroscopie de temps de vol en coïncidence, associée à une technique d’imagerie. Cette technique, appelée spectroscopie d’impulsion (ou COLTRIMS en anglais), et développée au CIMAP depuis les années 90, a permis d’observer un produit de réaction inattendu : l’ion moléculaire NAr+.

Courbes de potentiel du système (N2Ar)2+ en fonction de la distance (N-NAr)2+. L'irradiation par des ions Ne8+ de 1 MeV, de la molécule N2 au sein du dimère de Vander Waals N2-Ar conduit à une double ionisation. La présence de l'atome d'argon, environnant la molécule N2, ouvre, par un processus d'explosion coulombienne, la voie du trajet réactionnel aboutissant au produit NAr+.

Sa présence signe la possibilité très surprenante d'une réaction chimique, c’est-à-dire la création d’une liaison covalente, entre un fragment de la molécule d’azote et l’atome de gaz rare présent au sein du dimère initial. Ce transfert, bien connu dans le cas de la liaison hydrogène, est tout à fait surprenant dans le cas d’un ion aussi lourd que N+. Il peut cependant s’expliquer par un effet tunnel permettant à l'ion N+ de franchir la barrière de potentiel séparant l’ion moléculaire N2+ et l’Ar et ce suffisamment rapidement pour que la liaison Ar-N+ s’établisse, avant que le dimère ne se dissocie complètement sous l’effet de la répulsion coulombienne entre ses constituants électriquement chargés [5].

Ainsi, bien que l'impact de l'ion sur un des constituants du dimère ait un effet identique à celui  sur la molécule isolée, sans modification du processus d'excitation, la présence de l'autre composante du dimère ("environnement") ouvre de nouvelles voies réactionnelles dont il faut tenir compte dans l'étude de l'effet des rayonnements ionisants dans les systèmes liquides, solides ou biologiques.

 

 

Références :

[1] Asymetry in Multiple-electron capture revealed by radiative Charge transfer in Ar dimers, J.Matsumoto, A.Leredde, X.Fléchard, K.Hayakawa, J.Rangama, C.L.Zhou, S.Guillous, D.Hennecart, T.Muranaka, A.Mery, B.Gervais, A.Cassimi, Phys Rev. Lett 105 (2010) 263202.

[2] Atomic site-sensitive processes in low energy ion-dimer collisions,
W.Iskandar,  J.Matsumoto, A.Leredde, X.Fléchard, B.Gervais, S.Guillous, D.Hennecart, A.Mery, J.Rangama, C.L.Zhou, H.Shiromaru, A.Cassimi, Phys Rev. Lett 113 (2014) 143201.

[3] Role of a neighbor ion in the fragmentation dynamics of covalentmolecules,
A.Mery, A.N.Agnihotri, J.Douady, X.Fléchard, B.Gervais, S.Guillous, W.Iskandar,  E.Jacquet, J.Matsumoto, J.Rangama, F.Ropars, C.P.Safvan, H.Shiromaru, D.Zanuttini, A.Cassimi, Phys Rev. Lett 118 (2017) 233402.

[4] Interatomic coulombic decay as a new source of low energy electrons in slow ion-dimer collisions,
W.Iskandar,  J.Matsumoto, A.Leredde, X.Fléchard, B.Gervais, S.Guillous, D.Hennecart, A.Mery, J.Rangama, C.L.Zhou, H.Shiromaru, A.Cassimi, Phys Rev. Lett 114 (2015) 003201.

[5] Heavy N+ ion transfer in doubly charged N2Ar van der Waals cluster,
X.L. Zhu, X.Q. Hu, S.C. Yan, Y.G.Peng, W.T. Feng, D.L.Guo, Y.Gao, S.F. Zhang, A. Cassimi, J.W. X, D.M. Zhao, D;P. Dong, B. Hai, Y. Wu, J.G. Wang, X. Ma, Nature Communication 11, 2987 (2020)


Contact CEA-IRAMIS : Amine CASSIMI  (CIMAP/AMA)

Collaboration :

  • XiaoLong ZHOU, ShunCheng Yan, WenTian Feng, DaLong Guo, Yong Gao, ShaoFeng Zhang, JiaWei Xu, DongMei Zhao, DaPu Dong, Bang Hai, X. Ma: Institute of Modern Physics, Chinese Academy of Sciences, 730000 Lanzhou, China.
  • XiaoLong ZHOU, ShunCheng Yan, DaLong Guo, ShaoFeng Zhang, JiaWei Xu, DaPu Dong, Bang Hai, X. Ma: University of Chinese Academy of Sciences, 100049 Beijing, China.
  • XiaoQing Hu, YiGeng Peng, Yong Wu, JianGuo Wang: Institute of Applied Physics and Computational Mathematics, 100088 Beijing, China.
  • Yong Wu: HEDPS, Center of Applied Physics and Technology, Peking University, 100871 Beijing, China.
 
#3249 - Màj : 04/09/2020

 

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