| Centre
Paris-Saclay
| | | | | | | webmail : intra-extra| Accès VPN| Accès IST
Univ. Paris-Saclay
24 septembre 2009
Mobilité électronique dans des agrégats de gaz rare sélectionnés en taille
logo_tutelle logo_tutelle 

A. Cassimi, D. Hennecart, J. Rangama, T. Been,  D. Lelièvre, J.-M. Ramillon,  -  CIMAP, CEA-CNRS, Caen,
T. Muranaka CEA-IRFU Saclay
A. Leredde, X. Fléchard, LPC
H. Shiromaru, J. Matsumoto,  K.-I. Hayakawa Tokyo Metropolitan University

En explorant la matière avec des ions énergétiques, la répartition des charges entre les fragments, lors d'une réaction d'ionisation, peut nous informer sur la nature des liaisons entre les atomes. Il vient ainsi d'être observé que la charge induite par ionisation est mieux répartie entre les fragments dans le cas des molécules covalentes, où les électrons sont délocalisés sur l'ensemble des atomes, comparé aux agrégats de gaz rare, où les électrons restent individuellement localisés sur leur atome.

Arracher plusieurs électrons à un édifice polyatomique, tel qu'une molécule ou un agrégat, conduit usuellement à sa dissociation. En effet, la cohésion de ces systèmes résulte en règle générale de l'échange d'électrons entre les atomes les constituant. Retirer certains de ces électrons déstabilise les liaisons au sein de l'édifice atomique, qui se dissocie en se relaxant. C'est le cas notamment des molécules à liaisons covalentes ou, de manière plus délocalisée, des agrégats métalliques.

 

L'état délocalisé des électrons mis en jeu est reflété par les voies de fragmentation dominantes lors de la dissociation de tels objets après une multi-ionisation et le déficit de charge tend à se distribuer uniformément sur les fragments. Ainsi, pour une molécule diatomique (N2 ou CO par exemple), les voies conduisant à la production de fragments atomiques de charges égales seront toujours privilégiées. Pour ces mêmes raisons, la fragmentation d'agrégats de taille importante (C60, Nan, ...) conduira principalement à des fragments simplement chargés.

Ces principes généraux sont-il remis en cause si le système est constitué d'atomes ne partageant pas d'électrons (liaisons de type van der Waals) ? Quelles conséquences cette localisation des charges aura sur le processus de fragmentation induit par une multi-ionisation ?

Ces questions sont bien légitimes, puisque l'on montre par ailleurs que la mobilité des charges est un paramètre important conditionnant la sensibilité des matériaux à l'irradiation. Ainsi, leur endommagement dépend fortement de leur caractère isolant ou conducteur.

 
Mobilité électronique dans des agrégats de gaz rare sélectionnés en taille

Dispositif COLTRIMS (Cold Target Recoil Ion Momentum Spectroscopy) du CIMAP. Ce spectromètre de temps de vol est équipé de deux détecteurs sensibles en position permettant la mesure vectorielle de la vitesse des fragments en coïncidence.

Mobilité électronique dans des agrégats de gaz rare sélectionnés en taille

Distribution d’énergie cinétique (en eV) des fragments Ar+. La flèche indique la position attendue pour une dissociation après partage rapide des électrons sur les deux centres atomiques.

Une collaboration franco-japonaise, à laquelle le CIMAP participe, s'est intéressée au rôle de cette mobilité des charges dans des systèmes moléculaires simples. L'étude a porté sur des agrégats de gaz rare constitués de seulement quelques atomes. Ces agrégats, faiblement liés par les interactions de type Van der Waals (interaction dipôle - dipôle), sont produits à l'aide d'une détente supersonique. L'ionisation douce, sans transfert d'énergie vibrationnelle, est obtenue très efficacement par collision avec des ions multichargés de basse énergie (Ar9+ à 152 keV), disponibles sur la ligne de faisceau ARIBE du GANIL. Le passage rapide de l'ion multichargé à proximité de la cible induit l'ionisation par capture électronique des électrons externes (i.e. de valence).

Les détails de la dynamique de la fragmentation (relaxation du système) ainsi que la mesure des charges ont été obtenus par le spectromètre COLTRIMS (Cold Target Recoil Ion Momentum Spectroscopy) du CIMAP. Ce dispositif s'appuie sur les techniques les plus récentes d'imagerie, de temps de vol et de multi-coïncidences (figure 1). Il donne accès au nombre d'électrons arrachés au système au cours de la collision, à l'identification de chacun des fragments (charge et masse), ainsi qu'à la mesure de leur énergie cinétique, après "l'explosion" de l'agrégat.

 

Dans ce cadre, l'étude récente de la fragmentation de dimères d'argon (Ar2) a conduit à une observation surprenante : l'énergie cinétique des fragments est supérieure à la valeur attendue pour une dissociation en deux fragments de même charge (figure 2). Au contraire, la valeur mesurée traduit le fait que les électrons ne sont arrachés qu'à un seul des deux atomes, puis, par un processus de type excimère (plus précisément de type complexe donneur-accepteur), le système se dissocie. Cette localisation du déficit de charge, reflet de la faible mobilité électronique au sein du système, s'observe également sur la proportion des différentes voies de fragmentation (figure 3). Dans le cas de Ar24+, la voie asymétrique (Ar+ + Ar3+) est dominante alors qu'elle ne représente par exemple qu'environ 10% de la voie symétrique dans les systèmes covalents (N24+ → N2+ + N2+).

Ces résultats tout à fait inattendus sont actuellement très discutés car la compréhension des processus sous-jacents reste incomplète. Il sera passionnant de suivre l'évolution de la mobilité électronique avec la taille de l'agrégat.

 
Mobilité électronique dans des agrégats de gaz rare sélectionnés en taille

Sections efficaces relatives des canaux de dissociation :
CO4+ → C2+ + O2+ ou C3+ + O+ / C+ + O3+ comparées à :
Ar4+ → Ar2+ + Ar2+ et Ar+ + Ar3+.

Références :

"Asymmetry in Multiple-Electron Capture Revealed by Radiative Charge Transfer in Ar Dimers",
J. Matsumoto, A. Leredde, X. Fléchard, K. Hayakawa, H. Shiromaru, J. Rangama, C. L. Zhou, S. Guillous,
D. Hennecart, T. Muranaka, A. Mery, B. Gervais, and A. Cassimi,
Physical Review Letters, 105 (2010) 263202.

"Charge mobility in rare gas clusters",
J.Matsumoto, A.Leredde, K.Hayakawa, H.Shiromaru, X.Flechard, J.Rangama, D.Hennecart, T.Muranaka, A.Cassimi, 21st International Symposium on "Ion-Atom Collisions" (ISIAC), July 17-20, 2009, Norfolk, Virginia, USA.

 Autres références sur la thématique fragmentation moléculaire :

"Internal inelastic scattering satellite probed by molecular-frame photoelectron angular distributions from CO2",
X.-J. Liu, H. Fukuzawa, T. Teranishi, A. De Fanis, M. Takahashi, H. Yoshida, A. Cassimi, A. Czasch, L. Schmidt, R. Dörner, I. Koyano, N. Saito, and K. Ueda,
Phys.Rev.Lett. 101 (2008) 023001

"Breakdown of the two-step model in K-shell photoemission and subsequent decay probed by the molecular-frame photoelectron angular distributions of CO2",
X.-J. Liu, H. Fukuzawa, T. Teranishi, A. De Fanis, M. Takahashi, H. Yoshida, A. Cassimi, A. Czasch, L. Schmidt, R. Dörner, K. Wang, B. Zimmermann, V. McKoy, I. Koyano, N. Saito, and K. Ueda,
Phys.Rev.Lett. 101 (2008) 083001 

"Ionization and fragmentation of water clusters by fast highly charged ions",
L Adoui, A Cassimi, B Gervais, J-P Grandin, L Guillaume, R Maisonny, S Legendre, M Tarisien, P López-Tarifa, M-F Politis, M-A Hervé du Penhoat, R Vuilleumier, M-P Gaigeot, I Tavernelli, M Alcamí and F Martín,
J.Phys.B: At. Mol. Opt. Phys. 42 (2009) 075101.

 
#1446 - Màj : 03/01/2011

 

Retour en haut