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Univ. Paris-Saclay
23 juillet 2012
Le noircissement des fibres optiques sous contrôle !
Le noircissement des fibres optiques sous contrôle !

Fibre au cœur noirci

Les fibres optiques dopées terre rare sont les composants actifs au cœur  de la technologie des lasers et amplificateurs à fibre, utilisés dans les télécommunications, l'industrie (découpe, usinage, …), la médecine, les capteurs... avec de nombreux avantages en terme de poids, de taille et de consommation d'énergie. Le noircissement de ces fibres sous l'effet de l'irradiation laser (photo-noircissement) ou en milieu hostile (radio-noircissement par des rayonnements ionisants) est un effet directement lié à leur structure et à la nature des défauts que l'on peut y engendrer (centres absorbants). L'étude de l'équipe du LSI sur les mécanismes fondamentaux du photo et radio-noircissement, montre l'importance du contrôle du dopage des fibres en aluminium et phosphore.

 

 

Afin de bénéficier pour les communications longues distances du minimum d'absorption autour de 1.55 µm, des fibres optiques à cœur de silice dopé de terre rares (erbium, Er3+) ont été élaborées, ainsi que des dispositifs laser de très forte puissance (verres dopés ytterbium, Yb3+) émettant autour de 1 µm. L'insertion des ions de terre rare est facilité par un dopage aluminium (Al) du cœur. Par ailleurs, un dopage standard au phosphore (P) comme "fondant" permet d’abaisser la température de travail de la silice de 200°C.

Ces dispositifs  souffrent cependant d’une dégradation de leur puissance de sortie, engendrée par un noircissement des fibres induit au cours du pompage optique (en anglais : "photo-darkening"). Même si pour certaines compositions de fibres (phosphosilicates), la création de centres absorbants (par formation de clusters d'Yb) est relativement limitée, les mécanismes menant à la formation de ces défauts sous pompage infra-rouge restent encore très mal connus. Un certain nombre de références mentionnent l’abaissement significatif de ce photo-noircissement en augmentant la concentration de phosphore (P) de façon à diminuer le rapport [Al] / [P] de 9.0 à 1 [5].

Un autre enjeu important est la tenue en milieu radiatif de ces fibres, en lien avec de futures applications de communication spatiale où l'utilisation de ces fibres est envisagée. S'il a pu être montré que les fibres actives (dopées) ont une moins bonne résistance à l'irradiation que les fibres passives [4], peu d’études détaillées sur ce sujet sont présentes dans la littérature.

 
Le noircissement des fibres optiques sous contrôle !

Spectres HYSCORE (Hyperfine Sub-level Correlation Experiment) des préformes [Al] / [P ] = 2,8 (gauche) et [Al] / [P ] =0,3 (droite). L’augmentation de la tache du phosphore montre la présence massive d’atomes de P en seconds voisins des ions Yb3+.

Les chercheurs du LSI, en collaboration avec le LASIR (Lille) et l’industriel PRYSMIAN-DRAKA, se sont intéressés aux mécanismes fondamentaux des photo- et radio- (effet d'irradiation gamma) noircissements de fibres optiques dopées via une étude structurale poussée. Nous avons mis en évidence sur des préformes de fibres le rôle prépondérant de la teneur relative en dopants aluminium et phosphore (Al et P) sur la formation de clusters d’Yb en montrant une très bonne dissolution de la terre rare pour des rapports de concentration [Al] / [P] < 1 [1-2]. Pour ces mêmes préformes, présentant un rapport [Al]/[P] < 1, il est aussi observé une très forte réduction de formation sous irradiation gamma de défauts ponctuels absorbants dans le visible [3].

Il apparait ainsi très clairement que le rapport Al/P joue un rôle prépondérant sur la dissolution des ions Yb3+. Il est ensuite montré par des mesures de RPE continue et pulsée (HYSCORE) en collaboration avec H. Vezin (LASIR) que l’environnement des ions Yb3+ était très différent selon la valeur de ce rapport. En particulier on observe que pour un excès de phosphore, une sphère de solvatation se forme autour des ions entrainant une meilleure dissolution des ions terres rares (voir Figure ci-dessus). Des mesures de luminescence coopérative complémentaires ont permis de confirmer ce résultat par l’absence de signal d’émission dû aux paires Yb.

 

Une interprétation possible du résultat peut être trouvée dans le mode d’insertion du phosphore : ainsi pour un rapport Al/P <1, nous avons montré par spectroscopie Raman et RMN du phosphore (IRAMIS/SIS2M) la formation de double liaisons P=O limitant probablement la structure AlPO4 au sein du réseau silicaté. Il est très intéressant de noter que ce mode d’insertion du P semble être également responsable de la limitation des défauts ponctuels formés sous irradiation gamma. En effet les préformes avec un rapport [Al] / [P] < 1 ne montrent pas de coloration de leur cœur pour une dose intégrée de 1800 Gy (voir Figure) en accord avec l’évolution de leur spectre d’absorption optique.

Ce résultat a pu être affiné par absorption optique et RPE. En effet nous avons identifié la nature du défaut responsable du noircissement de type Al-OHC, et donc associé à la présence d’aluminium.

La meilleure tenue des fibres présentant un rapport Al/P <1 face au photo et radio-noircissement a ainsi pu être expliquée par une étude fine de leur structure avec le recoupement entre diverses techniques spectroscopiques RPE-Raman-PL. Ces fibres apparaissent ainsi particulièrement bien adaptées pour les applications spatiales envisagées avec une limitation conjointe du photo et radio-noircissement.

 
Le noircissement des fibres optiques sous contrôle !

Noircissement des fibres après irradiation : les fibres présentant un rapport [Al] / [P] < 1, ne noircissent pas.

Références :

1. Dissolution des clusters d’ions terres rares dans les fibres optiques a base de silice,
N. Ollier, T. Deschamps, brevet CEA, février 2011 (FR 1100359).

2. Local environment of Yb3+ in fiber preform codoped with Al and P and its relevance to photodarkening,
T. Deschamps, N. Ollier, H. Vezin and C. Gonnet Journal of Chemical Physics 136 (2012) 014503.

3. T. Deschamps, N. Ollier, C. Gonnet submitted to Optics Express.

4. S. Girard, Y. Ouerdane, B. Tortech, C. Marcandella, T. Robin, B. Cadier, J. Baggio, P. Paillet, V. Ferlet-Cavrois, A. Boukenter, J. P. Meunier, J. R. Schwank, M. R. Shaneyfelt, P. E. Dodd, and E. W. Blackmore,
IEEE Trans. Nucl. Sci. 56 (2009) 3293.

5. S. Jetschke, S. Unger, A. Schwuchow, M. Leich, and J. Kirchof,
Opt. Express 16 (2008) 15540.

 

Contact: Nadège Ollier (IRAMIS/LSI)

 
#1967 - Màj : 01/10/2012

 

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