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Univ. Paris-Saclay
10 novembre 2017
Comportement sous irradiation de matrices cimentaires pour le stockage des déchets
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La filière nucléaire produit des déchets nucléaires de natures très variées qui sont aujourd'hui entreposés dans des sites sécurisés. Dans le cadre de la loi de 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, ces déchets nucléaires doivent être repris et conditionnés pour leur stockage définitif selon les normes d’entreposage actuelles.

Les déchets peuvent être compactés au sein d'une matrice en verre ou cimentaire, cette dernière présentant plusieurs avantages de coût et de stabilité au cours de la mise en œuvre du procédé, mais dont il faut maitriser la tenue à l'irradiation. Une étude conduite au cours d'une thèse au Laboratoire des Solides Irradiés du CEA, permet d'orienter le choix de la meilleure variété cimentaire et de préciser son procédé d'élaboration, pour obtenir une structure résistante à l’irradiation jusqu’à au moins 300 MGy*. À très forte dose (3 GGy), des effets microstructuraux, incluant la possibilité de désordre local, sont observés. Cependant, aucune amorphisation et aucune nouvelle phase ne sont constatées, ce qui permet de conclure que les hydrates étudiés peuvent résister aux conditions d’irradiation au cours du stockage.

 

 

Le traitement des déchets technologiques issus de la vitrification des actinides au sein de "l’Atelier de vitrification de Marcoule" du CEA, s’inscrit dans le cadre de ce travail. La thèse de Loren Acher [1], au Laboratoire des Ciments et Bitumes pour le Conditionnement (LCBC) de Marcoule en collaboration avec le LSI, rassemble les résultats fondamentaux obtenus, visant à tester le comportement sous irradiation de diverses matrices cimentaires, au sein desquelles les déchets seront "bloqués". Le recours à une telle matrice cimentaire est envisagé car il offre plusieurs avantages :

  • le ciment est moins coûteux en énergie que le verre,
  • il peut être mis en œuvre à température ambiante
  • il permet de s’affranchir des risques d’inflammabilité par rapport à des liants organiques tels que le bitume.

Jusqu’ici, la matrice cimentaire d’enrobage la plus utilisée est le ciment Portland. Mais son pH très basique (» 13 !) l’interdit pour de nombreux matériaux. D’autres ciments doivent donc être développés par l’industrie pour permettre un enrobage dans des conditions plus variées. Trois types de matrices ont été testés dans ce travail de thèse à caractère fondamental et exploratoire :

  • le ciment Portland, silico-calcique,
  • un ciment alumino-calcique (Ciment Fondu), dont on attend une meilleure résistance thermique et chimique,
  • un ciment phospho-magnésien, qui peut être utilisé en présence d’aluminium, souvent présent dans les déchets et qui pose des problèmes bien spécifiques.
 
Comportement sous irradiation de matrices cimentaires pour le stockage des déchets

Irradiation de la portlandite Ca(OH)2 sur l’accélérateur SIRIUS du LSI. On observe une dilatation le long de l’axe c hexagonal 2 et 3 fois plus forte que le long des axes dans le plan (a, b). Isostructurale à la portlandite, la brucite de composition Mg(OH)2 montre une dilatation similaire le long de l’axe hexagonal, mais accompagnée d'une contraction dans le plan (a, b), conduisant à une dilatation volumique nette plus faible. L’élargissement des raies traduit une évolution microstructurale, avec diminution de la taille des grains cohérents.

Lors du blocage du déchet, l’hydratation du ciment produit divers hydrates. C’est la réponse à l’irradiation de ces hydrates qui constitue l’objectif de ce travail. L’effet chimique de l’irradiation est une décomposition produisant en particulier de l’hydrogène, dont la quantité émise doit être connue et strictement limitée dans le stockage. L’effet physique de l’irradiation est une modification structurale pouvant avoir diverses origines : collisions balistiques, excitations électroniques ou ionisations, processus historiquement très étudiées au LSI.

Deux types d’irradiation ont été effectuées, (i) des irradiations gamma en casemate à des doses entre 100 et 200 kGy*, pour étudier la radiolyse des matériaux et estimer les parts respectives de l’eau et des hydrates dans la production d’hydrogène et (ii) des irradiations aux électrons à des doses entre 300 MGy, doses moyennes, trois fois supérieure à la dose reçue en 150 ans avec un débit de dose très supérieur aux condition de stockage, et une dose plus de 10 fois supérieure de 3.5 GGy, dans le but de tester la résistance structurale de la matrice cristalline.

Les irradiations aux électrons à basse température (<50°C) ont été réalisées sur l’accélérateur SIRIUS du LSI avec une énergie de 2.5 MeV et un flux de l’ordre de 1014 e-.cm-2.s-1, en contrôlant la température afin d’éviter l’échauffement et la décomposition thermique du matériau. Les composés ont été analysés avant et après irradiation par diffraction des rayons X (DRX) sur la plateforme DIFFRAX de l’École Polytechnique, en s’appuyant sur l’expertise acquise par l’équipe du LSI sur les divers composés cimentaires. Quatre hydrates cristallins choisis pour leur stabilité ont été irradiés : portlandite Ca(OH)2 et brucite Mg(OH)2 isostructurales, katoïte Ca3Al2(OH)12 et gibbsite Al(OH)3.

 

On observe tout d'abord très peu d’effet d'irradiation jusqu'aux doses moyennes (< 300 MGy). Aux très fortes doses, de l'ordre de 3 GGy, divers effets structuraux apparaissent par DRX :

  1. déplacement des raies associé à une variation dimensionnelle de la maille cristalline,
  2. élargissement des raies associé, soit à une variation de taille des domaines cohérents, soit à des contraintes internes,
  3. diffusion diffuse dans la gibbsite et la  brucite, où elle est plus importante), associée à la présence de désordre local.

Une analyse détaillée des variations microstructurales par (taille et anisotropie des cristallites, contraintes internes) améliore sensiblement les ajustements dans le traitement des données de diffraction.

 

A ces très fortes doses, des comportements distincts sont clairement observés selon l'hydrate considéré : pour la portlandite et la gibbsite, la dilatation de maille induite par l'irradiation présente un comportement similaire à celui d'une dilatation thermique. Pour la brucite, un comportement anisotrope avec dilatation ou contraction selon la direction considérée. On constate ainsi que la portlandite et la brucite, initialement isostructurales, ont un comportement différent vis-à-vis de l’irradiation. Pour la katoïte, cubique, on observe d’abord une dilatation, puis une contraction aux doses plus élevées. Cet effet, très différent de celui observé en dilatation thermique, montre ainsi un comportement spécifique lié à l’irradiation électronique.

L'étude des mêmes ciments en radiolyse sous irradiation gamma auprès de l'irradiateur 60Co Gammatec du CEA-Marcoule montre qu'une réduction significative (facteur 5) de la production d'hydrogène peut être obtenue avec le ciment phospho-magnésien, comparé au ciment Portland de référence. Il est notamment recommandé d'utiliser un faible rapport eau/ciment afin de minimiser la présence d’eau libre dans les pores.

En résumé, on observe que la structure de l’ensemble des hydrates examinés est résistante à l’irradiation jusqu’à 300 MGy. Pour des doses 10 fois supérieures (3 GGy), on observe des effets structuraux avec du désordre local et des variations microstructurales. Cependant, aucune amorphisation et aucune nouvelle phase n’ont été constatées. On peut donc en conclure que les hydrates étudiés peuvent résister aux conditions d’irradiation des stockages.

 


[1] Thèse de doctorat de Loren Acher de l’Université Paris Saclay "Étude et comportement sous irradiation gamma et électronique de matrices cimentaires et de leurs hydrates constitutifs", soutenue le 5 octobre 2017 à l’École Polytechnique.

*Gray : mesure d'énergie apportée par un rayonnement ionisant dans un milieu homogène, égale à un joule par kg. Utilisée pour les doses d'irradiation importantes.

Contact CEA-IRAMIS : Frédéric Dunstetter , Laboratoire des Solides irradiés - LSI, Université Paris-Saclay, Palaiseau, France.


Collaboration :

  • J. Haas, Laboratoire des Ciments et Bitumes pour le Conditionnemen (CEA-DEN, DE2D/SEAD/LCBC), Marcoule, France.
  • M. Courtial, D. Gorse-Pomonti, M.N. de Noirfontaine, F. Dunstetter et Loren Acher, IRAMIS/LSI, Ecole Polytechnique, Palaiseau, France.
 
#2803 - Màj : 17/11/2017

 

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