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Univ. Paris-Saclay
11 juin 2013
Spectroscopie de paires de Cooper localisées à un contact atomique entre deux supraconducteurs
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Spectroscopie de paires de Cooper localisées à un contact atomique  entre deux supraconducteurs

Figure 1. Spectre des états d'Andreev dans un lien faible de transmission τ, en fonction de la différence de phase δ entre les deux supraconducteurs.


 

L’effet Josephson décrit le flot de supercourant à travers un lien faible entre deux supraconducteurs, comme une jonction tunnel, un nanofil ou une molécule. Il est à la base d’une grande quantité de dispositifs (magnétomètres - SQUIDs, convertisseurs fréquence-tension de très haute précision, détecteurs de photons large bande) avec des applications allant de la médecine, à l’information quantique ou encore l'astronomie.

Microscopiquement, le supercourant est porté par des états de paires de Cooper localisées au lien faible. Ces états, appelés états d’Andreev, viennent par doublets, et ont des énergies inférieures au gap supraconducteur. Les circuits Josephson existants sont basés sur les propriétés des états fondamentaux de chaque doublet et, jusqu’à maintenant, les états de paires excitées n’avaient jamais été directement détectés. Nos expériences établissent leur existence par des mesures spectroscopiques de contacts atomiques supraconducteurs [1].

 

Le spectre d’énergie d’un supraconducteur massif isolé présente un gap 2Δ autour de l’énergie de Fermi. Ce gap représente l’énergie minimale pour exciter une paire de Cooper. À un lien faible entre deux supraconducteurs, où la phase supraconductrice peut facilement être tordue, le spectre est localement modifié, avec notamment l’apparition de doublets d’états dans le gap. Ces états, appelés états d’Andreev, ont des énergies ±EA qui dépendent de la différence de phase δ entre les électrodes et de la probabilité de transmission des électrons (voir Figure 1). Comme l’énergie des états d’Andreev est inférieure au gap Δ, ils ne peuvent pas se propager dans les supraconducteurs massifs et restent ainsi localisés au lien faible. L’état d’énergie -EA correspond donc à une paire de Cooper localisée dans son état fondamental ; l’excitation de plus faible énergie est une excitation de cette paire de Cooper vers l’état d’énergie +EA.

 

La fréquence associée à la transition d’Andreev varie entre 0 (pour des canaux très transmis, à phase π) et 2Δ/h, soit 85 GHz pour de l’aluminium (supraconducteur en-dessous de 1.2 Kelvin). Pour coupler un signal micro-onde sur une si large bande dans une expérience cryogénique, nous avons utilisé un spectromètre intégré sur le même circuit que le contact atomique. Il s’agit d’une jonction Josephson tunnel polarisée en tension, qui se comporte comme une source de courant alternatif. Pour une tension appliquée V, la fréquence du courant est 2eV/h : c’est l’« effet Josephson alternatif », qui est à la base de la représentation de l’unité du Volt. Lorsque des transitions entre états sont induites par ce courant alternatif, le spectromètre est traversé par un courant continu I de sorte que la puissance délivrée IxV corresponde à la puissance micro-onde absorbée. Ainsi, les spectres sont obtenus en mesurant des caractéristiques courant-tension du spectromètre, pour V<Δ/e. La phase δ entre les supraconducteurs est contrôlée en plaçant le contact atomique dans une boucle supraconductrice transpercée par un flux magnétique (voir Figure 2).

La figure 3 présente, à gauche, un spectre mesuré sur un contact atomique comprenant trois canaux (de nombreux autres contacts, avec des nombres de canaux et des transmissions variés, ont été sondés). Les lignes pointillées indiquent les positions attendues pour les transitions d’Andreev, en très bon accord avec l’expérience. Les lignes horizontales visibles sur le spectre correspondent à des excitations d’un mode harmonique du circuit bien identifié. Un modèle théorique, à droite de la figure 3, permet de rendre compte précisément du spectre observé, avec notamment des hybridations entre le mode harmonique et les transitions d’Andreev.

Cette expérience démontre l’existence d’un degré de liberté interne dans les structures Josephson, qui pourrait être utilisé comme ressource pour l’information quantique si sa cohérence quantique s’avère assez bonne.

 
Spectroscopie de paires de Cooper localisées à un contact atomique  entre deux supraconducteurs

Figure 2. Micrographie au microscope électronique du circuit. Un contact atomique est obtenu en cassant de manière contrôlée un pont en aluminium suspendu. Cette cassure est finement contrôlée est pliant le substrat. La différence de phase δ aux bornes du contact atomique est obtenue en appliquant un flux magnétique dans la boucle supraconductrice qui le contient. Le spectromètre est une jonction Josephson formée sur le côté de la boucle. L’expérience est réalisée dans un réfrigérateur à dilution, à 30 mK.

Figure 3. A gauche, en niveaux de couleur, courant dans la jonction spectromètre en fonction de la phase aux bornes du contact atomique et de la fréquence d’irradiation νJ (axe de gauche), qui correspond à une tension VJ sur le spectromètre (axe de droite). Les lignes pointillées représentent les énergies d’excitation des paires de Cooper, déduites des transmissions des trois canaux de transport du contact atomique, déterminées indépendamment. Les autres lignes spectrométriques observées sont des modes harmoniques du circuit et leurs harmoniques, qui s’hybridisent avec les transitions d’Andreev. Le panneau de droite montre le spectre calculé.

 

Référence:


[1] Exciting Andreev pairs in a superconducting atomic contact,
L. Bretheau, C. Girit, H. Pothier, D. Esteve et C. Urbina,  arXiv:1305.4091 (accepté pour publication à Nature).

 

Thèse de Landry Bretheau : Probing the Andreev doublet: the fermionic side of Josephson effect. Manuscrit de la thèse.

 

Communiqué de presse CEA/CNRS : "Du supercourant à travers un atome" (sur le site du CNRS).

 


Contacts : Daniel Esteve, Hugues Pothier et Cristian Urbina (groupe Quantronique, SPEC)

 
#2135 - Màj : 19/03/2014

 

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